Dans le nord-ouest du royaume d’Arabie Saoudite, un chantier hors normes tourne déjà à plein régime : NEOM, « terre du futur » voulue par Mohammed ben Salmane. Budget annoncé : au moins 500 milliards de dollars (bien davantage selon certaines estimations). Objectif affiché : bâtir un écosystème de villes et de zones économiques fondé sur l’énergie « verte », l’IA, la robotique, une gestion de l’eau ultra-optimisée… et une architecture futuriste assumée.
« The Line », vitrine planétaire
Pièce maîtresse de NEOM, The Line promet une ville linéaire de plus de 160 km, encadrée par deux parois miroirs (environ 200 m de large et 500 m de haut), sans voitures ni rues : logements, infrastructures et transports seraient superposés sur trois niveaux, avec un train à grande vitesse censé parcourir l’ensemble en vingt minutes. Capabilité annoncée : jusqu’à 9 millions d’habitants (300 000 d’ici 2030).
À côté, d’autres pôles sont programmés : Trojena (sports d’hiver et tourisme de montagne), Magna (littoral premium), Oxagon (industrie, logistique, automatisation).
Sur le terrain, des jalons existent : aéroport, hôpital, ouverture de l’île-resort Sindalah, création d’un club de footballet attribution des Jeux asiatiques d’hiver 2029 à Trojena.
L’ambition fascine autant qu’elle crispe. Expropriations de la tribu Howeitat, conditions de travail des ouvriers étrangers, retards et surcoûts à répétition : les critiques se multiplient, jusqu’à évoquer un projet surdimensionné voué à être redimensionné. Le royaume, lui, s’accroche à sa Vision 2030 : diversifier l’économie au-delà du pétrole et se poser en hub mondial de la tech et du luxe, loin des lourdeurs réglementaires occidentales.
Un nouvel eldorado pour cadres occidentaux ?
Au-delà des grues et des rendus 3D, une autre dynamique attire l’attention : l’afflux d’expatriés occidentaux vers le Golfe (Dubaï en tête), séduits par des salaires élevés, l’absence d’impôt sur le revenu, une sécurité jugée supérieure et une bureaucratie jugée plus légère. Dans ce contexte, des rumeurs en ligne prêtent à NEOM la volonté de cibler des profils très qualifiés venus d’Europe. Officiellement, le projet dit viser les « meilleurs talents » du monde, sans distinction. Reste une question : et si Riyad assumait demain une stratégie plus directe de recrutement d’ingénieurs, de chercheurs ou de dirigeants occidentaux ?
Le phénomène n’est pas théorique. Au Royaume-Uni, la fuite de capitaux humains s’aggrave : des ingénieurs et cadres partent déjà vers l’Arabie saoudite et les Émirats pour des projets d’infrastructures et d’énergie. D’autres pays européens constatent des mouvements similaires. À l’inverse, les sociétés du Golfe multiplient les « résidences privilégiées » et facilités pour investisseurs et talents.
Les limites du « modèle NEOM »
S’installer dans une monarchie conservatrice islamique du désert n’est pas neutre : statut des étrangers, cadre juridique, mœurs, liberté d’expression, place des femmes, alcool… Autant de sujets sensibles que les autorités gèrent souvent par compartimentation entre zones touristiques, quartiers d’affaires et règles locales. Dans les communautés expats, les usages sont plus souples qu’on l’imagine, mais demeurent réversibles.
Autre limite : la promesse technologique totale. « Villes intelligentes », écoles « smart », data-économie, agriculture OGM, soins par robots : l’addition de briques high-tech ne garantit ni vivabilité ni cohésion. Le risque d’un urbanisme-concept qui patine au contact du réel n’est pas à écarter.
Qu’on adhère ou non au récit saoudien, NEOM agit comme un révélateur : l’Occident peine à construire vite et grand, entre normes empilées, coûts qui explosent et contestations. En face, les pétromonarchies avancent, achètent des compétences, captent l’élite technique… et bâtissent leur récit d’avenir.
Pour la France – et la Bretagne qui forme des profils recherchés (mer/énergies, numérique, matériaux, BTP, IA) – la question est simple : gardera-t-on nos talents si d’autres offrent salaires, projets XXL et accélération administrative ? Sans réindustrialisation, stabilité réglementaire et vision lisible, le Golfe continuera d’aimanter.
NEOM oscille entre utopie d’ingénieurs et pari géopolitique. Peut-être sera-t-il réduit, peut-être surprendra-t-il. Mais une certitude s’impose : le centre de gravité de nombreux métiers qualifiés se déplace. Si l’Europe ne redonne pas à ses classes productives des raisons d’y croire, d’autres le feront à sa place – à commencer par Riyad.
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3 réponses à “NEOM, mégaprojet en Arabie Saoudite : promesse futuriste, zones d’ombre… et nouvel aimant pour les expatriés occidentaux ?”
Votre dernier paragraphe en forme de mise en garde objective mais un peu pessimiste donne la mesure du challenge : Nous avons certes des cerveaux brillants mais eux ont des pétrodollars encore plus brillants.
Effectivement, le projet NEOM peut être un nouvel aimant pour les expatriés européens car , il faut bien le reconnaitre , l’Europe se meurt. Mais ce projet pharaonique est un pied de nez à l’écologie ( utilisation à plus soif du béton, de l’eau, déséquilibre du milieu naturel etc ..) à l’esclavage,à la déportation des premiers occupants ( si décriée en Nouvelle Calédonie ). C’est un défi à la nature.
Ne devraient-il pas plutôt, dans cette superbe ville, accueillir leurs frères palestiniens et autres qui nous envahissent ?