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Les sanctions américaines contre l’Iran ont permis à la Chine d’être plus influente en Asie centrale

Les sanctions sont devenues une arme redoutable utilisée par Washington pour maintenir la pression sur la Chine et étouffer l’Iran. Les États-Unis, qui détestent aussi bien l’Iran que la Chine, mènent une guerre sur deux fronts en utilisant les sanctions et la pression économique. Bien que cela puisse sembler être deux questions distinctes, les sanctions qui ont frappé Téhéran ne manquent pas d’affecter Pékin, son principal partenaire économique.

Cependant, il existe également une contradiction majeure dans la politique de sanctions de Washington contre l’Iran, notamment en ce qui concerne l’Asie centrale.

Téhéran est soumis à un régime de sanctions américaines qui n’a cessé de s’alourdir depuis le succès de la Révolution iranienne en 1979. L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche en 2016 a marqué une nette intensification des sanctions contre l’Iran et une nouvelle guerre commerciale contre la Chine. Avec la sortie de Washington de l’accord nucléaire iranien en 2018, les États-Unis ont voulu réduire à zéro les exportations de la République islamique. Plus important encore, Washington voulait interdire à d’autres pays d’importer de l’énergie iranienne. Bien que les sanctions visent évidemment la République islamique, elles font également partie d’une guerre économique plus large contre la Chine, le plus grand adversaire économique des États-Unis.

Sous l’ancien président Barack Obama, les sanctions étaient considérées comme une excellente solution pour forcer un pays ennemi à négocier ou à écarter ses dirigeants du pouvoir sans avoir recours à la force militaire – mais comme cela a été prouvé, cela a complètement échoué si l’on considère les exemples syrien, russe et vénézuélien. Dans le cas de l’Iran, on espérait que les sanctions frapperaient deux ennemis à la fois, Téhéran et Pékin. On espérait que les sanctions pousseraient l’Iran à la table des négociations tout en entravant l’approvisionnement du pays en hydrocarbures pour la Chine.

Par conséquent, ce n’est pas seulement l’enrichissement de l’uranium par l’Iran qui se trouve dans le collimateur de Washington. La Chine est devenue le principal partenaire économique de l’Iran, ce qui frustre beaucoup Washington car cela entrave leurs efforts pour renverser les mollahs du pouvoir.

En juillet 2020, l’Iran et la Chine ont signé un accord de coopération stratégique pour une période de 25 ans. En retour, la Chine reçoit de l’Iran du gaz et du pétrole à prix réduit – en fait, elle le reçoit 30 % moins cher que le taux du marché. On estime que la Chine a accepté d’injecter entre 280 et 400 milliards de dollars d’investissements étrangers directs dans les industries pétrolières, gazières et pétrochimiques iraniennes dans le cadre du programme de coopération de 25 ans. Pékin et Téhéran, malgré leurs différences politiques (la Chine est dirigée par un gouvernement communiste et l’Iran est une théocratie islamique), ont pour objectif commun de résister à l’unilatéralisme américain.

La Chine utilise l’Iran comme un levier d’influence dans la région, et l’Iran utilise la Chine pour atténuer ses difficultés économiques. Toutefois, le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire a encouragé et consolidé ce rapprochement, ce que M. Trump et ses responsables politiques n’avaient pas prévu. Le programme de coopération de 25 ans est une collaboration à tous les niveaux et constitue une réorientation politique. Cette collaboration permet à Téhéran de contourner quelque peu les sanctions américaines.

Grâce à ce programme de coopération de 25 ans, l’Iran est devenu un passage stratégique pour l’initiative “Belt and Road”, qui vise à relier la Chine occidentale et l’Asie centrale à la Turquie et aux marchés européens. Cependant, la collaboration sino-iranienne est ralentie par les sanctions, car les transactions sont bloquées. Au vu des ambitions de Pékin, les sanctions américaines contre l’Iran espèrent également freiner l’expansionnisme économique chinois.

En Iran, seul le port de Chabahar est exempt de sanctions américaines. En effet, la reconstruction de l’Afghanistan est un objectif pour Washington et le port de Chabahar, investi par l’Inde, joue un rôle important dans cette entreprise. Le port de Chabahar est plus important pour la politique américaine en Afghanistan car il est investi par les Indiens, contrairement au port de Gwadar au Pakistan qui est investi par les Chinois. Les ports de Chabahar et de Gwadar, distants de moins de 200 km l’un de l’autre, sont en concurrence pour devenir le principal port desservant l’Asie centrale.

Et voici la contradiction.

Le véritable objectif de la non-application des sanctions sur le port de Chabahar est de permettre à l’Inde d’accéder à l’Afghanistan et donc à l’Asie centrale pour empêcher la Chine, et peut-être même la Russie, d’avoir une plus grande influence dans cette région enclavée. C’est une preuve supplémentaire de l’hypocrisie américaine lorsqu’il s’agit de défier la Chine, car elle est prête à ignorer les sanctions et les pressions exercées depuis des décennies contre l’Iran dans le but d’affaiblir Pékin. Et ce, même si les sanctions renforcées contre l’Iran visent également la Chine.

En sanctionnant et en tentant d’isoler l’Iran, Washington a en fait permis à la Chine de pénétrer dans le pays et d’avoir ainsi un poids et une influence encore plus importants en Asie centrale. En effet, l’Iran a des frontières avec l’Afghanistan et le Turkménistan, des pays qui vont ensuite jusqu’au Tadjikistan et à l’Ouzbékistan, et enfin au Kazakhstan. Les responsables politiques américains n’ont pas tenu compte de ce fait ou ont fait de grossières erreurs de calcul. Bien que l’Inde puisse avoir accès à l’Asie centrale par le port de Chabahar, elle ne pourra pas concurrencer la domination économique chinoise en Iran, ce qui s’est produit en partie à cause des sanctions américaines.

Paul Antonopoulos (Via Infrobrics, traduction de Breizh-info)

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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