Dans un entretien exceptionnel pour Conflits, l’historien Bernard Lugan revient sur l’histoire tragique de l’Afrique du Sud, démonte la légende dorée de Nelson Mandela, dénonce la trahison des élites blanches, et affirme que le pays vit désormais dans un effondrement structurel.
Mandela héros de la paix ? Pas pour Bernard Lugan. Dans un entretien sans filtre avec Jean-Baptiste Noé pour la revue Conflits, le célèbre africaniste et auteur de L’Afrique du Sud, une histoire (éditions Ellipses), dresse un tableau glaçant de la réalité historique et ethnique du pays. Pour lui, loin du roman progressiste dominant, la fin de l’apartheid ne fut ni inéluctable, ni pacifique : ce fut un abandon politique, sous la pression des États-Unis, face à une guerre informationnelle savamment orchestrée.
L’Afrique du Sud n’a pas été vaincue, elle s’est rendue
Contrairement à la légende, l’Afrique du Sud blanche des années 1980 n’était pas en crise : industrie autonome, armée puissante, victoire militaire contre les troupes cubaines en Angola… « À aucun moment de Klerk n’a mis dans la balance le poids qu’il avait », accuse Bernard Lugan. En renonçant à toute exigence de garanties pour les Afrikaners, de Klerk aurait purement et simplement trahi son peuple, cédant à la pression diplomatique américaine après la bataille de Cuito Cuanavale.
Lugan rappelle qu’à l’origine, l’apartheid pouvait évoluer vers un modèle de développement séparé, voire une confédération de peuples distincts. Ce projet, porté par le Premier ministre Hendrik Verwoerd, reconnaissait les réalités ethniques et visait à faire coexister des nations autonomes, blanches et noires. Son assassinat marquera un tournant : la vision suprématiste – maintenir un État unitaire blanc dans des frontières coloniales – l’emporte. « À partir de là, l’Afrique du Sud était condamnée », estime Lugan.
Mandela, icône fabriquée et pouvoir offert
Bernard Lugan ne nie pas les qualités personnelles de Nelson Mandela, chef kossa issu d’une lignée royale et éduqué selon les standards européens. Mais il martèle : « Mandela n’a pas pris le pouvoir. On le lui a donné. » Sans la décision unilatérale de de Klerk de négocier, Mandela n’aurait jamais accédé au pouvoir. Lugan rappelle qu’à l’époque, une guerre civile aurait très probablement tourné à l’avantage des Blancs, au prix d’un isolement international.
L’un des points centraux du propos de Lugan est l’oubli volontaire de la réalité ethnique du pays. L’ANC a longtemps été dominée par les Kossas, rivaux historiques des Zoulous, et la fracture entre peuples africains structure toujours la vie politique. L’unité nationale imposée par la gauche progressiste occidentale est, pour lui, une fiction mortifère.
L’Afrique du Sud d’aujourd’hui n’est plus que l’ombre d’elle-même : coupures d’électricité, criminalité galopante, violence raciale, effondrement des infrastructures… Lugan évoque une véritable « tchadisation » du pays. « L’Afrique du Sud vivait sur l’héritage blanc sans entretenir ses structures », constate-t-il, avant d’évoquer les milliers de fermiers blancs assassinés ou exilés. « Ce n’était pas improvisé, c’était planifié, comme à Oran en 1962. »
Un avenir ? « L’Afrique du Sud a son avenir derrière elle »
Pour l’historien, l’ANC est devenu un appareil mafieux sans vision. La seule solution ? Une forme de régionalisation, notamment au Cap où les Blancs et les Métis sont majoritaires. Mais les rivalités ethniques, la haine entretenue contre les Blancs, et l’instabilité chronique rendent peu probable une sortie de crise. « Moi je fais des autopsies. Je laisse les résurrections à d’autres », conclut-il.
Pour aller plus loin, Bernard Lugan publie chaque mois sa lettre L’Afrique réelle et propose une analyse sans fard de l’état du continent africain. Son Histoire de l’Afrique du Sud aux éditions Ellipses permet de remettre en perspective les mythes post-apartheid avec rigueur et précision.
Illustration : copie d’écran Conflits
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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