L’association Kelennomp!, regroupant les enseignants de et en langue bretonne, hausse le ton face à ce qu’elle considère comme un déni de formation de la part de l’Éducation nationale. Elle vient de mandater le cabinet d’avocats rennais Coudray, spécialisé en droit public, pour adresser une lettre de mise en demeure au ministère de l’Éducation et à la rectrice de l’académie de Rennes. L’objet ? L’absence d’une Licence de Professorat des Écoles (LPE) bilingue breton-français dans la future carte universitaire bretonne.
Un nouveau dispositif… sans breton
Depuis un arrêté du 9 septembre 2025, les anciennes licences PPPE (Parcours préparatoires au professorat des écoles) expérimentées depuis 2022 sont appelées à disparaître au profit d’une nouvelle LPE, qui place désormais le concours de recrutement (CRPE) en fin de licence, et non plus à l’issue du master MEEF. Ce changement vise à rendre la profession plus attractive, notamment dans les académies en tension. En Bretagne, trois sites doivent accueillir ces formations dès 2026 : Rennes (50 places), Brest (30), Saint-Brieuc (20). Mais aucune version bilingue n’est annoncée.
Or, c’est précisément sur le versant bilingue que la pénurie est la plus criante. En 2025, seuls 7 candidats ont été reçus au CRPE bilingue, pour 35 postes ouverts. À titre de comparaison, le concours en monolingue avait attiré 1 886 inscrits, pour 137 postes, avec 714 présents aux épreuves.
Une dynamique locale étouffée ?
Pour Kelennomp!, cette absence de LPE bilingue constitue un non-sens. L’exemple de la PPPE bilingue breton-français ouverte en 2022 à l’Université de Bretagne occidentale (UBO) à Brest est pourtant édifiant : 300 candidatures sur Parcoursup en 2025 pour seulement 30 places, 74 étudiants répartis sur les trois années, et 71 % des inscrits en première année de master MEEF bilingue issus de cette filière.
L’association s’interroge : pourquoi refuser de transformer cette filière performante en LPE, alors que tout le travail préparatoire a été mené par les formateurs et que la demande est bien réelle ? Pire encore, elle dénonce l’opposition du rectorat à l’ouverture d’une LPE bilingue à Rennes, qui figure pourtant dans les engagements pris dans la convention spécifique sur la transmission des langues de Bretagne signée le 15 mars 2022. Le rectorat lui-même estime les besoins à environ 80 enseignants bilingues par an.
Dans plusieurs académies, des LPE intégrant les langues régionales sont déjà en préparation ou en place pour le basque, le catalan, l’occitan ou le corse. La Bretagne ferait figure d’exception négative dans le paysage national, malgré une mobilisation constante en faveur de l’enseignement du breton. Ce blocage administratif interroge, d’autant plus que le plan de réappropriation linguistique adopté par la région en 2023 prévoyait une formation publique à Rennes et une autre dans le privé à Vannes.
Une pression juridique croissante
La lettre de sommation du cabinet Coudray s’inscrit dans la continuité d’une requête déjà déposée en février 2025 devant le tribunal administratif de Rennes, avec l’association Div Yezh Breizh, au nom du non-respect de la convention signée par l’État. Il s’agit donc non seulement d’une mobilisation pédagogique, mais aussi d’une bataille juridique.
Pour les militants bretonnants, l’urgence est double : pérenniser la formation existante à Brest en la transformant en LPE, et en ouvrir une nouvelle à Rennes pour répondre aux besoins identifiés. Sans cela, le risque est clair : une raréfaction encore accrue des professeurs bilingues, et à terme, un recul de l’enseignement du breton dans les écoles publiques.
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