Pologne. Dominik Tarczynski (PiS) : « Les Ukrainiens sont des réfugiés, mais les Marocains, les Africains ou les Syriens ne sont pas des réfugiés, ce sont des migrants illégaux. » [Interview].

Entretien avec Dominik Tarczynski, diplômé en droit, membre du Sejm (Parlement polonais) de 2015 à 2020. Depuis 2020, il est député européen de Droit et Justice (PiS) au sein du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR).

Propos recueillis par notre confrère Álvaro Peñas | disidentia.com et traduits par nos soins.

La Pologne a mis en garde au sujet de la Russie de Poutine, mais personne n’a voulu écouter et nous avons une guerre et une crise énergétique sans précédent. Aujourd’hui, l’Union Européenne est d’accord avec la Pologne, alors qu’il est trop tard. Personne ne porte donc la responsabilité de cet aveuglement ?

Dominik Tarczynski : Oui, Ursula von der Leyen a dit qu’ils auraient dû écouter la Pologne, mais il est trop tard. Et c’est vrai, quelqu’un doit en payer les conséquences politiques. Cependant, nous voyons qu’ils se soutiennent mutuellement dans cette affaire. Macron continue de dire qu’on ne peut pas isoler un dirigeant comme Poutine. Scholz insiste sur le rétablissement de relations normales avec la Russie après la guerre. Le problème est que les dirigeants autoproclamés de l’UE ne comprennent toujours pas que la Russie est un empire du mal, et ils devraient en être conscients. De toute évidence, ils n’ont pas subi les conséquences de la Seconde Guerre mondiale comme la Pologne et ne le comprendraient que s’ils étaient attaqués par la Russie. J’ai l’impression qu’ils ont besoin d’une sorte de choc pour comprendre la réalité, car ils voient la Russie comme une source de revenus, comme un partenaire en affaires. Ils ne comprennent pas qu’il ne faut pas faire des affaires avec l’ours russe parce que tôt ou tard, l’ours va vous tuer.

De nombreux hommes politiques européens préconisent encore de céder des territoires à Poutine en échange de la paix. Est-ce de la naïveté ou un désir de revenir aux affaires le plus vite possible ?

Dominik Tarczynski : Il est évident qu’ils veulent revenir aux affaires avec la Russie, mais il ne faut pas oublier que la guerre en Ukraine n’a pas commencé il y a dix mois, mais il y a des années. Pendant longtemps, comme lorsque la Russie a attaqué la Géorgie, personne n’a réagi. Le problème est que rien ne changera si les dirigeants politiques ne changent pas en Europe.

L’Union européenne a lancé toutes sortes de sanctions pour frapper l’économie russe, mais, comme vous l’avez souligné, elle oublie des entreprises comme le marché des diamants entre la Belgique et la Russie. N’est-ce pas là une preuve supplémentaire de l’hypocrisie de l’UE et de son double langage ?

Dominik Tarczynski : Les diamants ne sont qu’un exemple. La vérité, c’est qu’à l’heure actuelle, je ne vois pas l’UE agir, elle se contente de belles paroles condamnant la Russie et disant qu’elle devra en payer les conséquences. Quelles conséquences ? Pourquoi le marché des diamants n’est-il pas sanctionné ? Il y a beaucoup de mots, mais peu d’action. Avec ces dirigeants, je ne vois pas d’avenir pour l’Europe. L’influence de la Russie est si forte, il y a tant de lobbies, tant d’agents, et personne ne fait rien.

Et maintenant, nous avons ce scandale de corruption au Parlement européen qui sape toute la structure de l’UE. Poutine doit sûrement en rire. Ceux qui ont essayé de condamner la Pologne, ceux qui ont voulu nous faire la leçon sur la démocratie, l’État de droit et la transparence, sont ceux qui ont pris l’argent. Voilà l’hypocrisie de cette institution. Et nous ne parlons pas de simples membres, nous parlons de sa vice-présidente, Eva Kaili. Quelqu’un qui est arrivé à ce poste parce qu’elle a été recommandée, puis tolérée pendant des années. Pour moi, l’enquête devrait se concentrer sur ses relations personnelles au sein du Parlement européen car cela révélera beaucoup plus de noms, j’en suis sûr. Il est effrayant de constater que pendant la guerre, une guerre qui n’est pas locale car son impact touche le monde entier, certains ne se sont préoccupés que de se remplir les poches avec des pots-de-vin.

Ce scandale a été appelé le “Qatargate”, mais il semble que de nombreux pots-de-vin proviennent du Maroc. Ces pots-de-vin pourraient-ils expliquer les politiques européennes de subventions à hauteur de millions à l’agriculture “verte” marocaine, qui nuisent à un pays de l’UE comme l’Espagne ?

Je crois que le “Qatargate” va devenir le “Moroccogate”. C’est très grave car le Qatargate était avant tout un gros pot-de-vin pour la Coupe du monde et pour améliorer l’image du Qatar, rien que ça. Cependant, en Europe, il y a pour une raison quelconque une décision stratégique de soutenir le Maroc pendant des années. C’est beaucoup plus grave que le Qatar. Nous devons donc examiner les votes, les discours au Parlement, pour voir qui pourrait être impliqué. Par exemple, la vice-présidente Kaili a voté au sein de la commission LIBE (commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures) alors qu’elle n’était pas membre de cette commission.

Il faut voir qui fait partie du lobby pro-marocain, les discours et les votes sur le Maroc, et suivre l’argent, toujours suivre l’argent.

Malgré ce scandale et la guerre, il y a des partis dans l’UE qui sont obsédés par le chantage à la Hongrie et à la Pologne et par l’application de sanctions sur la base du mécanisme de l’État de droit, que certains appellent l’État de gauche.

C’est tout à fait vrai car c’est l’État de droit vu d’un point de vue gauchiste. Le fait est que ce chantage ne va pas du tout nous briser. Nous ne nous soucions pas de l’argent, nous en avons besoin, comme tout le monde, mais ce n’est pas notre but, ce n’est pas le centre de notre vie. Nous n’allons pas vendre notre souveraineté pour des euros. Ils pensent que nous pensons comme eux, que notre mentalité est comme la leur : l’argent. Nous avons bien plus que de l’argent en tête ; nous avons notre histoire, nous avons survécu aux partitions, à 123 ans de non-existence sur la carte, au communisme, à Hitler et à la Seconde Guerre mondiale… et ils pensent pouvoir nous faire chanter. C’est une blague ! Ils ne peuvent pas faire chanter la nation polonaise car nous avons une histoire millénaire et nous sommes une nation fière. Ils ne peuvent pas nous toucher. Ils ne peuvent pas nuire à notre économie parce que quand on compare, quand on voit que le chiffre du chômage est le plus bas de l’Union européenne, ils ne peuvent pas nous égaler. Ils n’ont que les finances, nous avons les finances, l’histoire, les émotions et la fierté.

L’une des accusations les plus fréquentes à l’encontre de la Pologne est qu’elle est “xénophobe”, et aujourd’hui, elle accueille plus de 1,5 million de réfugiés ukrainiens, ce qui représente le plus grand effort d’accueil en Europe. L’UE a-t-elle apporté son soutien ?

Pas vraiment. Il faut se rappeler qu’environ sept millions de personnes ont franchi la frontière polonaise et qu’il n’y a pas de camps de réfugiés en Pologne. Toutes ces personnes sont hébergées dans des maisons privées ou dans nos infrastructures, mais nous n’avons pas de camps de réfugiés. Cela prouve deux choses. Premièrement, la Pologne est une nation ouverte. Deuxièmement, la situation des réfugiés ukrainiens prouve que nous avions raison lorsque nous avons dit “non” à la migration illégale en 2015. Car selon le droit international, un réfugié est une personne qui fuit le pays en conflit vers le pays le plus proche. Les Ukrainiens sont des réfugiés, mais les Marocains, les Africains ou les Syriens ne sont pas des réfugiés, ce sont des migrants illégaux. Nous avions raison lorsque nous nous y sommes opposés en 2015 et lorsque nous avons refusé le système de quotas. Évidemment, des années plus tard, nous avions raison, encore une fois.
Je l’ai répété au Parlement européen, si vous ne voulez pas être d’accord avec nous, “ faites comme la Pologne “. Arrêtez l’immigration illégale, arrêtez de faire des affaires avec Poutine, et soyez aussi courageux et fiers que la Pologne.

“Soyez courageux, soyez comme la Pologne”, ce sont vos mots au Parlement européen.

C’est exact. C’est ma devise dans la vie : “Soyez comme la Pologne”. Il y a de nombreux exemples, depuis de nombreuses années, qui montrent que la Pologne avait raison.

Ne pensez-vous pas que le grand problème de nombreux pays occidentaux est le manque de courage pour croire en eux-mêmes ?

Je pense qu’il y a un problème de détermination, de confiance en soi. Cette confiance en soi est très importante dans une nation, et nous l’avons grâce aux expériences difficiles que nous avons traversées. Nous comprenons ce que signifie la souveraineté, nous savons comment célébrer chaque moment de liberté. Comme l’a dit Jean-Paul II : “La liberté n’est pas donnée pour toujours, il faut se battre pour elle tous les jours“. Même en temps de paix, nous comprenons que la souveraineté et la liberté ne sont pas données pour toujours, elles peuvent vous être retirées, et il vaut mieux être intelligent avant de les perdre, avant d’être attaqué.

Nous comprenons ce qu’est la Russie et que nous devons être forts, intelligents, préparés et croire en nous-mêmes. Vous ne pouvez pas être un lâche si vous voulez survivre dans ce monde. C’est pourquoi la nation polonaise est courageuse, intelligente et fière.

Je suis le petit-fils d’un des soldats maudits, ceux qui ne croyaient pas que la guerre était terminée en 1945, et mon grand-père s’est caché dans la forêt et a continué la guerre contre les communistes après 1945. C’est dans notre sang, chaque famille en Pologne a un combattant de la liberté à un moment donné de notre histoire récente. C’est notre héritage.

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