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Syrie. La communauté syrienne de France raconte son 3ème voyage [ interview + photos]

30/11/2015 – 06H30 Damas (Breizh-info.com) – Les bombardements  en Syrie- principalement sous l’impulsion des forces armées russes – redoublent d’intensité afin d’éradiquer les islamistes et leurs alliés . Le régime de Bachar El Assad tient bon et continue tant bien que mal de gouverner son pays et son peuple. C’est afin de découvrir un visage de la Syrie dont ne parle jamais la presse subventionnée que la communauté syrienne de France organise plusieurs fois par an, un voyage là-bas . Nous avions déjà fait l’écho d’un de ces séjours il y a quelques mois.
De retour d’un séjour qui s’est déroulé au mois d’octobre, nous avons interrogé Stéphane, ainsi que Rima Khilfaoui, une des responsables de la communauté syrienne de France.

Breizh-info.com : Combien de personnes représentent la communauté syrienne de France ? Quelles actions organisez-vous ?

Rima Khilfaoui :
 La communauté syrienne de France est composée d’environ 70 000 personnes ;  une partie est venue en France durant la 1ère Guerre mondiale puis d’autres après la fin de mandat français en Syrie en 1946, et une autre vague encore dans les années 80 . Notre association se compose d’une partie de la communauté, essentiellement des Syriens arrivés après 1980. Les actions organisées par notre association sont surtout culturelles et sociales mais elles concernent également l’actualité en Syrie : conférences, expositions, manifestations …

Breizh-info.com : Pourquoi organiser ces voyages à destination de la Syrie ? N’est-ce pas risqué ?

Rima Khilfaoui : Nos voyages sont organisées dans un objectif de solidarité avec la population syrienne mais surtout pour que les visiteurs prennent conscience de la réalité sur place et découvrent à quel point les média occidentaux mentent et manipulent. La population syrienne a une image très positive de la France en tant que pays de grande civilisation . Ils savent que  les gouvernants actuels ne représentent ni l’opinion publique ni le peuple français . La participation des Français à ces voyages prouve d’ailleurs l’envie d’avoir accès à la vérité. Concernant les risques au cours de  voyage ; effectivement il y a un risque mais minime dans un pays certes en guerre mais où ne visitons que les régions sécurisées par les autorités syriennes

Breizh-info.com : L’arrivée massive de Syriens en France actuellement provoque des craintes et même une colère au sein d’une partie de la population française. Comprenez vous ces craintes ? N’y a t-il pas des risques avec toutes ces arrivées ? Ces personnes retourneront-elles en Syrie ?

Rima Khilfaoui : L’immigration massive en Europe n’est majoritairement pas le fait de Syriens ; ceux-ci constituent moins de 18% des arrivants .  Cette crise a été fabriquée de toute pièce, et la Turquie y a joué un rôle majeur pour coincer l’Europe et montrer qu’elle possédait les clés.

Le risque je ne le vois pas avec les Syriens qui arrivent mais plutôt avec les ” jeunes “qui rentrent de  Syrie    ..est ce que les Syriens qui arrivent vont retourner chez eux? ..cela est fort possible si la guerre ne dure pas longtemps parce que les conditions économiques seront mieux en Syrie ..

Breizh-info.com : La communauté syrienne de France organisait un nouveau voyage vers la Syrie. Dans quel but ?

Stéphane : En effet, il s’agissait du 3e voyage de solidarité de l’année organisé par la communauté syrienne de France. Ces différents voyages ont pour but de montrer aux participants la Syrie telle qu’elle est. La plupart des participants n’ont aucun lien avec ce pays. L’envie de se rendre compte par soi-même est souvent la motivation principale d’un tel voyage. Les analyses parcellaires et manichéennes de nos médias ne sont plus suffisantes, car les raisons de cette guerre sont complexes et multiples, c’est un condensé de guerre civile, de guerre froide et de guerre sainte.

Breizh-info.com : Qu’est ce qui vous a motivé pour faire ce voyage ? N’y avait -t-il pas des risques ?

Stéphane : Plusieurs raisons m’ont poussé à tenter cette aventure, en plus de la volonté de me rendre compte par moi-même. Ma première raison est politique. J’ai suivi le printemps arabe à la télévision comme tout le monde. Le cas de la Libye m’a troublé. Bien que n’ayant aucune sympathie pour leur Président Kadhafi,  je n’ai pas compris pourquoi la France de Sarkozy voulait coûte que coûte la fin de ce régime. Si c’était pour plus de démocratie, c’est perdu ! Je ne crois pas que le peuple libyen soit plus libre maintenant.

Quand ce fut au tour de la Syrie, j’ai tout de suite compris qu’il ne fallait pas créer une instabilité supplémentaire par notre ingérence dans cette région. De plus, j’ai voulu affirmer mon opposition symbolique mais réelle à tous ces « Français » qui partent faire le jihad en Syrie ou en Irak. Par notre présence, nous montrons notre solidarité et notre soutien au peuple syrien, le vrai, celui qui se bat contre les terroristes. Concernant les risques, je disais à ceux qui me déconseillaient de faire ce voyage que le risque était également présent en France, et surtout à Paris. J’avais malheureusement raison…

Breizh-info.com : Cette fois-ci, comment s’est déroulé le voyage ? Quelles étapes ont été effectuées ?

A notre arrivée à Beyrouth, deux véhicules privés nous attendaient pour nous amener à Damas. Après notre installation à l’hôtel, nous avons pu nous balader librement en ville, en toute quiétude. Le lendemain, nous sommes allés à Lattaquié car je devais participer à une compétition de course à pied, organisée par l’association « Vivre Ensemble », au sein de laquelle des femmes, des mères ou sœurs de soldats leur confectionnent des ravitaillements. Elles sont vraiment très touchantes. Qu’elles soient sunnites, chiites ou chrétiennes, elles représentent l’unité du peuple syrien. Après la compétition, notre groupe a été convié à une cérémonie par un représentant de la municipalité. Ensuite, pendant deux jours, nous avons logé chez l’habitant au centre du pays. Nous avons pu visiter une école maternelle, un hôpital de campagne et l’église d’un ville avoisinante.

Le soir, les missions aériennes russes éclairaient le ciel, tel un feu d’artifice. Nous nous sommes rendus à Hama, malgré le danger des combats. Nous y avons rencontré le responsable de Croissant Rouge, puis nous avons vécu un grand moment au centre de déplacés de cette même ville, en compagnie des bénévoles locaux. Les parents nous ont touchés par leur dignité et les enfants par leur joie de vivre. Dans la foulée, nous sommes allés voir les norias d’Hama, symboles d’un héritage romain toujours présent. Le jour même, nous sommes partis pour Damas en passant par Homs. La moitié de la ville a été entièrement détruite, pourtant l’autre partie continue de vivre, et des déplacés reviennent chez eux pour y reconstruire leur vie!

La dernière journée, certains se sont rendus à la Grande Mosquée des Omeyyades avant un peu de « shopping » au souk. D’autres, comme moi, ont visité l’hôpital français de Damas en compagnie des sœurs francophones. Nous avons pu échanger avec des bénévoles de SOS Chrétiens d’Orient. Ils ont ouvert une antenne en Syrie depuis juin dernier. Leur travail est essentiel pour aider la communauté chrétienne. De plus, leur présence maintient un lien entre les deux pays, malgré des divergences politiques.

Breizh-info.com : Sur place, quelle est la situation ? Vous êtes vous senti dans un pays en guerre ? Les frappes russes ont elles contribué à établir la sécurité ?

Stéphane :La situation évolue quotidiennement, le régime peut récupérer des villages aux terroristes à certains endroits, et en perdre d’autres ailleurs. J’ai l’impression qu’avant l’arrivée des Russes, il y avait une sorte de statu quo.

Maintenant, avec les bombardements russes, le dynamisme est du côté de l’armée arabe syrienne. La population est beaucoup plus optimiste pour retrouver un avenir serein. Par leur présence, les Russes contribuent à stopper la propagation d’Etat Islamique dans la région, et indirectement à protéger le Liban, Israël et l’Europe… car face à ces barbares, c’est tout le monde civilisé qui peut être touché!

Breizh-info.com : Parlez-nous des visites que vous avez pu effectuer. Et du patrimoine syrien

Stéphane : La Syrie est le berceau de nombreuses civilisations, et à ce titre nombreux sont les vestiges de ce passé glorieux. Le pays compte six sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.  La plupart ont été endommagés sans que cela ne gène trop les Occidentaux, que ce soit la citadelle d’Alep ou la cité de Palmyre, tombée aux mains de l’état islamique. J’ai eu la chance de pouvoir visiter le Krak des Chevaliers lors de mon précédent voyage. Pour Lawrence d’Arabie, le krak était « le plus beau des châteaux du monde, certainement le plus pittoresque qu’[il ait] vu, une véritable merveille ». Aujourd’hui, le site est à l’abandon, et même endommagé, mais il pourra de nouveau renaître car les murs sont toujours là. Ils tiennent, en espérant de meilleurs lendemains.  En revanche, tous les villages autour de ce site ont été totalement détruits: c’est impressionnant !!! Heureusement, la région est maintenant sous contrôle de l’armée syrienne.

Breizh-info.com : Comment sont vus les Français là bas ? L’hostilité vis à vis du régime de Bachar El Assad du gouvernement et de Laurent Fabius n’entraine-t-elle pas une méfiance vis à vis des Français ?

Stéphane : Pour beaucoup de Syriens, la France est le pays des Droits de l’Homme. A ce titre, ils ne comprennent pas pourquoi notre pays est l’allié du Quatar, et surtout de l’Arabie Saoudite qui, à leurs yeux, est responsable de cette guerre. Pour autant, les Français, comme les étrangers en général, sont très bien accueillis. Le peuple syrien est suffisamment intelligent pour ne pas tenir grief au peuple français des positions politiques incohérentes de son gouvernement.

Certes, le pays est en guerre, mais son peuple est debout. L’hospitalité de la population est incroyable! Je garde énormément de bons souvenirs des différentes rencontres que j’ai pu faire là-bas: ces gens ne méritent pas la guerre qu’on leur impose !

Breizh-info.com : Savez vous si de prochains séjours sont organisés ?

Stéphane : Oui, la communauté syrienne de France compte organiser de nouveaux voyages de solidarité en 2016 afin de renforcer le lien entre les deux pays. Il suffit d’aller sur la page Facebook de l’association pour se tenir informé des futurs voyages (contact : [email protected]) ainsi que de l’évolution du conflit. Pour finir, je citerai le grand archéologue français André Parrot, qui rappelait: «  Tout homme civilisé a deux patries : la sienne et la Syrie » .

Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine. 

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