Nous pensons tous à avant, furtivement ou de façon plus prégnante en fonction de notre moral. Ce matin, alors que mon esprit vagabondait et que je me demandais quand allait finir ce cauchemar, je cherchais la bonne pratique à mettre en place pour faire face. Nous sommes confinés et nous devons renoncer à la majorité de nos habitudes, de nos obligations ou contraintes, nos filets de sécurité en somme.
Impossible de résister à l’évocation du temps d’avant, ces moments ou en toute liberté nous allions dîner les uns chez les autres, au restaurant simplement, assister à un spectacle, voyager très facilement. Et je vois à quel point nous avons basculé dans un autre monde. Qui aurait-pu penser, si l’on remonte le temps d’un mois à peine, tenir son auditoire en faisant l’éloge de ces « petits riens » qui courent aujourd’hui les réseaux sociaux où ils font le « buzz ». Impensable en effet d’évoquer alors, les petites joies familiales, le plaisir de faire le tour de son jardin, d’applaudir sur son balcon entre voisins pour soutenir le personnel médical.
J’ai la tentation d’utiliser le terme « jadis » pour évoquer ces récits de récents voyages si riches en détails sur le dépaysement ressenti, le choc des cultures à portée de main. Le voyageur avait alors de la matière pour capter l’attention de son public. Il prenait un réel plaisir à détailler la distance parcourue, la durée du périple, ses villégiatures dans des lieux rares voire quasiment inaccessibles. Sans oublier les « treks » en famille, alliant sport en tous genres et défis de toutes sortes. Nous avons demandé ou subi ces comptes rendus que nous voulions « partage ». Cela nous était devenu commun, presque banal, en tout cas présenté comme à la portée de tous à un moment donné.
Aujourd’hui, il me semble impossible de tenir la comparaison. Comment, face à un tel confinement, envisager, susciter l’intérêt en évoquant les petits bonheurs du quotidien, dans un espace clos, avec une menace vitale comme garde-fou ? C’était hier et pourtant j’ai raison d’employer le terme jadis.
Capter la moindre parcelle de joie, la plus petite particule d’espoir…
Aujourd’hui aussi, avec le recul de quinze jours de confinement, nous avons déjà intégré que notre résistance s’articule sur notre capacité à capter la moindre parcelle de joie, la plus petite particule d’espoir. Il faut nous ouvrir à tout ce qui peut nous réjouir. C’est notre devoir, nous n’avons pas le choix. Des gens luttent pour nous aider à rester en vie. Ce n’est pas égoïste, bien au contraire. Nous savons tous l’horreur qui se cache derrière les chiffres. Nous sommes tous en colère contre telle ou telle carence. Mais, aujourd’hui, ce n’est pas l’important. L’essentiel pour nous est de garder espoir, appliquer les bonnes pratiques et savoir nous réconforter de tous ces petites riens que nous n’aurions même pas perçus, il y a seulement trois semaines.
J’en veux pour exemple cette vidéo postée par ma fille, nous montrant notre petite-fille de six ans lisant un livre à notre attention. Surprise, en quinze jours, elle a eu le déclic. Elle lit couramment, en mettant le ton, et en s’attardant sur les images de cette histoire de Joséphine et Totoche. Et nous sommes bouleversés. Je ne veux pas passer sous silence non plus, ces photos du carnaval des enfants, confinés bien sûr. Un pompier à fière allure, de juste dix ans, tout souriant, que nous n’avons pas vu depuis Noël et que nous ne verrons pas à Pâques. Un « Harry Potter » craquant avec ses lunettes rondes et ses boucles rebelles. Quand l’activité somnole, l’absence occupe le champ libre.
Cet autre fait pour illustrer notre vulnérabilité : le problème matériel imprévu. Chez nous, il s’est présenté comme un voleur, il nous a cueillis à froid. Heureusement, ce soir-là, pas de cambrioleur dans les parages. Lundi, un vent d’est aussi glaçant que vindicatif a soufflé en rafales. À la nuit tombée, impossible de fermer les volets, le loquet d’un des battants a été faussé, est rentré dans le panneau, a cassé le plastique au niveau de l’attache. Beaucoup d’efforts, aucun résultat ! Bien perturbés, nous avons laissé les choses en l’état, déjà navrés de devoir passer plusieurs semaines sans la protection de ce volet.
Le lendemain, inutile de préciser la qualité de la nuit au moindre bruit… nous avons lancé un S.O.S. en contactant l’entreprise qui avait effectué, dernièrement, la pose des « doubles vitrages ». L’entreprise étant bien sûr fermée, nous avons eu le commercial désolé mais dans l’impossibilité de nous dépanner. Le secours nous est venu d’un petit artisan du village. En ce moment, il assurait seulement les dépannages. Il est passé dans l’après-midi. Il a effectué la réparation. Pour le règlement, on verrait plus tard. Je lui ai demandé un devis pour changer ce volet défaillant.
Le vif soulagement éprouvé pour ce service rendu fait forcément parti de ces petits « riens » qui éclairent une journée de confinement. En tout cas je retiens la leçon. Ma mère disait toujours : pourquoi aller chercher ailleurs ce que l’on a sous la main ? Le bon sens, toujours le bon sens, cet indicateur qui doit, dans cette triste période, nous servir de guide.
Anne MESDON
Illustration : DR
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