Dans un entretien exclusif à Breizh-info, la députée européenne Catherine Griset (groupe MEP) tire la sonnette d’alarme sur la dérive idéologique du programme Erasmus+. Alors que les universités hongroises sont exclues, Bruxelles ouvre en grand les portes de la coopération universitaire aux pays du Maghreb et du Proche-Orient. Pour l’élue patriote, ce détournement d’un projet noble vers une filière migratoire assumée est révélateur d’un clivage profond : celui qui oppose l’Europe des Nations enracinées à une technocratie mondialiste, hostile à toute affirmation civilisationnelle. Elle dénonce la répression politique qui frappe les milieux universitaires conservateurs, la perte de prestige des humanités classiques, et appelle à un retour à la vocation initiale d’Erasmus : élever les esprits, et non fabriquer du déracinement.
Breizh-info.com : Peut-on encore parler de liberté académique au sein de l’UE ?
En France, il est clair que la liberté académique est aujourd’hui fragilisée. L’année 2025 a été particulièrement mauvaise : militants de droite agressés parce qu’ils sont membres du RN ou de la Cocarde, l’enseignant Fabrice Balanche à Lyon II pris à partie et expulsé de son cours, locaux des Presses Universitaires de France saccagés en raison d’une publication critique du wokisme, sans oublier le lobby « Université de France » qui sert trop souvent de relais aux positions de la gauche radicale.
Pour autant, la situation varie énormément d’un pays à l’autre en Europe. Ce qui est évident, en revanche, c’est que la Commission européenne n’aide en rien à protéger la liberté académique. En excluant les universités hongroises d’Erasmus+ tout en intégrant les pays du sud de la Méditerranée, elle politise un programme qui devrait rester un outil d’échange étudiant. La liberté académique est alors subordonnée à des objectifs idéologiques, notamment en matière migratoire.
Au sein de la commission Culture et Éducation du Parlement européen, où je suis coordinateur pour mon groupe les Patriotes, nous avons étudié un « monitoring » sur la liberté académique en Europe. J’ai rarement lu un document aussi déconnecté du terrain : pour les rapporteurs, toute remise en cause des activistes d’extrême gauche sur les campus serait une atteinte à la liberté académique. J’ai donc décidé de préparer un contre-monitoring, qui sera publié en avril 2026. Je pourrais donc vous en dire plus sur la liberté académique en Europe.

Breizh-info.com : Avez-vous des éléments concrets montrant que la Commission applique des critères politiques dans ses financements universitaires ?
Officiellement, la Commission parle de « respect des valeurs européennes ». Dans les faits, elle semble considérer les étudiants hongrois comme moins fréquentables que les migrants syriens accueillis via les nouveaux programmes de coopération.
La semaine dernière encore, j’organisais à Strasbourg une conférence avec le ministre hongrois de la Culture et de l’Innovation, Balázs Hankó. Il nous a expliqué comment la Commission utilise Erasmus comme levier de pression politique contre la Hongrie, en particulier sur la question migratoire. La réforme universitaire hongroise a servi de prétexte pour couper Erasmus+ et Horizon Europe (un autre programme européen de recherche). Or, Budapest a répondu aux exigences de la Commission : aucun responsable politique ne siège plus dans les conseils universitaires, qui n’ont pourtant qu’un rôle administratif.
C’est bien la preuve que le blocage n’était qu’un prétexte, utilisé contre un pays en désaccord ouvert avec la vision globaliste de Bruxelles.
Le ministre formule même l’hypothèse que la Commission cherche à dresser les étudiants contre leur propre gouvernement, en transformant les universités hongroises en foyers de contestation.
Breizh-info.com : Cette exclusion vise-t-elle uniquement la Hongrie ou annonce-t-elle un durcissement plus large contre les universités conservatrices ?
Pour l’instant, la Hongrie est la seule visée. Mais, comme nous l’a rappelé le ministre Hankó, demain cela pourrait toucher n’importe quelle Nation décidant de suivre sa propre voie. À mesure que les idées conservatrices ou souverainistes gagnent en popularité en Europe, les institutions européennes se radicalisent et adoptent elles-mêmes des politiques qu’elles qualifieraient ailleurs « d’illibérales ».
On a vu aux États-Unis comment les campus étaient devenus les bastions du wokisme. Il a fallu l’intervention du président Trump pour rappeler aux universités leur mission première : l’enseignement et la recherche, pas le militantisme politique. Nous espérons que le monde universitaire européen soit capable de s’en rappeler.
En attendant notre arrivée au pouvoir, nous constatons que le durcissement à l’égard des universités et universitaires dits “conservateurs” devient une préoccupation largement partagée. J’ai récemment interpellé la Commission européenne via une question orale sur Erasmus, et j’ai obtenu la cosignature de députés issus de quatre groupes politiques différents, y compris de formations appartenant à la majorité d’Ursula von der Leyen, ainsi que de représentants de presque tous les États membres. Cela montre bien que le malaise dépasse les clivages et les frontières.
Breizh-info.com : En quoi l’élargissement d’Erasmus+ aux pays méditerranéens constitue-t-il une nouvelle filière migratoire ?
Lors de notre conférence, M. Pouvreau-Monti, directeur de l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie, a rappelé que la filière universitaire est aujourd’hui l’une des portes d’entrée privilégiées de l’immigration en France. Nous nous souvenons du drame de la jeune Lola, torturée, violée et assassinée par une Algérienne arrivée avec un visa d’étudiante : ce n’est pas un cas isolé.
Les universités, souvent très conciliantes, deviennent un moyen simple d’obtention d’un visa. En ouvrant largement Erasmus+ aux pays du sud de la Méditerranée, la Commission crée une filière parfaitement assumée : l’espace d’échange étudiant devient un outil d’ouverture migratoire, sans contrôle des États.
Breizh-info.com : Que pensez-vous des expressions “mobilité encadrée” et “coopération académique” utilisées par la Commission ?
Il s’agit de la novlangue bruxelloise habituelle. Derrière ces termes, il faut comprendre : plus d’immigration incontrôlée, et plus de financements vers des pays tiers.
Des visas étudiants et des subventions seront distribués par des fonctionnaires européens acquis à l’idéologie de l’ouverture systématique, et il ne faut pas s’attendre à une réelle transparence sur la gestion de ces fonds. Comme toujours, l’opacité est la règle à Bruxelles.
Breizh-info.com : Comment expliquer qu’Erasmus soit fermé à la Hongrie mais finance des établissements liés à l’islamisme, comme l’université islamique de Gaza ?
C’est l’un des grands paradoxes de l’Union européenne : se réclamer sans cesse de l’Europe tout en soutenant des acteurs et des politiques qui visent à la disparition de celle-ci, et, évidemment, en sanctionnant ceux qui veulent défendre notre civilisation.
Pour nos adversaires politiques, l’Europe n’est qu’un concept abstrait, un ensemble de valeurs désincarnées. Pour nous, au contraire, l’Europe est d’abord une civilisation, faite de Nations, de cultures, de territoires, de langues. Le traitement réservé à la Hongrie le montre parfaitement.
Breizh-info.com : Faut-il conditionner les financements Erasmus à la neutralité politique ou à une forme de loyauté civilisationnelle ?
Même si le nom sonne bien, la loyauté civilisationnelle serait peut-être difficile à définir juridiquement. En revanche, la neutralité politique devrait être un minimum.
En Occident, l’université est devenue un champ de bataille idéologique, notamment parce que la gauche radicale en a fait son bastion. Or, la mission de l’université reste la recherche et la transmission du savoir. Une université qui cesse de faire progresser la société perd sa raison d’être. Et malheureusement, il semble que nous en soyons là…
Breizh-info.com : Quel Erasmus+ voudriez-vous voir renaître ? Quel rôle pour la culture classique et les humanités ?
Erasmus devrait permettre aux jeunes européen d’étudier à l’étranger, de se former, de découvrir une autre culture de leur espace civilisationnel et de devenir, demain, des ambassadeurs culturels. Lors de notre conférence, Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex, a accusé la Commission de trahir le principe même d’Erasmus, et même l’héritage d’Erasme.
La culture classique, héritée de la civilisation helléno-chrétienne, est un trésor commun aux Européens. Attaquée par le wokisme, elle a perdu dans les campus son prestige. Elle doit retrouver toute sa place dans le programme.
Mais Erasmus doit aussi rester un incubateur pour les « sciences dures », c’est-à-dire la technologie, les mathématiques, la médecine, etc. Ces domaines participent fortement au prestige de l’Europe.
Breizh-info.com : Au fond, ce combat sur Erasmus est-il celui entre deux visions de l’Europe : une Europe de civilisation contre une Europe de l’ouverture systématique ?
Oui. Erasmus est hautement symbolique. Ce programme, qui s’inscrit dans la tradition des « Grand Tours » entrepris autrefois par la jeunesse européenne, est aujourd’hui détourné par la technocratie bruxelloise. Il sert à sanctionner un État qui refuse de renier son identité, et à accompagner une idéologie de l’ouverture migratoire permanente.
C’est bien un affrontement entre deux conceptions de l’Europe : l’une enracinée, civilisationnelle ; l’autre abstraite, déracinée, et guidée par le dogme de l’ouverture sans conditions.
Propos recueillis par YV