Nous avons eu l’occasion, en novembre dernier, d’être invité par le Mathias Corvinus Collegium (MCC) de Budapest, en Hongrie, à une conférence sur la liberté d’expression à l’ère digital.
A cette occasion, nous avons réalisé un entretien de Zoltán Szalai, directeur du MCC et éditeur de la plateforme internet Mandiner,, pour découvrir cette institution, véritable école de cadres et de formation pour les talents de demain (et les décideurs) en Europe centrale.
Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter ainsi que le MCC à nos lecteurs ?
Zoltán Szalai (MCC) : Je suis le directeur général du Mathias Corvinus Collegium (MCC), qui est l’une des plus grandes institutions universitaire du bassin des Carpates, offrant des programmes de formation gratuits aux jeunes Hongrois les plus talentueux, de l’école primaire au niveau universitaire et même au-delà.
L’une de ses principales missions est de veiller à ce que les étudiants du MCC soient dotés d’une solide base de connaissances, aient un large horizon et soient capables de prendre des mesures responsables pour leur petite communauté et la communauté au sens large. Nos programmes de formation sont désormais disponibles sur 14 sites en Hongrie et dans 23 villes au total dans le bassin des Carpates. Des universitaires et des chercheurs hongrois et étrangers de renommée nationale et internationale ont travaillé au MCC pour garantir la haute qualité des cours proposés à nos étudiants. Non seulement en Hongrie, mais – à notre connaissance – nulle part ailleurs il n’existe un centre de talents comme le MCC qui offre une éducation aussi complexe et multidisciplinaire, avec autant d’experts étrangers et nationaux renommés, tout en opérant au-delà des frontières.
Breizh-info.com : Quand a été créé le MCC et pourquoi ? Quels sont ses fondements ?
Zoltán Szalai (MCC) : La plus grande institution de gestion des talents de Hongrie a été fondée il y a 25 ans sous la forme d’une initiative privée.
À l’époque déjà, son objectif était de soutenir et de former de jeunes Hongrois dotés d’un talent exceptionnel et d’un engagement envers le pays, d’une manière qui complète l’enseignement supérieur de masse conventionnel.
Notre institution va au-delà du système scolaire traditionnel et offre une formation de haute qualité dans un certain nombre de disciplines. Elle a évolué au fil des ans et a franchi une véritable étape en 2020, lorsque le MCC est devenu un établissement d’intérêt public et que nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux : d’ici quelques années, nous formerons plus de 10 000 étudiants sur 35 sites. Un développement intellectuel et infrastructurel très important a ainsi été lancé.
Breizh-info.com : Pouvez-vous nous en dire plus sur les différents programmes que vos étudiants suivent au cours de l’année ?
Zoltán Szalai (MCC) : Cette année, le MCC forme et instruit déjà plus de 4 100 étudiants dans différents cadres, depuis notre programme Jeunes Talents pour les élèves du deuxième cycle de l’enseignement primaire jusqu’au programme PhD pour les doctorants.
Chaque année, un nombre croissant d’étudiants s’inscrit à nos cours destinés aux lycéens et aux étudiants universitaires, mais d’autres programmes tels que notre Académie de débat ou l’Académie de leadership sont également populaires.
Notre programme universitaire est un programme scolaire qui offre aux étudiants des connaissances théoriques et pratiques approfondies, un développement individuel et une approche spécifique, leur donnant ainsi une base professionnelle solide pour leur future carrière.
Ces formations personnalisées et interdisciplinaires en petits groupes comblent un vide en Hongrie et c’est un cadre institutionnel rare, même au niveau européen. Actuellement, les étudiants peuvent s’inscrire dans six écoles et étudier le droit, l’économie, les relations internationales, les médias, la psychologie ou les sciences sociales, en fonction de leurs intérêts. Sur la base du modèle anglo-saxon, les écoles sont divisées en centres, où les responsables des écoles et des centres, ainsi que les membres de notre équipe croissante de chercheurs, organisent des cours, des conférences, coordonnent la recherche universitaire, participent au programme de publication de livres du MCC, publient des articles de recherche et, par le biais des médias, contribuent à l’analyse et à la compréhension expertes des développements dans le monde et en Hongrie.
Breizh-info.com : En France, les premiers articles qui ont parlé du MCC l’ont décrit comme faisant partie de “la machine d’Orbán pour contrôler le peuple hongrois“. Peut-être pouvez-vous nous dire la vérité sur ces allégations ?
Zoltán Szalai (MCC) : Nous ne souhaitons pas commenter les opinions politiques hostiles de la presse, qui ne sont pas fondées sur des expériences directes et qui n’ont pas une réelle compréhension culturelle, historique et politique de notre pays et de notre région.
Le Mathias Corvinus Collegium est une institution qui encourage les talents et aide les jeunes Hongrois les plus doués à atteindre leurs objectifs et à devenir des membres responsables de notre société. Nous proposons des programmes de formation intellectuellement indépendants et non partisans. Le MCC soutient les jeunes qui s’engagent pour leur pays, qui sont prêts à agir pour leurs communautés locales, qui se sentent responsables de leurs compatriotes. Avec notre aide, ils peuvent développer leurs talents, quel que soit leur milieu socio-économique, et les mettre à profit pour leur propre bien et, à long terme, pour le bien de la Hongrie.
Notre objectif est de contribuer activement à l’éducation d’une génération talentueuse, large d’esprit, ayant une expérience internationale, patriotique et maîtrisant d’autres langues, et dont les membres sont capables de représenter les intérêts hongrois au milieu de la compétition mondiale, et de participer avec confiance aux débats et décisions nationaux et internationaux qui déterminent l’avenir de la Hongrie. En même temps, nous souhaitons contribuer à la promotion du dialogue public et de la culture qui servent l’essor de la Hongrie dans son ensemble.
Breizh-info.com : Vous avez récemment invité de nombreux intervenants français au MCC, de Marion Maréchal à Claude Chollet. Vous organisez également de nombreuses conférences, chaque semaine, sur des sujets variés et avec la participation de nombreux conférenciers étrangers. Pourquoi est-il important pour votre établissement d’organiser ces événements et de créer des liens entre l’Europe centrale et occidentale ?
Zoltán Szalai (MCC) : Comme je l’ai mentionné précédemment, l’une de nos principales missions est de former des étudiants dotés d’une perspective large et interdisciplinaire, capables de participer en toute confiance aux débats nationaux et internationaux, de prendre des décisions responsables qui déterminent l’avenir de la Hongrie, et de participer activement à la promotion du dialogue public et de la culture qui serviront à renforcer la Hongrie dans son ensemble.
Nous offrons donc des opportunités de formation et de développement gratuites à des jeunes enthousiastes, désireux d’agir pour la nation et leurs communautés, ouverts sur le monde, qui souhaitent acquérir des connaissances approfondies sur les processus internationaux et qui veulent apprendre des meilleurs instructeurs. En 2021 seulement, nous avons organisé plus de 100 événements internationaux – ateliers, séminaires, conférences – avec la participation de plus de 160 intervenants étrangers.
En outre, au cours de l’année écoulée, 13 boursiers étrangers sont venus au MCC, 5 nouveaux programmes de mobilité internationale ont été lancés et nous avons organisé de nombreux voyages d’étude à l’étranger, grâce auxquels plus de 100 étudiants du MCC ont déjà eu l’occasion d’acquérir une expérience à l’étranger. Cette année universitaire, nous continuerons à développer les activités internationales du MCC.
Nous prévoyons d’inviter des conférenciers étrangers éminents et reconnus au niveau international à nos conférences, discussions publiques et séminaires internationaux. Toutes les deux semaines, nous organisons une série d’événements appelés MCC Budapest Lectures, au cours desquels nos invités internationaux discutent des questions les plus urgentes de notre époque. Plus récemment, nous avons organisé une conférence internationale de deux jours sur les médias, qui a réuni des journalistes renommés de nombreux pays pour discuter de la question de la liberté d’expression à l’ère numérique. Outre la formation des étudiants, ces événements peuvent également contribuer à jeter un pont intellectuel entre les sociétés d’Europe occidentale et centrale.
Breizh-info.com : Vous avez ouvert des centres MCC dans de nombreuses régions de Hongrie et dans tout le bassin des Carpates. Pourquoi ? Est-il envisageable de faire de même en France, en Belgique, ou en Allemagne par exemple ?
Zoltán Szalai (MCC) : Un élément clé du développement du MCC et l’un de ses objectifs est de rendre sa formation accessible aux jeunes Hongrois dans le plus grand nombre de lieux possible.
En conséquence, nous sommes aujourd’hui présents sur 23 sites dans le bassin des Carpates, et nous aimerions porter ce nombre à 35 dans les années à venir. Nous nous engageons à étendre nos activités pour la communauté hongroise non seulement en Hongrie mais aussi à l’étranger. Pour servir les intérêts nationaux hongrois, nous aimerions atteindre le plus grand nombre possible de villes comptant un nombre important de jeunes parlant le hongrois.
Nos plans à moyen terme prévoient la création de centres en Europe occidentale, comme Londres et Vienne, et nous explorons constamment les possibilités dans d’autres pays et villes où notre mission de gestion des talents pourrait remplir son rôle.
Breizh-info.com : En tant que directeur du MCC, quel regard portez-vous sur l’Europe occidentale aujourd’hui, et plus particulièrement sur les étudiants et les universités d’Europe occidentale ?
Zoltán Szalai (MCC) : Comme je l’ai mentionné précédemment, notre centre de talents, qui existe depuis 25 ans, développe constamment ses relations internationales, et les relations avec les institutions d’Europe occidentale et des États-Unis jouent un rôle important. La plupart de nos enseignants et conférenciers invités proviennent des établissements d’enseignement les plus prestigieux de ces pays et nos étudiants et enseignants passent également un certain temps dans ces établissements grâce à diverses bourses. Il s’agit de programmes d’études et de recherche à l’étranger, plus ou moins longs, d’où nos étudiants et nos enseignants reviennent avec une riche expérience.
Cependant, je dois admettre que nous pouvons observer une tendance inquiétante dans certaines universités occidentales. Avec la prolifération de la cancel-culture et du wokisme, certains professeurs et étudiants ne peuvent plus exprimer leurs idées et dire ce qu’ils pensent, ce qui est à l’opposé de ce que nous pensons que les institutions éducatives devraient représenter.
Au MCC, nous accordons une attention particulière à ce problème, car nous pensons que des discussions libres, franches et ouvertes sont les éléments indispensables d’une société saine et véritablement démocratique.
Propos recueillis par YV
Illustration : DR
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