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Aire de España. Les fiancés de la mort se donnent rendez-vous à Ruffiac (56)

Il n’est pas banal de trouver au coeur de la campagne bretonne un restaurant espagnol dont un des créateurs est un ancien légionnaire des Tercios, ces « novios de la muerte »,  ou fiancés de la mort tels que les décrivait Pierre Mac Orlan dans son roman la Bandera publié en 1931 et qui donna lieu en 1935 à un film de Julien Duvivier où Jean Gabin jouait le rôle d’un assassin qui s’était engagé pour échapper aux conséquences de son crime.

Oubliez toutefois tout romantisme et toute référence au sable chaud qui sent bon. Nous sommes ici entre la Gacilly et Ploërmel et les douces ondulations du pays de l’Oust n’évoquent en rien les hauteurs du Rif et notre homme derrière le comptoir, tatoué et gaillard, ne rappelle pas la figure emblématique de Millan Astray, le légendaire fondateur en 1920 des Tercios, cruellement mutilé par quatre blessures de guerre.

Le petit bouchon espagnol place de l’Église à Ruffiac est tenu par deux familles d’Andalous installés depuis longtemps en Catalogne. Pêcheurs venus d’Almeria, leurs parents avaient trouvé une amère terre d’accueil dans les faubourgs de Barcelone d’où à leur tour leurs enfants sont partis en cherche d’un havre plus amène au delà des Pyrénées. Après quelques tribulations, ils ont posé leurs valises et leur chat dans cette campagne gallèse où le premier exotisme dont l’histoire ait gardé la trace fut la découverte de la tomate.

On sent l’effort déployé par ces nouveaux venus pour s’adapter à leur environnement rustique en proposant ce que tous les voyageurs savent faire : la cuisine de leur pays d’origine. De là une carte, ou plutôt son absence, remplacée par un long panneau qui liste les principaux plats au menu dont l’orthographe un peu fantaisiste révèle une copie crachée sur un coin de table, le dictionnaire français-espagnol grand ouvert.

Des croquettes au riz noir en passant par l’omelette ou encore le gaspacho, on retrouve les grands classiques que les lecteurs assidus  d’Asterix en Hispanie s’attendent à trouver dans un restaurant espagnol.

Les assiettes arrivent des mains d’un serveur au chef sévère, tel celui des personnages de l’Enterrement du comte d’Orgaz, l’émouvant tableau du Greco que l’on admire à Tolède, dans un salle qui fait penser aux restoroutes qu’aimait filmer Claude Zidi, dont mobilier minimalisme semble échappé d’une série suédoise des années 1970.

Après une agréable tapenade en guise de mise en bouche, viennent les entrées. Une bonne surprise, une esqueixade de morue émiettée disposée sur une salade de tomates, de poivrons et d’oignons qui marie bien les goûts de la mer et de la terre. À côté, des croquettes au jambon, une de ces tapas dont les Espagnols raffolent et qui a décidé ma fille, nostalgique d’un séjour madrilène, à m’accompagner pour cette dégustation. Bien croustillantes à l’extérieur, on sent le fait maison, avec ses avantages et ses inconvénients. On retrouve la nostalgie des préparations minutieuses de grand-mère qui marquent la mémoire de tous les hommes qui furent un jour des enfants, mais aussi l’inégalité dans le résultat qui découle d’une maîtrise hésitante des gestes techniques propres à une cuisine professionnelle.

À suivre, un « arroz negro », cet incontournable plat valencien dont le riz est cuit au bouillon coloré par de l’encre de seiche dans une paella. Il nous arrive richement servi dans des cassolettes individuelles, accompagné de son citron mais sans l’aïoli traditionnel. Le riz est cuit à point, sans hélas le socarrat habituel, cette légère caramélisation qui s’obtient par un bref coup de feu en fin de cuisson, et aux saveurs pas assez marquées à mon goût, ce qui sans doute révèle une adaptation aux goûts des commensaux locaux peu enclins aux excès. L’abondance des portions nous mène rapidement à la satiété et nous partons assouvis sans nous laisser tenter par un dessert et nous plongeons dans la nuit pour retrouver notre dulce domus.

Plutôt que de mangeotter dans un restaurant banal de la Gacilly ou de Ploërmel, pourquoi n’iriez-vous pas goûter le « rancho » légionnaire que l’on sert à Ruffiac ? Aire de España offre avec générosité une cuisine de famille, avec les imperfections qui vont avec, à ceux qu’afflige la nostalgie de l’Albufera de Valence ou des rives du Turia.

Aire de España. 1 place de l’Eglise. 56140 Ruffiac. 0954015534

Crédit photo : DR
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Une réponse à “Aire de España. Les fiancés de la mort se donnent rendez-vous à Ruffiac (56)”

  1. Strauss dit :

    « Mangeotter dans un restaurant banal de la Gacilly où Ploermel « est plutôt malsain comme commentaire dans votre article…!

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