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Laurent Pinatel (Confédération paysanne) sur la ZAD : « les 100 Noms ont refait l’union sacrée »

Dans la journée du mercredi 11 avril, la Confédération paysanne a lancé un appel à ses adhérents à converger sur la ZAD.

Dans la matinée, 13 tracteurs étaient arrivés du nord de la Loire-Atlantique s’ajouter à la dizaine déjà présente sur place. Cependant dans leur grande majorité – ACIPA en tête – les paysans ne se mêlent pas de l’opération en cours et ne semblent guère pressés de défendre les zadistes « irréductibles ». Nous avons interviewé à ce sujet Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération Paysanne.

Breizh Info : Laurent Pinatel, vous avez émis un appel à converger sur la ZAD, pouvez-vous en dire plus ?

Laurent Pinatel : Il n’y a rien de forcément coordonné. Ce matin des tracteurs de Loire-Atlantique ont pu entrer sur la ZAD. Ce mercredi après-midi, des tracteurs d’Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, Vendée, Deux-Sèvres, Mayenne, Sarthe vont se mettre en route pour être sur la ZAD

Breizh Info : Pourquoi cette mobilisation qui rappelle les « tracteurs vigilants » de l’automne 2012 ?

Laurent Pinatel : L’opération de gendarmerie vire au n’importe quoi intégral. Nous voulons protéger les lieux de vie et faire l’interface entre une force policière démesurée et des gens qui s’excitent et se défendent comme ils le peuvent.

Breizh Info : Y compris en jetant des cocktails Molotov sur les gendarmes ?

Laurent Pinatel : L’État n’a pas respecté le processus de dialogue. Sur la ZAD, ils ont proposé des projets collectifs, l’Etat les a ignorés en demandant des projets individuels qui ne correspondent pas aux spécificités locales. Mais c’est vraiment les 100 noms [habitat précaire, mais qui avait déposé un projet agricole à la Préfecture, détruit dans l’après-midi du lundi 9] qui a tout déclenché.

Breizh Info : Il y a cependant des zadistes très radicaux, dont nombre de locaux, y compris d’opposants à l’aéroport, souhaitaient le départ volontaire ou contraint

Laurent Pinatel : On a toujours été clairs et on n’a jamais nié qu’il y avait des radicaux sur la ZAD.

Breizh Info : Vous appelez, avec d’autres, à reprendre le dialogue, est-ce encore possible ? Mercredi, le premier ministre Edouard Philippe a balayé l’idée de faire une pause dans les opérations.

Laurent Pinatel : Je ne vois pas comment reprendre le dialogue dans ces conditions.

Breizh Info : l’idée de l’État, c’est peut-être justement de ne pas le reprendre ?

Laurent Pinatel : C’est fort possible. On marginalise ceux qui sont là-haut [sur la ZAD] et on expulse tout. Puis la préfète on l’a fréquentée lorsqu’elle était en poste dans la Somme, sur le dossier de la ferme des 1000 vaches, elle n’était pas du tout dans le dialogue.

Breizh Info : Au sujet de la ferme des 100 noms, un membre du bureau de l’ACIPA nous avait déclaré le soir même qu’ils ont été « pris de court. Nous croyions qu’ils se limiteraient à dégager la RD281 et à évacuer les squats à ses abords ». Qu’en pensez-vous ?

Laurent Pinatel : C’est sûr que les 100 Noms ont refait l’union sacrée, ce n’est pas du tout ce qui était prévu.

Breizh Info : Qu’est-ce qui était prévu ?

Laurent Pinatel : C’était clair que les gens qui n’avaient pas l’intention d’avoir une activité agricole ou artisanale sur la zone devaient être évacués.

Breizh Info : Cela dit, il semble que les forces de l’ordre ne veulent pas refaire les erreurs de lundi. Mardi, ils étaient très près du jardin Rouge et Noir des Vraies Rouges, qui fait partie des projets agricoles collectifs déposés. Ils en étaient très près mais n’y ont pas touché, comme aux Vraies Rouges d’ailleurs. Il y a un certain discernement dans leur action ?

Laurent Pinatel : Il semble en effet que les fermes en dur devraient rester, mais ça continue toujours à chauffer sur la ZAD.

Breizh Info : Contrairement à 2012-2013, l’ambiance ces derniers mois sur la ZAD est très délétère, outre les « irréductibles » qui bloquaient la réouverture de la RD281, des paysans de Copain 44 – un collectif très proche de la Confédération Paysanne – ont été accusés par d’autres paysans d’avoir participé à des prises de terre par force au nom de la lutte – mais pas toujours sans arrière-pensées, et l’ACIPA s’est désolidarisée de leurs actions. Est-ce que cette ambiance pourrie n’a pas contribué à ce que les gendarmes investissent si facilement la zone et à ce que nombre d’agriculteurs présents en 2012 ne s’en mêlent plus aujourd’hui ?

Laurent Pinatel : Nous sommes effectivement en relation étroite avec Copain44, on ne fait rien sans leur avis. Cela dit, ce n’était déjà pas simple avant, la cohabitation de gens venant d’horizons si divers a toujours été très compliquée depuis le début. Aujourd’hui, avec l’intervention très forte de l’Etat, ça radicalise encore plus la base radicale, c’est encore plus dur.

Breizh Info : Que voulez-vous protéger sur la ZAD ?

Laurent Pinatel : Les endroits où il y a des projets agricoles. La Grée, les Fosses Noires, Saint-Jean du Tertre – même s’il n’y a pas vraiment de risque. Il y a déjà 25 tracteurs sur la ZAD, on peut doubler ou tripler ce nombre.

Breizh Info : De quoi renforcer les accusations de certains zadistes « irréductibles » qui accusent Copain44 de ne protéger que quelques « bourgeois » de la lutte, tandis qu’eux, qui ont servi de chair à canon pour contrer l’opération César en 2012, se sont fait casser leurs cabanes sans que personne ne s’émeuve…

Laurent Pinatel : C’est allé très vite lundi, les gars ont été pris de court. Pour nous les endroits où un projet collectif était déposé n’étaient plus concernés par une évacuation. Cela dit, on doit se poser la question de la stratégie du gouvernement, si l’objectif est de virer tout le monde, tous les anti-aéroport.

Breizh Info : La préfecture de son côté a fait comprendre qu’elle demandait des projets individuels, si les zadistes n’en ont pas déposé, ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes, comme le pense aussi le membre de l’ACIPA qui s’est exprimé dans nos colonnes.

Laurent Pinatel : C’est une lutte collective donc les projets sont collectifs aussi. Cela dit, dès le début le gouvernement n’a jamais voulu étudier un système inspiré du Larzac. Même si à titre personnel je n’étais pas vraiment pour non plus.

Breizh Info : Pourquoi ?

Laurent Pinatel : Je pense que c’était plutôt aux gens de la ZAD de porter leur propre projet adapté aux spécificités locales, plutôt que de reprendre celui du Larzac.

Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe

Crédit photo : DR
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