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Pays de la Loire : des aides aux entreprises très critiquables

02/02/2014 – 06H00 Nantes (Breizh-info.com) – Passer au crible la gestion de la région des Pays de la Loire n’était pas une mince affaire : la chambre régionale des comptes vient seulement de publier le rapport d’observations définitives rédigé à la suite d’un contrôle commencé en avril 2012 !

La région applique une stratégie financière « crédible et relativement prudente », estime la chambre. La région se saisira de cette affirmation pour laisser entendre que tout va bien. En réalité, confirmant implicitement certaines analyses antérieures, la chambre lui reproche pas mal d’insuffisances et même plusieurs irrégularités caractérisées.

Ainsi, la région ne possède pas d’inventaire fiable, sa présentation budgétaire « pas toujours orthodoxe […] pose des problèmes de lisibilité de son action », l’information communiquée aux élus à propos des investissement « ne permet pas une réelle visibilité du coût global de ces opérations », certaines subventions sont comptabilisées à tort comme des investissements, près de 20 % des dépenses sur factures sont réalisées sans engagement préalable, 21 % des factures sont acquittées en retard, etc.

Mais c’est dans le domaine de l’action économique que la région montre les lacunes les plus criantes. C’est pourtant dans ce domaine qu’elle affiche les plus grandes prétentions. En 2013, note la chambre, la région a « confirmé son projet d’un haut niveau d’investissement pour soutenir l’activité économique régionale ». Paroles, paroles ? En mai 2009 déjà, elle avait présenté solennellement « quarante mesures contre la crise » qui prévoyaient une accélération des investissements. En définitive, ces derniers avaient été en 2010 et 2011 « en net ralentissement par rapport aux exercices précédents » !

Les aides à l’action économique, c’est le bazar !

Le problème n’est pas seulement dans les montants absolus. Au total, calcule la chambre « un peu moins de la moitié (49 %) des financements régionaux d’action économique a bénéficié directement aux entreprises ». Ainsi, en 2011, 40 % des financements en faveur de la recherche sont allés à des thèses ou à des colloques universitaires consacrés à des thèmes du genre « Sociabilité musicale dans la France de l’Ouest de la fin du XVème et du XXème siècle », « La problématique de l’image dans l’œuvre de Michel Tournier » ou « Amérindiens Cris et Inuits du Nord du Québec ».

Le contrat de projet État-Région (CPER) pour 2007-2013 représente près d’un milliard d’euros d’engagement au total, mais moins d’un quart de l’enveloppe concerne véritablement l’action économique. Encore bénéficie-t-elle en bonne partie à des dispositifs de soutiens individuels comme des aides au départ, « en contradiction avec l’esprit des CPER » ; les actions en faveur du secteur n’ont fait l’objet d’aucune évaluation. Par ailleurs, le CPER ne prévoit aucun soutien à l’exportation.

De plus, les aides aux entreprises sont incroyablement morcelées : en 2009, le conseil économique, social et environnemental de la région (CESER) en recensait… plus de 730 ! La région a réduit leur nombre à 85 en 2012, nombre encore important qui «  tend parfois à nuire à leur lisibilité et à la visibilité de l’action de la région ». Cela favorise l’empilement d’aides publiques de toutes sortes, régionales et autres. Au total, la création de l’énorme usine à mozzarella d’Herbignac (30.000 tonnes par an !) a ainsi été financée à 34,8 % par les contribuables. « C’est le bazar ! » résume vertement un chef d’entreprise nantais.

Du redéploiement au renflouement… ou au naufrage

Il arrive même que les pratiques de la région des Pays de la Loire enfreignent les dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT). Ainsi, les aides aux entreprises sous forme de prêts et d’avances remboursables doivent avoir pour objet la création ou l’extension d’activités économiques (article L. 1511-2). À en juger d’après son intitulé, le prêt régional de redéploiement industriel (P2RI) créé par la région en 2009 répond à cette intention. C’est un leurre : la chambre a constaté dans plusieurs dossiers que l’entreprise pouvait l’utiliser pour financer son bas de bilan, « c’est-à-dire pour renflouer sa trésorerie ». Circonstance aggravante, avant le contrôle de la chambre, la région ne passait aucune provision pour risques et charges au titre de ses prêts « malgré la situation compromise de certains bénéficiaires ». Et, cerise sur le gâteau, certaines de ces aides pourraient bien être illégales au regard du droit européen !

La région des Pays de la Loire, qui réfléchit beaucoup, ne s’est pas limitée au P2RI : en 2012, elle a aussi créé le « prêt régional de développement de l’emploi (PRDE) », qui devait être plus « offensif ». Ce bel effort n’a pas servi à grand chose : le PRDE « n’a concerné qu’un seul dossier et a été totalement remplacé par le P2RI ». La région consent aussi des avances remboursables, peu nombreuses cependant. C’est heureux, car « plusieurs entreprises, auxquelles la région avait accordé des avances remboursables […] ont été placées en redressement judiciaire ». Dans un cas même, le dépôt de bilan est intervenu deux mois après l’octroi de l’avance par la région.

Une autre formule utilisée par la région est celle des « plateformes régionales de l’innovation » (PRI) ; en réalité, elles fonctionnent souvent comme une source de financement supplémentaire » pour les travaux d’organismes et de laboratoires de recherche, « sans objectif réellement identifiable en matière de développement économique et sans que les entreprises participantes soient très impliquées ». Le fonctionnement des PRI apparaît d’ailleurs très laborieux dans bien des cas, ce qui n’a pas empêché une forte augmentation des engagements financiers de la région en leur faveur : 65 millions d’euros en 2012. Un peu trop sans doute car, note la chambre, « plusieurs exemples de financement de PRI et de pôle de compétitivité montrent que le niveau des aides publiques auxquelles contribue la région pour financer des actions collectives, ne respecte pas les règles européennes ». La région cherche à rectifier le tir grâce à d’autres régimes d’aide comme celui des aides à la recherche. Hélas, « la chambre a constaté que, dans certains cas, des actions financées au titre du conseil et du soutien à l’innovation ne correspondaient pas à [ces] critères ».

Les aides font rarement l’objet d’un suivi. « Les documents demandés aux bénéficiaires ne sont pas toujours fournis et leurs engagements ne sont pas toujours respectés ». La région affiche la volonté de s’amender : elle a rédigé un « contrat de progrès » qui impose des engagements. Reste à voir ce qu’il en adviendra. Toujours est-il que la région elle-même se dispense d’établir le rapport annuel sur ses aides imposé par l’article L. 1511-1 du CGCT ! À titre interne, elle ne fait pas beaucoup plus d’efforts pour connaître les effets de son action. La région commence à corriger cette lacune », note cependant la chambre. Il s’agit néanmoins d’un recommencement, puisque la région avait déjà mis en place une commission d’évaluation, sans grand effet, en 2007.

Opacité et rivalités

Globalement, le comportement de la région en matière d’aides aux entreprises donne lieu à un constat sévère de la chambre : « la multiplicité des projets, des structures d’animation autant que des financements fait courir le risque d’un manque lisibilité pour les entreprises et les organismes de recherche, d’un éparpillement des financements publics, et en définitive d’un manque d’efficience ».

La situation n’est pas meilleure pour les aides à la création d’entreprise : « La coordination de la région avec l’État en matière de soutien à la création d’entreprises est nettement insuffisante dans les Pays de la Loire en raison d’une rivalité sur leurs rôles respectifs. Plus généralement, il semble manquer si ce n’est d’une véritable gouvernance régionale dont la région pourrait prendre la tête, du moins d’une meilleure coordination des objectifs et des interventions, face au foisonnement des différents intervenants publics et privés. »

Cette coordination est mal partie puisque les relations de la région et des services de l’État sont, en la matière « empreintes d’une certaine rivalité […] au risque parfois de créer une certaines confusion ». Illustration : la région a créé fin 2012 un poste de délégué régional aux entreprises en difficulté « dont les missions paraissent proches de celles du commissaire au redressement productif installé quelques mois plus tôt par l’État ».

Des ambitions compromises

Entre la région et l’État, c’est même l’escalade puisque Jacques Auxiette, pourtant élu socialiste, s’en est pris récemment à François Hollande avec une violence incroyable. « En voulant traiter de la question essentielle de l’efficacité de l’action publique et de son coût, le Président de la République vient très maladroitement de relancer les polémiques qu’affectionnait et instrumentalisait son prédécesseur », a-t-il écrit sur son blog voici quelques jours. À la lecture du rapport de la chambre régionale des comptes, on comprend mieux l’énervement du président de la région des Pays de la Loire. Car les constats de la chambre ternissent son étoile et vont assombrir sa fin de mandat.

clergeauIls pourraient au passage menacer les espérances de Christophe Clergeau, en qui certains voyaient le possible successeur de Jacques Auxiette. Bien que dépourvu de toute expérience en entreprise, Christophe Clergeau, fils de la députée socialiste Marie-Françoise Clergeau et premier vice-président de la région, est en charge du développement économique et de l’innovation. La médiocrité de l’action régionale dans ce domaine obère désormais ses perspectives.

________

Pour ne pas alourdir cet article, les rapports de la chambre régionale des comptes concernant la SEM et la SPL des Pays de la Loire, pas moins éloquents sur la gestion de Jacques Auxiette, feront l’objet d’une analyse distincte.

Crédit photo Jacques Auxiette, [cc] Manuel via Wikimedia Commons. Photo Christophe Clergeau, [cc] Philippe Grangeaud via Flickr
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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