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L’UDB est à la recherche de « réponses de gauche »

L’UDB n’a jamais revendiqué l’appellation « socialiste ». La lutte des classes, l’appropriation collective des moyens de production, la nationalisation du crédit, ce n’est pas son truc. Aujourd’hui, son marqueur de « gauche » se limite à un soutien constant à l’immigration. Pourtant ses cadres n’envisagent pas d’organiser des cours de breton pour les « migrants » et des cours de gallo pour les « réfugiés ».

Quand on est porte-parole de l’UDB, on caresse forcément de grandes ambitions. Tifenn Siret nous en apporte la preuve ; elle souhaite en effet que l’UDB « donne des réponses de gauche sur la sécurité ou l’immigration pour cesser de se voir imposer un discours dogmatique » (Le Peuple breton, décembre 2023). Vaste programme ! D’autant plus que la « pensée unique » a gommé les différences entre la gauche et la droite ; c’est ce que rappelait le philosophe Cornelius Castoriadis : « Il y a longtemps que le clivage gauche-droite, en France comme ailleurs, ne correspond plus ni aux grands problèmes de notre temps ni à des choix politiques radicalement opposés » (Le Monde, 12 juillet 1986). Un autre philosophe, Jean-Claude Michéa, constate « le ralliement progressif – depuis maintenant plus de trente ans – de la gauche officielle (en France comme dans tous les autres pays occidentaux) au culte du marché concurrentiel, de la « compétitivité » internationale des entreprises et de la croissance illimitée (ainsi – bien sûr – qu’au libéralisme culturel qui en constitue la face “morale“ et psychologique » (Les Mystères de la gauche, Climats, mars 2013). Le même Michéa rappelle également que « les fonctionnaires et les agents du secteur public constituent désormais l’une des bases principales de l’électorat et de l’encadrement militant » des partis de gauche ; si bien que ces derniers ont du mal à comprendre et à admettre que « les travailleurs du secteur privé (…) vivent la condition prolétarienne sous sa forme la plus dure puisque leur emploi est celui qui est le moins sécurisé et le plus soumis à la concurrence mondiale » (Les Mystères de la gauche, Climats, mars 2013). Ce point est complété par Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’université de Lille : « Les bases sociales de la gauche s’affaissent. Le vote ouvrier s’est désaligné de la gauche. Les catégories populaires ne s’identifient plus à elle. Le camp du “progrès“ social n’émet plus vraiment et semble se rétracter ; il peine à incarner l’alternative et se replie sociologiquement dans un entre-soi de diplômés urbains ou de militants vieillissants (…) Le mot “gauche“ a comme un parfum âcre et tenace de la déception, de la défaite et de la lassitude, nourries par ses inextricables et mortifères divisions et l’absence de perspectives » (Faut-il désespérer de la gauche, Textuel, mars 2022)

Quelle « réponse de gauche » à donner à l’immigration ? Nous laisserons Rémi Lefebvre, homme de gauche qui pense et écrit livres et articles, le soin de commencer par le commencement : « Selon une enquête Ipsos de septembre 2021, 64 % des Français pensent qu’il y a trop d’immigrés en France. Pas moins de 85 %  des sympathisants du parti Les Républicains et 95 % des lepénistes partagent cette opinion mais aussi 50 % de électeurs socialistes, 45 % des partisans de LFI ou 42 % des sympathisants écologistes » (Faut-il désespérer de la gauche, Textuel, mars 2022). Et comme Tifenn Siret aime forcément les chiffres, on lui indiquera que, selon des chiffres de l’Insee, les Algériens constituent la première nationalité présente sur le territoire de la République française avec 887 100 ressortissants, soit 12,7 % des étrangers (Le Monde, jeudi 7 décembre 2023).

La main-d’œuvre  la moins chère

Revenons à Michéa qui constate que « le “migrant“ est devenu progressivement la figure rédemptrice centrale de toutes les constructions idéologiques  de la nouvelle gauche libérale. Et ce, en lieu et place de l’archaïque prolétaire ». Pour la classe dirigeante, il ne faut pas « compromettre les bases mêmes d’une économie capitaliste compétitive pour laquelle (comme Marx l’avait déjà établi dans Le Capital en étudiant le rôle décisif de “l’armée industrielle de réserve“) le maintien d’une immigration permanente (et si possible clandestine) est devenue – avec la mondialisation – une véritable question de vie ou de mort. » (Le Complexe d’Orphée, Climats, août 2011). La bourgeoisie nantaise et rennaise se sentira certainement concernée par ces quelques lignes qui la concernent : « De nos jours, un bourgeois parisien (qu’il soit “bohême“ ou non ) n’a presque plus de contact avec les classes populaires réelles, sinon avec celles qui travaillent à son service (restauration, “nounou“, femme de ménage, etc.). Et comme celles-ci sont en général, issues de l’immigration (puisque c’est  la main-d’œuvre la moins chère) la vision métropolitaine des classes populaires s’en trouve considérablement faussée. » (Extension du domaine du capital, Albin Michel, octobre 2023)

La gauche préfère ignorer l’existence de l’insécurité

La question de la sécurité préoccupe également Tifenn Siret. L’analyse marxiste chère à Michéa fournit un début de réponse puisque le philosophe insiste sur « la nécessité absolue  pour cette sociologie mandarinale de gauche de chercher en permanence à discréditer la thèse marxiste (pourtant chaque jour un peu plus vérifiée par les faits) d’un lien “systémique“ entre les progrès du capitalisme et ceux de l’insécurité et de la délinquance, en l’assimilant systématiquement , selon le procédé habituel des idéologues de gauche à un pur et simple “fantasme d’extrême droite“ (le fameux discours sécuritaire, pour reprendre ici la novlangue du Monde et de Libération). Quitte à devoir alors organiser, de toutes les façons statistiques possibles, le déni continuel des faits les plus évidents » (Extension du domaine du capital, Albin Michel, octobre 2023). Si Siret veut faire simple et concret, elle peut se reporter au programme de LFI qui propose de créer une « police de proximité ». Dans les « quartiers sensibles », les policiers en question seraient débordés (drogue, crimes, etc.) ; ils demanderaient rapidement leur mutation.

Nous espérons avoir aidé Tifenn Siret en lui fournissant quelques éléments de réflexion qui l’aideront à donner des « réponses de gauche » à l’immigration et à la sécurité. Une dernière précision : « Ni Marx ni Engels (pas plus, d’ailleurs, que les autres grandes figures du mouvement socialiste et anarchiste) n’ont jamais songé une seule fois à se définir comme des “hommes de gauche“. A leurs yeux (…), ce vocabulaire [est] issu du “jargon parlementaire“. » (Jean-Claude Michéa, Les Mystères de la gauche, Climats, mars 2013).

Bernard Morvan

Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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3 réponses à “L’UDB est à la recherche de « réponses de gauche »”

  1. JLP dit :

    Voilà qui est dit, et bien dit. Mais qui prend encore au sérieux le verbiage de l’UDB ?

  2. Hadrien Lemur dit :

    Il existe deux défis majeurs dans le monde de nos jours : Résoudre le problème de la maitrise de la fusion nucléaire et trouver « des réponses à gauche ». Aux dernières nouvelles, des espoirs existent pour la fusion…

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