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11 novembre 2024. Les Bretons se souviennent de la Grande guerre et de leurs morts

Le 11 novembre, jour de commémoration en France, honore la mémoire des millions de vies fauchées par la Grande Guerre, un conflit qui a bouleversé le monde, mais aussi les vies de ceux restés à l’arrière, en particulier dans les régions rurales de Bretagne. Parmi ces jeunes hommes arrachés à leurs campagnes paisibles, nombreux sont ceux qui, comme mon arrière-grand-père Alexis Royer, paysan breton, ont quitté leur terre pour combattre dans une guerre qui n’était pas la leur.

Cette histoire personnelle s’étend bien au-delà d’un individu ou d’une famille : elle incarne le sacrifice de millions d’Européens.

Mobilisation en Bretagne et Engagement dans le 116 Régiment dInfanterie (RI)

Alexis François Marie Royer, payson breton né le 29 janvier 1896 au Fougerêts, à La Gacilly. Dans cette campagne paisible et fervente, Alexis mène une vie simple jusqu’à ce que la Première Guerre mondiale vienne bouleverser son existence. Initialement jugé « trop faible » pour le service militaire lors de l’appel de 1915, la montée des besoins de l’armée le requalifie en 1916.

Les jeunes hommes nés dans les campagnes du Morbihan, comme Alexis, sont majoritairement dirigés vers le 116 régiment d’infanterie, basé à Vannes. Lors de la mobilisation générale d’août 1914, ce régiment part immédiatement pour le front. Le 116 RI est déployé dans plusieurs des batailles les plus intenses de la Première Guerre mondiale et son rôle est crucial.

En septembre 1914, le 116 RI participe à la bataille de la Marne, qui marque un tournant dans la guerre. Le régiment aide à stopper l’avancée allemande sur Paris, mais le prix est lourd : de nombreux soldats bretons tombent au combat, symbolisant le sacrifice de toute une région. Le régiment contribue à stabiliser le front au prix de pertes sévères, incarnant l’endurance bretonne dans des conditions éprouvantes.

La Bretagne et les pertes durant la guerre

La Bretagne, particulièrement touchée, perd environ 10 % de ses fils durant le conflit. Le courage des soldats bretons est reconnu, et certains faits d’armes restent marquants, comme ceux des 6 500 fusiliers marins de l’amiral Ronarc’h lors de la bataille de Dixmude. Principalement issus de Bretagne, ces soldats résistent héroïquement pendant un mois, perdant les deux tiers de leurs effectifs pour défendre la ville. Notons que ce régiment était majoritairement bretonnant. La région, imprégnée d’une forte tradition religieuse, est également marquée par l’engagement de nombreux prêtres bretons qui partent comme brancardiers, infirmiers ou aumôniers pour soutenir moralement et physiquement leurs compatriotes. L’évêque de Quimper indique le 15 août dans un journal que « La France a répudié son alliance séculière avec le Christ. L’alliance rompue par l’État peut être renouée par le peuple »

Le parcours militaire d’Alexis : un destin breton.

Après avoir intégré le 41 régiment d’infanterie en 1916, et participé à la bataille de la Somme en première ligne, Alexis est transféré au 94 régiment d’infanterie le 19 mars 1917, avec lequel il connaît les épreuves de la guerre de tranchées, et notamment la « bataille du chemin des Dames ». Puis, le 30 septembre 1917, il est affecté au 29 RI, un autre régiment breton engagé dans les dures conditions des tranchées de Champagne. Le 3 mai 1918, Alexis rejoint le 2 régiment de zouaves, une unité de soldats d’élite où il continue de faire preuve de courage. Le 9 août 1918, au cours d’une mission à Montbellé, il est grièvement blessé par une balle au bras droit. Cette blessure lui vaut une hospitalisation d’un mois à Paris. Malgré les soins, les séquelles sont profondes, et cette blessure le marquera pour la vie.

Épreuve de santé et réformes successives

Après sa démobilisation le 19 février 1919, Alexis François Marie Royer retourne en Bretagne, mais son retour à la vie civile est marqué par une détérioration rapide de sa santé, conséquence des conditions extrêmes et des gaz de combat qu’il a subis au front. Exposé au phosgène, au gaz moutarde et au gaz chloré, il souffre de séquelles respiratoires graves. Le phosgène a endommagé ses alvéoles pulmonaires, le gaz moutarde a provoqué des brûlures internes et une fibrose pulmonaire, et le gaz chloré a causé des irritations persistantes, entraînant douleurs thoraciques et essoufflement.

Les années suivantes, plusieurs affections se manifestent :

  • 1922 : Une pleuro-congestion de la base gauche lui est diagnostiquée, entraînant lourdeur et gêne respiratoire. Cette même année, il souffre d’essoufflement et de douleurs thoraciques chroniques.
  • 1924 : Son état s’aggrave avec l’apparition de la tuberculose pulmonaire à forme torpide, qui détruit progressivement les tissus pulmonaires, accompagnée d’une submatité et d’une abolition respiratoire dans certaines zones.
  • 1930 : On lui diagnostique une pleurite fibreuse, une inflammation de la plèvre formant une couche rigide, restreignant davantage sa capacité respiratoire.
  • 1931 : Il est atteint de tuberculose pulmonaire chronique avec une fibrose pulmonaire extensive, réduisant ses capacités respiratoires à un niveau critique et entraînant une invalidité totale.

Le 116 Régiment d’Infanterie : Honneurs et Amitiés

Le 116 RI, au-delà des épreuves, tisse des liens mémorables avec d’autres régiments alliés. En 1915, lorsque le 116 est relevé en Champagne par le 8 régiment des Argyll Highlanders d’Écosse, une profonde amitié se développe entre ces soldats bretons et leurs camarades écossais. En hommage, le célèbre piper écossais William Lawrie compose la marche « The 8th Argyll farewell to the 116th régiment de ligne » en l’honneur des soldats vannetais. Les Écossais jouent cette mélodie alors que les Bretons quittent leurs cantonnements, une partition conservée depuis dans un musée écossais, symbolisant le respect et l’amitié entre ces frères celtes.

Le XX siècle débute par une immense guerre civile européenne, qui épuise les forces vives du continent. La guerre, c’est des hommes qui ne se connaissent pas et s’entretuent pour des intérêts de ceux qui, eux, se connaissent bien mais qui ne s’entretuent pas. Les Européens ont cru que 1914 serait la dernière guerre, pourtant 1940 est venu par l’orgueil des vainqueurs.

En 1945, les Alliés pensaient enfin avoir atteint la paix, pourtant, il y a eu la Yougloslavie, et aujourd’hui, la guerre fratricide opposant Russes et Ukrainiens en plein cœur de notre Europe.

Hommage aux Flamands, corses, aux Alsaciens, aux Bretons et à tous les Européens.

Matisse Royer

Crédit photo : DR
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