Le rapport Clavreul sur la laïcité a été remis au gouvernement. Et bien qu’il développe des idées qui peuvent être de bon sens, il ouvre une véritable boîte à baffes, notamment en politique locale. Commandé au préfet Gilles Clavreul, proche de Manuel Valls et du Printemps Républicain, qui a rendu ce qu’on attendait de lui – une vision de la laïcité crispée autour d’une laïcité transformée en socle commun de la République – il donne des sueurs froides à tous les clientélistes locaux, tous partis confondus, qui ont joué sur les atteintes plus ou moins grandes à la laïcité pour s’assurer une base populaire.
Finis les clientélismes locaux contraires à la laïcité ?
La première des propositions choc est en effet de « conditionner le soutien de l’État (attribution de subvention, agrément, soutien à un événement) à l’engagement de respecter et promouvoir la laïcité ». Notamment de « conditionner l’examen de subvention ou d’un emploi aidé à l’engagement de suivre une formation sur les valeurs de la République et la laïcité ». Finis dans ce cas les emplois aidés dans les quartiers sensibles attribués à d’anciens délinquants en charge maintenant d’assurer la paix sociale, finies les ventes de terrains ou locations de salles à prix d’ami (à Nantes notamment) aux associations cultuelles, notamment musulmanes, finis les auxiliaires radicalisés en prison, chargés de distribuer le courrier et leur bonne parole (ou pas)…
Et fini pour les responsables de tous genres, élus locaux de tous bords la possibilité de se créer des obligés, des clientèles, des communautés amies pour gagner telle ou autre élection ou se maintenir. Le « vieux monde » malmené par Macron et les législatives, qui se maintient encore localement grâce aux poids des clientélismes et de l’Histoire, se voit fragilisé un peu plus, cette fois au nom de la laïcité triomphante.
Seconde proposition choc : former tous les agents de l’État à la laïcité d’ici 2020. De façon très large, puisque le rapport inclut « les adultes-relais, les membres des conseils citoyens, les agents des collectivités locales, les éducateurs sportifs, les intervenants dans le secteur péri-scolaire, les professionnels de la petite enfance, les acteurs de la prévention spécialisée, les agents du service public de l’emploi, ou encore les personnels de la fonction publique hospitalière ». Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas lorsqu’à nouveau la loi sera détournée ou contournée pour rendre un service à telle ou autre religion – souvent toujours la même.
Recenser les atteintes à la laïcité : les médias de réinformation le font depuis des années
Troisième proposition : « renforcer les exigences de formation à la laïcité et aux valeurs de la République du brevet d’aptitude à la fonction d’animateur (Bafa) et au brevet d’aptitude à la fonction de directeur (BAFD) ». Ce qui va créer un certain émoi dans… les lycées catholiques (sous contrat) et les diocèses, qui poussent leur jeunesse à passer le BAFA afin de pouvoir s’assurer des jobs d’été, mais aussi pouvoir encadrer les activités de jeunesse. Cela dit, en France, l’enseignement catholique – sous contrat seulement, mais c’est la majorité des élèves et des établissements – est arrivé jusqu’ici à toucher des aides publiques massives (emplois aidés, salaires des professeurs, aides aux sorties scolaires…), tout en maintenant sa spécificité.
La quatrième proposition est de faire le recensement « au niveau national, des diagnostics fiabilisés des incidents relatifs à la laïcité, à la contestation des valeurs républicaines, et au non-respect des exigences minimales de la vie en société », notamment dans les secteurs « sanitaire et sportif ». Plutôt que de payer un préfet ou un député à constituer un nouveau rapport, le rapporteur pourra lire la presse de réinformation qui recense inlassablement depuis des années de nombreuses atteintes à la laïcité, par exemple dans la police, sur les marchés (mention spéciale pour les vendeurs de Coran, de voiles et d’autres produits halal sur le marché de la Petite Hollande à Nantes ou de Bellevue en Saint-Herblain) ou en politique. Cependant, plutôt que de soutenir et reconnaître le labeur de ces journalistes, l’État préfère laisser diverses structures clientélistes et communautaristes les accabler de procès et leur coller des amendes ou des peines de prison pour délit d’opinion.
Les CORA : la clé du camion de pompier confiée aux pyromanes
Enfin sans grande surprise et très confraternellement, le rapport suggère d’établir un « corps de doctrine » sur la laïcité en transformant les Comités opérationnels de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Cora) en « comités départementaux pour la laïcité pour la promotion de la laïcité et des valeurs de la République ». Les CORA étaient une idée de Gilles Clavreul lui-même, à l’époque où il était délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Composés de responsables administratifs divers (le recteur, le directeur départemental de la sécurité publique, le commandant de groupement de la gendarmerie départementale, le délégué du défenseur des droits, le président de l’association départementale des maires) et des maires des communes les plus concernées), ils sont « inspirés » par un comité d’orientation constitués d’un « représentant du conseil économique, social et environnemental régional, des représentants d’associations (Ligue des Droits de l’Homme, SOS Racisme, Ligue Internationale contre Racisme et l’Antisémitisme), des représentants des cultes et des personnes intervenants dans le domaine de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme »
Bref, les CORA reviennent en fait à confier les clés du camion de pompier aux pyromanes. Ou plutôt aux responsables administratifs, militants communautaires et aux grands élus qui, pour des raisons de carrière ou de politique), voire des deux, n’ont jamais été capables d’assurer le respect de la laïcité hors de paroles tonitruantes en réunion ou en discours de campagnes. Bref, ceux grâce à qui la France en est arrivée là.
Pour faire son rapport, Gilles Clavreul est notamment allé en Loire-Atlantique et Ille-et-Vilaine
Pour élaborer son rapport, Gilles Clavreul s’est déplacé du 22 octobre au 15 janvier dans de nombreux départements urbains : les Bouches-du-Rhône, l’Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, le Nord, le Bas-Rhin, le Rhône, les Yvelines, et un département rural qui est la Meuse. Curieusement, l’Hérault, connu notamment pour Lunel, où un habitant sur dix est étranger et plusieurs dizaines de jeunes ont rejoint le djihad en Syrie, a échappé au radar de Clavreul.
Ce dernier a constaté que les troubles étaient le fait d’un « islam rigoriste voire radical », mais aussi de « catholiques intégristes », sans oublier les « évangéliques et juifs orthodoxes ». Bref, la religion prosélyte et visible, voilà l’ennemi. Même si les faits sont têtus : les terroristes qui ont frappé l’Europe ces dernières années sont tous issus de l’immigration extra-européenne et on y chercherait en vain un juif orthodoxe, un télévangéliste protestant ou un catholique faisant ses Pâques et fan des curés en soutane.
Cela dit, le rapport s’appesantit sur certaines zones, surtout là où les musulmans sont majoritaires : « dans les lieux où la population de confession musulmane est présente, parfois de façon très majoritaire, le rapport à la République se tend sous l’effet d’une foi de plus en plus ouvertement revendiquée » qui conduit à une « différenciation et séparation croissante entre les hommes et les femmes», au « développement d’une offre éducative alternative» en réalité hors contrat, donc pas dépendante de l’État et pas obligée de suivre et respecter les programmes officiels ou la laïcité des enseignants, «la remise en cause des principes républicains et plus particulièrement de la laïcité, perçue comme une arme contre les musulmans », et même du prosélytisme flagrant jusque dans les institutions sportives où les « parents exigent le voilement de leur fille ».
Bref, « l’adhésion aux principes républicains recule par endroits », remarque Gilles Clavreul. Ou plutôt : la République recule. Mais pas dans les chapelles pratiquant la messe en latin dans des coins reculés de la campagne, ou au contraire, au cœur des villes. Ni dans les écoles Loubavitch du nord-est de Paris. Mais dans des quartiers dits sensibles où la population musulmane est majoritaire, où les non-musulmans sont forcés de partir après avoir été accablés de menace et d’agressions, la délinquance règne en maîtresse, et le clientélisme des responsables locaux – comme l’apparatchik socialiste Bolo au Chêne des Anglais à Nantes – n’est pas la dernière raison qui a mené à la situation actuelle. La République y recule, et la France n’y est plus.
Louis Moulin
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