Nationalisme breton : un hors-série de Bretons très léger, orienté, et historiquement déséquilibré

Le nouveau hors-série du magazine Bretons, consacré à l’histoire du nationalisme breton, ambitionne de répondre à une question séduisante : la Bretagne serait-elle une « terre d’insoumission » ? Sur le papier, le sujet est légitime. Dans les faits, le traitement proposé pose de sérieux problèmes de méthode, d’équilibre et de rigueur historique.

Une obsession pour la Seconde Guerre mondiale… pour mieux relativiser

Premier malaise : l’obsession manifeste pour la période de la Seconde Guerre mondiale. La couverture, le choix iconographique et une large partie du propos ramènent constamment le lecteur à ces années noires, comme si le nationalisme breton ne pouvait être envisagé qu’à travers ce prisme. Or, paradoxe troublant, le magazine passe ensuite beaucoup de temps à expliquer que ce nationalisme-là fut marginal, insignifiant, presque anecdotique.

Difficile, dès lors, de comprendre la logique éditoriale : pourquoi faire de cette séquence le cœur visuel et narratif du numéro, sinon pour provoquer, vendre du papier et rassurer un lectorat habitué à associer toute affirmation identitaire à une faute morale originelle ? Ce choix entretient une confusion permanente entre contextualisation historique et mise en accusation implicite.

Une histoire amputée de ses racines profondes

Autre faiblesse majeure : tout ce qui touche à l’histoire bretonne est traité de manière superficielle – certes, c’est un format magazine mais quand même. La période ducale, les continuités politiques et juridiques, la lente intégration dans l’ensemble français, les résistances culturelles et linguistiques de long terme : autant de thèmes survolés, quand ils ne sont pas réduits à quelques paragraphes convenus.

Pour un numéro prétendant retracer « l’histoire des nationalistes bretons », cette légèreté est problématique. Les lecteurs déjà informés n’y apprendront strictement rien. Quant aux lecteurs curieux ou profanes, ils repartent avec une vision tronquée, où le nationalisme breton semble surgir presque ex nihilo au XXᵉ siècle, sans véritable profondeur historique.

Un regard idéologiquement marqué sur l’Emsav contemporain

Le biais idéologique apparaît plus nettement encore dans le traitement de la période contemporaine. Les mouvements, partis et acteurs classés à gauche bénéficient de portraits globalement bienveillants, parfois complaisants. À l’inverse, ceux situés à droite ou à l’extrême droite sont présentés sous un jour négatif, soupçonneux, voire disqualifiant.

Le déséquilibre est d’autant plus frappant que le magazine accorde une place centrale à des sociologues, chercheurs et analystes explicitement situés à gauche, présentés comme des autorités quasi incontestables. Leurs grilles de lecture sont rarement confrontées à des approches divergentes, enracinées, historicistes ou non progressistes. La neutralité revendiquée n’est donc qu’apparente.

Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir la bibliographie mobilisée. Les références convoquées relèvent massivement d’un même courant idéologique, au détriment d’auteurs majeurs de l’historiographie bretonne, de travaux plus anciens, ou de lectures critiques du nationalisme contemporain. A aucun moment par exemple, les travaux d’Yves Mervin ne viennent se superposer à ceux de Kristian Hamon, sur la Seconde guerre mondiale.  Ce choix conditionne mécaniquement le récit proposé et limite fortement la pluralité des interprétations.

Un magazine grand public, mais à quel prix ?

Certes, Bretons est un magazine grand public, au format accessible. Mais cette contrainte n’excuse pas tout. Vulgariser n’implique pas de simplifier jusqu’à la déformation, ni d’orienter subtilement le lecteur vers une lecture politiquement confortable. En l’état, ce hors-série ne fait ni œuvre de transmission sérieuse, ni véritable travail d’analyse.

Au final, ce numéro spécial sur le nationalisme breton laisse une impression de rendez-vous manqué. Trop centré sur une période obsessionnelle, trop léger sur les fondements historiques de la Bretagne, trop indulgent avec les acteurs de gauche de l’Emsav et trop sévère avec les autres, il produit un récit biaisé, au sens strict du terme.

Les connaisseurs resteront sur leur faim. Les lecteurs néophytes, eux, risquent surtout d’intégrer une vision partielle et idéologiquement orientée d’une histoire bretonne pourtant riche, complexe et profondément enracinée. Une Bretagne réduite à quelques clichés commodes, là où elle méritait mieux.

Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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