Rarement un documentaire historique aura su restituer avec autant de précision et d’ampleur l’une des aventures fondatrices de notre modernité. Disponible en replay jusqu’en avril 2026, L’Incroyable périple de Magellan, réalisé par François Riberolles, replonge le spectateur dans les trois années d’un voyage qui a changé la perception du monde : la première circumnavigation de l’histoire, entre 1519 et 1522.
En quatre épisodes soignés, mêlant vues aériennes spectaculaires, animations graphiques détaillées et témoignages d’historiens comme de marins, la série reconstitue pas à pas l’expédition menée par Fernand de Magellan et relatée avec une précision chirurgicale par Antonio Pigafetta, l’un des 18 survivants sur les… 237 hommes partis de Séville.
Un pari insensé : atteindre les Moluques par l’ouest
Financée par la couronne espagnole, l’expédition avait un objectif simple : contourner les Portugais et rejoindre les précieuses îles aux épices — les Moluques — en trouvant un passage “occidental” à travers le Nouveau Monde.
Magellan, navigateur portugais passé au service de l’Espagne, connaît suffisamment la côte sud-américaine pour soupçonner l’existence d’un détroit. Son pari repose sur une intuition : cette vaste échancrure du Rio de la Plata pourrait annoncer un passage vers une mer inconnue.
L’illusion se dissipe rapidement.
Et dès janvier 1520, les tensions explosent : une partie de ses hommes veut rentrer. Magellan imposera son autorité avec une brutalité qui marquera l’expédition.
L’hivernage de San Julián : froid, faim et mutinerie
L’hiver austral est terrible, et la flotte s’abrite dans la baie de San Julián. Pendant cinq mois, les hommes endurent froid, pénurie et immobilité.
C’est là que l’expédition frôle l’effondrement : mutinerie réprimée, exécutions, châtiments exemplaires.
Le malheur continue avec le naufrage du Santiago, parti en reconnaissance.
Malgré tout, la flotte reprend la mer en août 1520. Deux mois plus tard, elle atteint une immense baie soumise à des courants violents : le fameux passage tant recherché.
C’est le début d’un mois entier de navigation dans un enchevêtrement de canaux glacés, ponctué d’une nouvelle mutinerie : celle du San Antonio, qui tourne casaque et rentre en Espagne.
Le 27 novembre 1520, les trois navires restants débouchent enfin sur un nouvel océan. Magellan le baptise “Pacifique”.
La traversée du Pacifique : une lente descente aux enfers
Le mot “Pacifique” n’a rien d’un euphémisme pour les marins de Magellan, qui traversent l’océan le plus vaste du globe sans vent, sans eau et sans vivres.
Trois mois et demi d’errance, de scorbut, de morts silencieuses.
Lorsque les navires atteignent les Mariannes, les rescapés sont squelettiques.
Ils touchent enfin terre aux Philippines le 17 mars 1521. C’est là que Magellan trouvera la mort, lors d’un affrontement avec des populations locales le 27 avril.
L’expédition perd son chef mais pas son objectif.
Moluques atteintes, retour impossible
Les pertes sont telles qu’un navire est brûlé.
Le Trinidad et la Victoria continuent vers l’ouest et atteignent enfin les Moluques le 28 novembre 1521, accomplissant la mission fixée par l’Espagne.
Pour le retour, les deux navires tentent deux routes opposées.
Le Trinidad échoue dans sa tentative de retraversée du Pacifique et sera capturé.
La Victoria, commandée par Juan Sebastián Elcano, choisit l’impossible : rentrer par l’océan Indien, contourner l’Afrique, et remonter l’Atlantique.
Sans cartes fiables. Sans assistance. Avec un équipage exsangue.
Elle franchit le cap de Bonne-Espérance le 18 mai 1522, puis atteint enfin Séville le 6 septembre, presque trois ans après son départ.
À son bord : 18 survivants. Et un trésor d’épices suffisant pour rentabiliser — à peine — l’aventure.
Une prouesse qui changea le regard sur le monde
Le documentaire restitue magistralement la portée scientifique de l’expédition :
– le Pacifique, immense et inconnu, est cartographié ;
– la rotondité terrestre cesse d’être une théorie ;
– les distances réelles entre continents apparaissent ;
– l’échelle du monde change.
Le voyage de Magellan-Elcano est une prouesse humaine, maritime et intellectuelle.
Une odyssée où le courage, la violence, la foi et la souffrance se mêlent à chaque étape, portée par des images qui donnent à sentir l’immensité de ce que les marins ont affronté.
Une série indispensable pour comprendre la naissance du monde moderne.