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Emeutes lors des manifestations à Nantes : la plupart des vrais casseurs échappent à la police

13/04/2016 – 05H30 Nantes (Breizh-info.com) – Suite aux émeutes qui accompagnaient la manifestation du 9 avril à Nantes contre la loi Travail – qui a réuni près de 8000 manifestants dans un centre-ville en état de siège – trois casseurs ont été jugés ce 11 avril au tribunal. Cependant leurs profils d’émeutiers occasionnels sont très éloignés des véritables casseurs, issus des quartiers sensibles nantais ou de l’extrême-gauche radicale que nous avons vu se défouler ce jour là, ou lors des manifestations précédentes. Un policier nantais nous explique comment cela se fait-il que la plupart des casseurs les plus virulents échappent aux interpellations, et donc aux foudres de la justice.

Ce 9 avril, alors que le cortège syndical regroupait environ 8000 manifestants, la dispersion de la manifestation institutionnelle s’est faite très vite après l’arrivée à Hôtel-Dieu, vers 16 h. La dernière camionnette CGT – la buvette, qui venait de vider ses stocks – quittait les lieux à 16h50 pile, alors que la plupart des syndicats avaient déserté les lieux et que l’ambiance devenait insurrectionnelle. Seuls 2000 jeunes tout au plus restaient sur place, dans un périmètre compris entre la gare routière, le nord du cours Olivier de Clisson, le Carré Feydeau et l’entrée nord du CHU.

Un noyau dur de 100 casseurs d’extrême-gauche bien organisés et groupés

Parmi ces jeunes, environ 500 participaient aux attroupements qui défiaient la police, la caillassant notamment à plusieurs endroits de l’île Feydeau – à la jonction de la rue Kervégan et du cours Olivier de Clisson, ou du quai Turenne et de la rue Du Guesclin, puis aux abords de la gare Routière et de la place Ricordeau. « Sur ces 500 jeunes, il y en avait à peu près 50 de la mouvance de l’extrême-gauche radicale nantaise, ce sont toujours les mêmes, archi-connus, une vingtaine du groupuscule ACAB, reconnaissables à leurs petits boucliers noirs peints ou couverts de slogans, et trente à quarante zadistes violents », explique notre source, dont nous protégerons l’anonymat.

Les lettres ACAB signifient all cops are bastards = tous les flics sont des bâtards ; c’est à la fois un slogan anglo-saxon et un groupuscule d’extrême-gauche anarchisante qui est violemment opposé aux forces de l’ordre. Dans la rue, ses membres s’affrontent très violemment avec la police ou les gendarmes, à la façon des black blocks. Sur le web, ils n’hésitent pas à « dénoncer la violence des policiers », tout en passant sous silence la leur, via des sites comme Copwatch ou encore diffusant des données personnelles d’agents des forces de l’ordre – et pas seulement de policiers – comme récemment à l’occasion du procès de la mort de Zyed et Bouna à Rennes, dix ans après les émeutes de 2005 dont cela avait été l’élément déclencheur.

Ces casseurs d’extrême-gauche sont très bien organisés. Par exemple, lors de la manifestation du 31 mars, les policiers ont récupéré près du château une curieuse structure transportée par les groupes d’émeutiers de l’ultra-gauche, et qu’on pouvait voir lors des affrontements entre l’île Feydeau et le CHU. Formée de quatre caddies solidarisés par des planches et entourée de bâches, c’est en fait une armurerie et un vestiaire ambulant : deux caddies contenaient des vêtements, deux autres des projectiles divers et des panneaux pouvant servir de boucliers. « Comme ça, ils font des actions dans la manif – par exemple envoyer des projectiles sur des policiers – puis ils rentrent à l’abri des bâches, se changent en un tournemain et disparaissent dans la foule », explique le policier. « Et ils recommencent plusieurs fois s’il le faut. Comme ça, on a plus de mal à les repérer grâce à leurs vêtements puis à les interpeller, et si on les serre, on ne va pas retrouver sur eux le foulard, les gants ou les outils qui pourraient les confondre et nous permettre de les présenter à la justice ».

Par ailleurs, ils restent toujours groupés, y compris lors des charges policières qui ont pour double objectif de disloquer le front des émeutiers et de les faire reculer. Ce conseil – doublé par celui de ne pas courir, ou de ne pas laisser des gens en arrière – se retrouve un peu partout, par exemple dans ces conseils pour se protéger des gaz lacrymogènes et qu’on doit à la fois aux gauchistes de Nantes et de Rennes.

Ces conseils ne sont d’ailleurs pas si innocents que cela, quand on prend le temps de les lire : « Pour les voix respiratoire [sic], on peut utiliser un foulard, que l’on met devant son nez et sa bouche », ou de regarder l’affichette des militants de l’ultra-gauche de Rennes qui conseille à la fois le masque de plongée et le foulard. En effet, le fait de dissimuler tout ou partie de son visage pour ne pas être identifié est une circonstance aggravante en cas de participation à des violences volontaires contre les personnes ou les biens, comme le précise le point 15° de l’article 222-13 du code pénal. L’usage de sérum physiologique ou de Maalox reste en revanche dans les limites de la légalité.

Le fait que les casseurs d’extrême-gauche restent toujours regroupés entrave sérieusement le travail de la police : « on ne peut pas les interpeller sans se mettre en danger, donc on ne fait pas », précise notre source. « En plus, on n’a pas d’effectifs suffisants. Même si on met tout le dispositif pour faire une nasse, ce serait insuffisant, il faudrait être nettement plus nombreux qu’eux pour poser un rapport de force qui nous soit favorable ». Et là, étant donné que les CRS de Nantes sont actuellement en renfort à Calais, Rennes et Mayotte, il faudrait faire venir des renforts supplémentaires pour sécuriser la ville. C’est là qu’intervient le paramètre de la volonté politique. Pour coffrer massivement les manifestants majoritairement pacifiques de la Manif pour Tous et des mouvements associés (Veilleurs, Hommen, Printemps Français), cette volonté politique existait. Quitte à interpeller 400 personnes en une journée dont la grande majorité sera relâchée sans aucune suite judiciaire, pour cause de procédures bâclées et farcies d’illégalités à tous les étages. Pour mettre hors d’état de nuire des émeutiers résolus et armés, qui saccagent Nantes et Rennes de manif en manif, Valls et Hollande sont bien moins courageux. On se demande bien pourquoi.

Des casseurs issus des cités jeunes et très mobiles

Il y avait aussi des casseurs d’origine immigrée, qui ont été assez actifs dans les heurts à partir de 16h30. Le 5 avril, en se glissant dans le cortège, ils ont profité des heurts pour voler du matériel dans des banques saccagées par les émeutiers et pour razzier en quelques minutes le magasin Go Sport situé place Bretagne. Le 31 mars ils se sont encore illustrés en brûlant des poubelles au début de la chaussée de la Madeleine, derrière le restaurant universitaire Ricordeau, puis en précipitant dans le brasier la voiture d’un interne en médecine qu’ils ont préalablement saccagée.

« Il y a plusieurs dizaines de casseurs venus des cités sensibles de Nantes, c’est indéniable. On peut même dire qu’ils sont jusqu’à cent », précise le policier. « En plus, ce sont plutôt des jeunes, de 14 à 18 ans, voire plus jeunes encore. Ce ne sont pas des délinquants chevronnés, généralement plus âgés, de 17 à 29 ans en général. Ils se rôdent en démolissant des choses pendant la manif, ou en profitant du désordre ambiant pour voler des choses ». Comment se fait-il qu’ils ne peuvent être interpellés ? « ils sont très mobiles, et en plus ils connaissent bien les policiers, même en civils. Ils les voient tous les jours dans leurs quartiers sensibles ». Donc une fois leur coup fait – un caillassage, un incendie volontaire, une destruction de bien ou un vol, ils s’éparpillent et glissent entre les mains des policiers, profitant de la confusion ambiante ou de la proximité de manifestants plus pacifiques pour s’y fondre en quelques minutes.

Les émeutes dures, un destin nantais et breton ?

D’autres particularismes nantais rendent la tâche difficile aux policiers. « Il y a une vraie culture de la manifestation illégale et dure à Nantes », remarque notre source. Et pour cause – l’Histoire n’est jamais loin, que ce soit pour rappeler les affrontements très violents entre métallos et policiers en août 1955 qui ont laissé un ouvrier mort, Jean Rigollet, et blessé des dizaines de CRS à l’époque, ou pour qu’on se souvienne des barricades dressées en mai 1967 au Petit Port par des étudiants maoïstes et situationnistes, rejoints par des ouvriers de l’aéronautique (Sud-Aviation) et même des paysans. Là encore, Nantes, où tant de tensions se rejoignent, était à l’avant-garde des contestations. Elle n’a cessé de l’être depuis, fer de lance de la contestation anti-CPE, de la réforme des IUT ou de l’autonomie des facultés pour la gauche, et, pour l’autre bord, du mariage homosexuel et des dérives associées (GPA, adoption plénière pour les couples homosexuels, théorie du genre…) en 2012-2013.

« Ici, c’est quand même une ville où les leaders de la CGT peuvent vous déclarer qu’ils ne demanderont pas d’autorisation, car la manifestation même illégale est tolérée depuis des années, c’est devenu une tradition », constate le policier. « Ici, chaque samedi, on peut avoir trois manifs, pour la Palestine, les immigrés ou autre chose dont aucune ne sera déclarée. En même temps, ça n’encourage pas à responsabiliser les manifestants. Pas de déclaration, donc pas de responsables, donc certains pensent que tout est permis ».

Par son histoire sociale, Nantes est réellement la capitale de la Bretagne, au carrefour des contestations successives et pas toujours contradictoires qui peuvent être tant les plus modernistes que les plus conservatrices. Des Bonnets rouges à la Loi Travail en passant par la chouannerie, Notre-Dame des Landes et le nucléaire, la révolte semble être dans son ADN, elle coule dans son sang, irrigue sa destinée historique, constitue une part importante de sa façon d’être, de vivre, de résister et se perpétuer. Les émeutes récurrentes et leurs inévitables dégâts sont-elles la marque d’un laisser-aller coupable de la part du gouvernement, qui livre Nantes (et Rennes) aux casseurs, où est-ce une part du fardeau historique d’un pays, la Bretagne, qui refuse de se résigner à la perte de son identité ? La question est ouverte…

Crédit photos : breizh-info.com
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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Une réponse à “Emeutes lors des manifestations à Nantes : la plupart des vrais casseurs échappent à la police”

  1. christian vidal dit :

    Les casseurs d’extrême gauche sont le bras armé de valls_cazeneuve contre le FN ceci expliquant cela.

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