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Gilets jaunes et peaux noires : deux poids, deux mesures

George Floyd, Adama Traoré, même combat ? Une partie de la presse affecte de trouver des points de ressemblance entre la mort du premier, Afro-américain de 46 ans, le 25 mai 2020 dans le Minnesota, États-Unis, et celle du second, fils d’immigré malien, le 19 juillet 2016 dans le Val-d’Oise. De ressemblances, pourtant, une seule s’impose : la couleur de peau des défunts – rarement on a vu une essentialisation aussi franche.

George Floyd est mort sous le genou d’un policier américain, Adama Traoré dans une gendarmerie française. Mais dans des conditions très différentes. La mort de George Floyd fait suite à une violence policière avérée (même si le médecin légiste, dans un premier temps, avait évoqué plusieurs causes concomitantes, ainsi que Breiz-info l’a rapporté). La mort d’Adama Traoré a donné lieu à une demi-douzaine d’autopsies et d’expertises médicales. La plupart, dont l’une demandée par la famille Traoré, concluent que le jeune homme, cardiaque, n’a pas survécu à sa tentative de fuite devant les gendarmes. Seules deux expertises commanditées par la famille auprès de médecins non désignés concluent à une « asphyxie positionnelle ».

Il appartiendra à la justice de se prononcer. Le policier américain Derek Chauvin accusé d’être responsable de la mort de George Floyd est poursuivi par la justice locale. En France, une première instruction judiciaire n’a retenu aucune charge contre les gendarmes.

Le rapprochement des deux affaires tient pour beaucoup aux hasards de la chronologie : une Nième expertise judiciaire a conclu une nouvelle fois, voici quelques jours, qu’Adama Traoré est mort de ses nombreux problèmes physiques (cardiopathie et dépanocytose entre autres). Sa famille nombreuse (la fratrie comptait dix-sept membres, nés de quatre mères différentes), menée par l’énergique et médiatique Assa, s’est emparée de cette occasion tactique. Non sans succès.

Qui se prend pour un Américain ?

La manifestation violente qui a eu lieu à Paris le 2 juin appelle deux remarques majeures. D’abord, elle illustre l’américanisation d’une partie de la jeunesse immigrée en France. On lui reproche de ne pas s’intégrer à la culture française ? Ce n’est pas toujours par communautarisme. Pour une partie d’entre elle, elle cherche en réalité à s’intégrer à une culture américaine fantasmée. Une culture à laquelle elle est abondamment exposée dans les médias. Cela peut se comprendre. Les feuilletons télévisés américains s’astreignent à représenter les minorités ethniques de manière valorisante. Il est tentant pour un jeune Noir français de se projeter sur un jeune Noir américain vedette de la télévision. Essentialisme toujours !

Cette américanisation n’est pas l’apanage de la banlieue parisienne. Il suffit par exemple d’arpenter le centre-ville de Nantes pour constater la prégnance des codes vestimentaires afro-américains (casquettes à l’envers, T-shirts trop larges, baskets fluo, etc.) chez une certaine population. Voici quelques jours, une grande fresque dédiée à George Floyd est apparue sur un mur du « jardin extraordinaire », dans le quartier du Bas-Chantenay (notre photo ci-dessus ; elle a vite été dégradée). Elle rappelle la fresque en mémoire de Steve Maia Caniço peinte sur l’île de Nantes. Mais cette dernière évoque un événement propre à la ville, la disparition d’un jeune Nantais lors de la fête de la musique 2019. Traiter George Floyd à l’égal de Steve Maia Caniço est un signe de confusion identitaire : on ne sait plus à quel peuple on appartient.

Tremble, police !

La deuxième grande remarque concerne l’attitude du gouvernement. Assa Traoré a appelé à la manifestation de mardi devant le palais de justice de Paris. Comme indiqué ci-dessus, le seul fait d’actualité dans l’affaire Adama Traoré était la publication d’une nouvelle expertise qui ne plaît pas à la famille. Un peu mince comme prétexte. La manifestation a néanmoins réuni 20.000 personnes, dont beaucoup portaient des pancartes en anglais – témoignage supplémentaire d’auto-assimilation aux Afro-américains.

La manifestation était interdite. Dans la région de France qui reste la plus infestée par le covid-19, faire défiler 20.000 personnes au coude-à-coude en expectorant des slogans à pleins poumons était une initiative totalement irresponsable. Cependant, le gouvernement a laissé faire.

Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, s’exprimait ce mercredi au Sénat. A-t-il annoncé des sanctions contre les organisateurs de la manifestation ? Non, il a réservé ses menaces aux policiers. « Il faut que chaque faute, chaque excès, chaque mot, y compris des expressions racistes, fasse l’objet d’une enquête, d’une décision, d’une sanction », a-t-il déclaré. Tout en rappelant que, déjà, les magistrats français se montrent sévères envers les forces de l’ordre.

L’an dernier, le même Christophe Castaner pourchassait les Gilets jaunes avec une extrême brutalité. Mercredi matin, Assa Traoré, au lendemain de la manifestation du 2 juin, était reçue avec les honneurs sur BFM TV. À sa place, les dirigeants Gilets jaunes se seraient trouvés en garde à vue, voire à l’hôpital. Le gouvernement traite les représentants de la France profonde bien plus durement que ceux de la banlieue superficielle.

E.F.

Illustrations : Fresques à Nantes, photos BI, DR
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