Napoléon Bonaparte a inspiré de nombreux écrivains. Pour les seuls Français, il suffit de citer Stendhal (Vie de Napoléon, 1817-18), Léon Bloy (L’Âme de Napoléon, 1912), Elie Faure (Napoléon, 1931), José Cabanis (Le Sacre de Napoléon, 1970), Jean-Paul Kauffmann (La Chambre noire de Longwood, 1997), Jean-Marie Rouart (Napoléon ou la destinée, 2003).
Sans oublier Alexandre Dumas auquel on doit un Napoléon paru en 1840. Un texte tenu à l’écart qui vient d’être opportunément réédité chez L’Harmattan. La présentation d’Alain Chardonnens et la mise en forme critique mettent en lumière cet éloge presque échevelé du Corse :
« Trois hommes, selon nous, ont été choisis de toute éternité dans la pensée de Dieu pour accomplir l’œuvre de régénération : César, Carl-le-Grand et Napoléon. César prépare le christianisme, Carl-le-Grand la civilisation, Napoléon la liberté. »
Le récit de Dumas forge la légende napoléonienne. La rigueur historique, l’analyse critique laissent la place à cette exaltation qui glorifie ou, en tout cas, sanctifie les pires revers, l’Espagne, la retraite de Russie, Waterloo. Même le despotisme de Napoléon est absous car, selon Dumas, il a fait passer partout en Europe « l’esprit de la France… jetant au vent les résolutions comme un semeur de blé. »
Pourquoi cette contradiction ?
Il était d’une « double nature populaire et aristocratique, en arrière des idées de la France, mais en avant des idées de l’Europe : homme de résistance pour l’intérieur, mais homme de progrès pour l’extérieur.»
On se retrouve assez loin de Stendhal qui, avant Dumas, avait donné une analyse plus raisonnée de l’épisode napoléonien. Chez Dumas, l’écriture est lyrique voire emphatique, chez Stendhal elle se veut concise, procédant par notations sèches, sans fioritures même s’il se déclare séduit par le conquérant. Affaire de tempérament.
En tout cas, Alexandre Dumas avait bien du mérite. Son père, le général Thomas-Alexandre (photo) avait été maltraité par Napoléon. Né des amours du planteur Alexandre Antoine Davy de la Pailleterie et de l’esclave affranchie Marie-Cesette, le père de Dumas s’était fait dragon et la Révolution lui permit de monter vite en grade. En 1798, Bonaparte l’emmena en Egypte mais l’indiscipline et surtout le franc-parler du « nègre Dumas » l’irritèrent au point de l’écarter. Le général Dumas mena une fin de vie assez triste, mis à la retraite, jusqu’à sa mort en 1806. Alexandre avait deux ans.
Jean Heurtin
* Alexandre Dumas, Napoléon, L’Harmattan, 2015.
* Stendhal, Vie de Napoléon, Payot, 2006.
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