La Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire a rendu public, en décembre 2025, son rapport définitif sur la gestion de Nantes Métropole Habitat (NMH), principal bailleur social de l’agglomération nantaise, fort de plus de 23 000 logements. Le document, qui porte sur les exercices postérieurs à 2019, dresse un constat nuancé mais préoccupant : si l’office demeure un acteur central du logement social local, sa trajectoire financière se fragilise, sa gouvernance interroge, et ses réponses aux défis sociaux et écologiques apparaissent insuffisamment structurées.
En filigrane, le rapport met en lumière une tension croissante entre des objectifs politiques métropolitains ambitieux et les contraintes budgétaires d’un bailleur social soumis à une pression financière durable.
Une gouvernance interrogée : l’exemple emblématique du Cinématographe
L’un des points les plus sensibles du rapport concerne l’acquisition, par NMH, d’un cinéma associatif en centre-ville de Nantes, pour un montant de 7,7 millions d’euros. Ce projet, destiné à la Ville de Nantes, est qualifié par la Chambre de mission secondaire, éloignée du cœur de métier d’un bailleur social.
Les magistrats financiers pointent plusieurs faiblesses : absence d’étude financière comparative préalable, coûts jugés élevés au regard de projets équivalents, et surtout risque de confusion des rôles. Le président de NMH est en effet également adjoint à l’urbanisme à la Ville de Nantes, situation qui, sans constituer juridiquement une illégalité, pose un problème de lisibilité démocratique et de prévention des conflits d’intérêts.
Dans sa réponse officielle, NMH réfute cette analyse. L’office rappelle que la loi ELAN de 2018 a élargi ses compétences aux locaux d’activité et équipements d’intérêt général. Il insiste sur le caractère économiquement neutre de l’opération, financée sans mobilisation de fonds propres et couverte par une redevance versée par la Ville. NMH affirme également avoir mis en place des mécanismes de déport systématique pour éviter toute interférence dans les décisions d’urbanisme.
La Chambre maintient toutefois sa recommandation : mieux documenter les décisions, renforcer les analyses comparatives et accroître la vigilance sur la gouvernance, afin d’éviter toute confusion entre action publique locale et gestion d’un établissement public de l’habitat.
Une situation financière sous tension durable
Sur le plan financier, le constat est plus préoccupant. Entre 2019 et 2024, le résultat net comptable de NMH a chuté de près de 90 %, passant de 9,1 millions à environ 1 million d’euros. Cette dégradation s’explique par plusieurs facteurs combinés : hausse de la vacance locative, faiblesse des cessions de logements, relance de la construction dans un contexte de taux d’intérêt élevés, et prélèvements récurrents de l’État (réduction de loyer de solidarité et contributions diverses).
La Chambre souligne que cette trajectoire réduit les marges de manœuvre de l’office, notamment pour investir dans la rénovation du parc existant ou accélérer la production de logements. Si les charges de personnel sont jugées maîtrisées, l’endettement progresse et la capacité d’autofinancement se contracte.
NMH, de son côté, met en avant les contraintes extérieures : décisions nationales, pression financière de l’État, contexte macroéconomique défavorable. L’office affirme poursuivre une stratégie de production soutenue, avec 450 à 600 logements par an, en lien avec le plan local de l’habitat métropolitain. La Chambre alerte néanmoins : sans soutien financier supplémentaire, cette trajectoire apparaît difficilement soutenable à moyen terme.
Une offre de logement insuffisamment adaptée aux besoins réels
Le rapport met également en cause la structure du parc de logements. Près de 99 % du patrimoine de NMH est concentré sur la commune de Nantes, ce qui limite la capacité de l’office à accompagner la métropolisation réelle de l’habitat. La présence de plus de 1 100 pavillons en ville centre, peu rotatifs et coûteux à entretenir, est jugée peu efficiente au regard de la demande.
La Chambre pointe aussi un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande, notamment pour les petits logements : alors que les studios et T2 représentent une part importante des demandes, ils demeurent sous-représentés dans le parc. Le taux de rotation reste faible, freinant l’accès au logement pour de nombreux ménages.
NMH répond que la métropolisation est engagée, avec des projets hors Nantes et une réflexion sur la densification du foncier existant. Une évolution du tissu pavillonnaire est annoncée dans le cadre du futur plan local de l’habitat, mais elle reste à concrétiser.
Attributions et gestion locative : une mécanique grippée
Malgré une demande en forte hausse – près de 38 000 dossiers en attente –, le nombre d’attributions recule. Le taux de refus par les demandeurs atteint 23 %, ce que la Chambre juge préoccupant. L’utilisation limitée des outils de cotation et l’examen insuffisant de la situation des occupants freinent la fluidité du parc.
NMH reconnaît ces difficultés et annonce une révision de la cotation en 2026, afin de limiter les refus non motivés et d’améliorer la rotation. Là encore, la Chambre insiste sur la nécessité d’une action plus volontariste.
Transition écologique : des efforts réels, mais une stratégie encore incomplète
Sur le plan environnemental, la Chambre reconnaît les investissements engagés en matière de rénovation énergétique, mais estime que la stratégie reste incomplète. Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre manquent de lisibilité, et l’anticipation des futures contraintes européennes apparaît insuffisante.
NMH met en avant une stratégie RSE en cours de structuration et rappelle que la majorité de son parc est déjà classée dans les catégories énergétiques les plus performantes. La Chambre appelle néanmoins à une intégration plus rigoureuse des enjeux climatiques dans la stratégie patrimoniale globale.
Un modèle à réinterroger
Au terme de son analyse, la Chambre régionale des comptes formule plusieurs recommandations qui convergent vers une même exigence : recentrer l’action de Nantes Métropole Habitat sur son cœur de mission, clarifier sa gouvernance, sécuriser sa trajectoire financière et adapter plus efficacement son offre aux besoins sociaux réels.
Derrière ces constats, se pose une question plus large : celle d’un modèle de logement social de plus en plus instrumentalisé par des objectifs politiques, sans toujours disposer des moyens financiers et institutionnels nécessaires. Dans un territoire sous tension, où la demande explose et les marges se réduisent, la soutenabilité de ce modèle reste désormais posée.
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
