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Vin. Clos Cibonne, bastion de l’identité provençale

Choisir un vin pour le particularisme qu’il défend plutôt que de s’en remettre aveuglément aux notations des guides ou revues spécialisées. Une démarche allant   à contre-courant  du besoin compulsif de vouloir toujours s’enquérir d’une caution experte, mais  qui pourtant, réserve aussi  son lot de découvertes inattendues. À  trop considérer le vin comme une bête à concours, l’amateur en vient à  se couper d’une dimension fondamentale de son art de vivre, la seule porteuse de sens et d’identité.

Qu’importe le goût pourvu qu’on ait  la culture !

Le Clos Cibonne  compte parmi  ces petits  trésors cachés  dans  la masse standardisée des vins provençaux dont la découverte implique une nécessaire inclination pour les vins chargés d’histoire. Le domaine tient en effet  le rôle de conservatoire à l’endroit d’un   cépage autochtone ancestral,   pratiquement abandonné  après le désastre phylloxérique du début du XXème siècle.

Le tibouren (prononcez le n) nous ramène à l’Antiquité, importé par  les romains, le vieux plant plongerait ses lointaines racines en Asie Mineure. Durant l’entre-deux-guerre,  la replantation sur porte-greffes    inflige une redoutable épuration à la diversité ampélographique de l’Europe. L’époque est à l’éviction des plants les plus fragiles. Le tibouren, sujet aux gels printaniers par son débourrement précoce devient ainsi une victime de premier choix  pour les campagnes massives d’arrachage expurgeant les mauvais élèves du vignoble français.

En dernier  résistant face  au mouvement d’éradication  du plant, le Clos Cibonne   préserve depuis  des décennies   la mémoire  du cultivar. La propriété est la seule en Provence à lui  dédier    des cuvées en monocépage  ou sa personnalité s’exprime sans l’interférence de l’assemblage.  Dès lors se noue un lien  affectif indéfectible entre cette propriété historique symbole de la vieille histoire viticole de la Provence et son cépage le plus emblématique. Aujourd’hui subsiste à peine 300 hectares de tibouren, localisés pour l’essentiel sur le littoral varois et un petit résiduel au sein de l’appellation Palette.

Déchu de son rang  de cru classé (sauf en rosé) par la RVF (Revue du vin de France) en 2008.

S’il en est un  pour qui l’originalité historique du clos Cibonne  ne mérite aucun attendrissement  c’est  le statisticien-dégustateur Bernard Burtschy. En 2008, l’homme aux 40 000  bouteilles  (voir sa biographie écrite par l’intéressé) est  mandaté par la Revue du vin de France pour remettre au goût du jour le très controversé classement des crus provençaux remontant à 1955. Il est vrai que tenant essentiellement compte du critère de l’antériorité des domaines ; la classification opérée par l’INAO, a gardé un air de vieil armorial en mal de crédibilité. Dans sa révision personnelle du vieux classement de 1955, Bernard Burtschy pose un regard quelque peu  condescendant  sur l’œuvre de sauvegarde du clos Cibonne :

 « Cette défense est des plus sympathiques, mais ce n’est pas forcément le meilleur cheval de bataille qui soit, quoique à petits rendements et à maturité, il peut prendre de la noblesse, particulièrement en rosé ». 

Grand rouge provençal et rosé d’élite

Contre toute attente la rencontre avec la cuvée tradition Tibouren en rouge, sur le millésime  2017, vient démentir les réserves émises par le brillant dégustateur en 2008  : « Dans l’état actuel, trop décalé par rapport au marché, nous ne voyons aucune raison de laisser le Clos Cibonne figurer parmi les crus classés». 

Étonnant décalage  en effet ! Car   loin des stéréotypes  du rouge provençal sur-extrait et au boisé imposant, il offre une exquise synthèse des qualités que l’on retrouve à la fois  dans   le  pinot noir et le   grenache noir.

Au premier, il emprunte sa fluidité et sa légèreté et un  subtil parfum de rose s’associant à la générosité et la  complexité aromatique épicée d’un grand grenache. L’équilibre et la race se dégagent avec flamboyance  de ce rouge provençal  classieux,  capable de jouer  sa propre partition dans l’uniformisation boisée des côtes de Provence. Le tibouren ne trahit pas non plus   ses belles qualités quand il est vinifié en rosé, le millésime 2015 aux  reflets  rose orangés très  pâles s’agrémente de touches florales et gagne son raffinement sur de subtils arômes de mandarine. Difficile d’y retrouver les repères habituels du rosé sur ce vin hors classe évoquant par sa persistance en bouche  un  blanc très délicat.

Un vin intemporel

À l’égale de celle arborée par le château Simone en appellation Palette, l’étiquette délicieusement désuète et surchargée (dessinée en 1930) du Clos  Cibonne,  affiche le caractère indémodable d’un vin inscrit à jamais dans la légende des grands vins provençaux.  Le site majestueux du domaine adossé à la montagne des Maures renforce la puissance d’évocation paysagère dont la région a le secret. Sans conteste par son histoire, le niveau de ses vins, sa fidélité inébranlable envers  un cépage incompris mais  tellement passionnant, le Clos Cibonne apporte sa contribution à la légende  des grands crus de Provence.

Raphno

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Crédit photo :Breizh-info.com
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