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Un partisan de l’ex-aéroport de Notre-Dame des Landes : « Vinci nous a bernés »

Damien (prénom modifié) a été partisan de l’aéroport de Notre-Dame des Landes dès le début, il y a des années. Fortement impliqué dans l’une des associations qui a soutenu le projet, il a été évidemment très déçu de la décision de l’abandon du projet, même s’il la sentait dans les tuyaux depuis l’annonce de la médiation. Et n’est en rien étonné de l’immense bazar qui règne dans l’ancien mouvement collectif anti-aéroport, notamment sur la question de la réouverture de la RD281, ex-route des chicanes. Sous couvert d’anonymat, il nous a donné son témoignage. Sans fard. Atterrissage brutal en vue à « Jean-Marc Ayrault Airport ».

Breizh Info : Damien, que pensez-vous de la situation autour de la RD281 ?

Damien : Le gouvernement voulait que les squats restent, c’est gagné. C’est une réserve naturelle d’anarchistes, une sorte de zoo. Evidemment, lorsque l’état fait défaut, les gens se font justice par eux-mêmes et c’est ce qui va arriver. Certains agriculteurs en ont plus qu’assez.

Breizh Info : Que pensez-vous de l’abandon du projet d’aéroport par l’État ?

Damien : Le largage en rase campagne a été prémédité. Les dés étaient pipés dès l’annonce de la médiation qui a rendu un rapport à la mauvaise foi criante pour arriver à la conclusion voulue par le gouvernement.

Breizh Info : Pourquoi selon vous le gouvernement a calé ?

Damien: Pour ne pas mettre le feu aux poudres avec les zadistes et garder Hulot pour l’image médiatique. C’est de la com’ et de la politique, pas des raisons d’intérêt général.

Breizh Info : L’image d’un gouvernement écolo et faisant les quatre volontés des zadistes en prend u n coup après l’expulsion du Bois Lejuc à Bure, expulsion d’autant plus inutile que l’ANDRA n’a pas le droit de clôturer le bois dont la propriété est toujours contestée, qu’elle ne peut y commencer des travaux avant 2021 et que les biens immobiliers ne coûtant presque rien là-bas, nombre de zadistes ont acheté légalement, à plusieurs, des biens immobiliers dans le village et autour, pour s’y installer et faire revivre ce coin de ruralité en grand déclin, où les promesses de développement faites par l’ANDRA et l’Etat dans les années 1990 n’ont pas été tenues. Une expulsion du bois ne change donc rien…

Damien : Collomb fait preuve de fermeté en expulsant trois couillons juchés dans des arbres. C’est une mascarade, que pour la com’

Breizh Info : à propos de com’, les opposants à la réouverture de la RD281 font planer le risque d’une expulsion de la ZAD fin mars, à la fin de la trêve hivernale. Le Canard a parlé récemment de plusieurs milliers de gendarmes mobiles…

Damien : Vous y croyez, vous ? A partir du moment où l’État décide de laisser circuler des gens dangereux, il affirme explicitement que ça ne sert à rien de respecter les règles, et qu’on ne s’en sort qu’en fraudant et en s’imposant par la force contre le droit.

Breizh Info : Souvent, le projet a été présenté comme celui de Jean-Marc Ayrault, qu’en pensez-vous ?

Damien : Ayrault ? Il est bien trop nul pour ça. Il fait plutôt partie de ceux qui l’ont coulé. Il n’a jamais été un acteur majeur, mais a contribué à couler le projet en imposant le moratoire de Hollande, celui qui a rendu les recours des opposants suspensifs [au printemps 2013] – alors qu’ils ne l’étaient pas. Le droit a été forcé pour des raisons politiques.

Breizh Info : L’une des principales associations pro-aéroport a été fortement critiquée par les opposants au projet qui l’ont accusée d’être financée par la CCI

Damien : La CCI a soutenu le projet, mais pas financé cette association. Ce sont des entreprises et des particuliers, dans la limite de 1500 € chacun. On a la liste des chèques en cas de contrôle. Mais qui a financé l’ACIPA, Sème ta ZAD etc. ? On aurait du taper plus fort sur ces aspects financiers, notamment entre certains élus locaux et des activités d’occupation illégale du territoire. Les opposants nous disent qu’ils ont bénéficié de centaines de dons et de souscriptions, mais à qui le font ils croire ? Les agriculteurs de la ZAD les ont nourri et logé pendant des années, ça représente de gros débours, donc de gros besoins de fonds.

Breizh Info : Quelques semaines avant l’annonce de l’abandon du projet, il y a eu une grosse campagne des médias mainstream nationaux et des élus locaux pour faire planer le risque d’une méga-indemnité à payer à Vinci, de l’ordre de 350 millions d’euros. Finalement, le contrat entre l’État et AGO-Vinci semble vicié par d’importantes incertitudes juridiques, Vinci – qui a abandonné depuis des mois tout recrutement sur le projet – n’a pour l’heure pas l’intention de la demander et est très discret sur ce sujet. Qu’en pensez-vous ?

Damien : Que c’est une mascarade totale, une bidouille entre l’État et Vinci. Lorsque les rapporteurs de la commission de médiation ont rencontré de Vinci, ils ont discuté des modalités pour que Vinci reste discret et abandonne la cause. S’il y avait eu un opérateur régional, il se serait battu pour le territoire. La CCI était sur les rangs pour assurer l’exploitation de l’aéroport de Nantes-Atlantique et du nouvel aéroport, mais Vinci lui avait été préférée. On a été bernés par Vinci, qui va fermer sa gueule, en échange de quoi l’État lui offrira Aéroports de Paris sur un plateau.

Breizh Info : Vinci-AGO a subi des dégradations importantes sur les sites de ses filiales (notamment Eurovia et plusieurs parkings), qui peuvent être chiffrées à plusieurs millions d’euros (10 millions d’euros pour l’ensemble des entreprises touchées, dont certains locaux, matériels ou stocks ont été saccagés), un flash-krach en Bourse en novembre 2016 après que les opposants aient diffusé un faux communiqué de Bloomberg avertissant sur ses résultats et d’autres mésaventures. Tout ça pour un projet somme toute peu important au regard des bénéfices totaux du groupe, on peut comprendre que Vinci ait voulu arrêter les frais.

Damien : Vous avez raison. A l’échelle de Vinci, Nantes-Atlantique ou l’aéroport de Notre-Dame des Landes, c’est peanuts. Après, Vinci n’a jamais défendu le projet, à l’exception de l’ancien directeur régional d’AGO, Eric Delobel, qui a fait en 2012-2013 de la pédagogie dans les médias [depuis 2016 il a été nommé directeur général du concessionnaire Cambodia Airports, propriété à 70% de Vinci, qui exploite les aéroports de Phnom Penh, Siem Reap et Sihanoukville]. Vinci a abandonné le projet en rase campagne, ce n’est pas un acteur régional, Vinci n’a pas de territoire à défendre.

Breizh Info : Le maintien de Nantes-Atlantique va peut-être permettre enfin d’y réaliser des travaux nécessaires pour que l’aéroport, « saturé » alors que ceux de Genève et de San Diego absorbent un trafic nettement plus important sans problème, puisse se projeter dans l’avenir, qu’en pensez-vous ?

Damien : C’est au contraire une erreur majeure. On maintient un outil obsolète, sans plan B puisque la DUP est tombée. L’aéroport ne pourra pas aller au-delà de 9 millions de passagers, et on y sera en 2030.

Breizh Info : Peut-être pas au vu des incertitudes économiques et de l’ouverture de la ligne d’interconnexion au sud de Paris, que la DGAC avait d’ailleurs délibérément oublié pour gonfler très nettement les prévisions de trafic à Notre-Dame des Landes… Comme le coût des travaux à Nantes-Atlantique, ce qui est mal venu de la part d’un organisme officiel… et justifie que la parole de l’Etat soit de plus en plus fréquemment mise en doute.

Damien : Tout de même. Le maintien de Nantes-Atlantique, je le compare au Canal de la Martinière [1882-1892] ouvert pour élargir l’accès au port de Nantes. Il a coûté une fortune et n’a pas permis d’empêcher le glissement du trafic vers Saint-Nazaire [il a néanmoins servi de façon intensive pendant 20 ans, et encore à la navigation fluviale jusqu’en 1943 ; c’est la guerre qui en aura raison]. C’est une certitude, la saturation et la vétusté de Nantes-Atlantique sont des problèmes qui ne vont pas tarder à se poser.

Breizh Info : Du point de vue des opposants, la comparaison peut aisément être retournée. Le Canal de la Martinière serait un lointain précurseur de Notre-Dame des Landes qui, faute de ZAD et de zadistes à l’époque, a été imposé et achevé… Que pensez-vous de de Rugy, qui a affirmé que la course à la mairie de Nantes ne l’intéressait pasil faut dire que sa place est bonne – mais qui a le temps de changer d’avis d’ici 2020 ?

Damien : De Rugy ? Mais sa parole ne vaut rien ! Il s’était engagé par écrit à soutenir Hollande avant de tourner casaque et de rejoindre Macron pour rester au pouvoir. Il n’est là que pour sa carrière, il avait besoin de la thématique anti-aéroport pour maintenir sa place de député écolo, et ira à la mairie s’il voit que ça l’arrange.

Breizh Info : Au chapitre de la pipeautique industrielle, relevons encore la position du FN, qui avait réussi le tour de force à être opposé à la fois à l’aéroport et à la ZAD…

Damien : Leur position était complètement absurde, uniquement liée au leitmotiv d’être opposé à « l’UMPS ». Si l’UMP et le PS étaient pro-aéroport, ils étaient contre. Mais c’était une dialectique uniquement à usage électoral qui les mettait mal à l’aise, puisqu’ils ont cautionné de facto les exactions des zadistes. Le seul qui s’en sort vraiment bien, c’est le pseudo-Trostski, Mélenchon.

Breizh Info : En somme, la politique a une responsabilité écrasante dans l’échec ?

Damien : Le manque de constance des hommes politiques surtout. Le syndicat mixte aéroportuaire en revanche a été très efficace.

Breizh Info : Pour finir, avez-vous dressé le bilan de vos mobilisations et pouvez-vous nous dire où vous avez échoué, par rapport aux opposants ?

Damien : C’est en cours. Mais je peux vous dire qu’on a été beaucoup trop conventionnels, trop propres sur nous, dans notre parole et nos actions. On n’a pas assez fait d’investigations, contrairement aux opposants. On n’a pas assez mobilisé enfin. Notre incapacité à mobiliser les masses a été une des causes majeures de notre échec.

Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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