Les années 70, 80, 90 et 2000 en Corse et en France, ont été rythmées par les attentats du ou des FLNC. Avec conférences clandestines en cagoules et arrestations de militants corses toujours plus ou moins membres des branches légales des différentes factions : MPA, A Cuncolta Naziunalista et l’ANC pour la première scission « poggioliste » de 1989.
A force de recompositions, scissions, fâcheries, réconciliations, le paysage du nationalisme corse a fini par se stabiliser autour de différents pôles bien identifiés :
- Les autonomistes « gestionnaires » de Femu a Corsica représentés par le président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni. Ceux-ci sont devenus progressivement la formation principale de l’île.
- Les nationalistes de gauche de Core in Fronte représentés par Paul-Félix Benedetti, garants d’une certaine tradition viriliste, tiers-mondiste et cagouliste, naturellement solidaire de la lutte armée, même si celle-ci est désormais embryonnaire.
- Les nationalistes identitaires de Palatinu/Mossa Palatina, nouvellement arrivés dans le jeu politique et dont le discours bouscule sérieusement les habitudes tiers-mondistes d’un monde nationaliste resté par trop dans les années 70 et la notion de « communauté de destin » qui ne convainc plus grand monde.
Mafionalisme ?
Dans ce paysage, que reste-t-il comme place à Nazione, le vieux mouvement issu de la Cuncolta, dont le positionnement politique est de plus en plus étroit ? Soumis à une crise de leadership avec la disparition des radars de Jean-Guy Talamoni dont l’étoile a quelque peu pâli depuis qu’il n’est plus au perchoir de l’assemblée de Corse et souffrant d’un problème de renouvellement des générations, le mouvement a quelques difficultés à se débarrasser du souvenir des années de dérives mafieuses et brigadistes d’une frange du nationalisme corse. D’ailleurs, l’un de ses principaux dirigeants, Pierre Paoli, a été récemment mis en cause dans une note du Sirasco, le Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée, comme étant le chef de l’une des bandes mafieuses qui gangrènent l’île tout en étant également présenté comme le chef du FLNC pour la Corse-du-Sud ! Alors même que la population corse montre de plus en plus son exaspération face à la main-mise de la mafia sur l’économie insulaire. Sans compter certaines pratiques politico-mafieuses auxquelles le mouvement est associé à tort ou à raison et qui entachent la crédibilité de cette frange du nationalisme sur l’île.
Tiers-mondisme endémique
Dernier indicateur dans cette perte d’influence : la décision de Nazione de ne pas présenter de liste à Bastia et Ajaccio aux prochaines municipales. Même si les indépendantistes l’affirment, « ce n’est pas par manque de colistiers », le fait que Nazione s’avoue incapable de trouver des partenaires pour le second tour fait jaser et souligne, encore plus, son propre isolement. Et parfois le mot « isolement » rime avec « aveuglement » car le mouvement ne voit pas l’incongruité de remettre, dans son communiqué, une couche tiers-mondiste supplémentaire en déplorant le fait que « le peuple corse est déjà très diminué par l’arrivée massive de Français sur notre terre, et particulièrement sur ces deux communes » omettant de signaler les débarquements de plus en plus importants de populations extra-européennes dans les centres urbains insulaires.
Hélas, comme en Bretagne, le mouvement nationaliste corse traditionnel pénétré de concepts issus des années 70 qu’il n’arrive pas à dépasser n’est pas encore prêt à ouvrir les yeux et enfin « voir ce qu’il voit ».
L’immigration au centre des débats
Le monde politique actuel est en complète recomposition et ce partout en Europe. La base de cette recomposition n’est pas la question de l’économie, du climat, des retraites, de l’attitude par rapport à Poutine ou Trump ou même la question du wokisme mais la question de l’immigration. Question qui polarise tout, qui définit tout et qui, avant toute chose, n’est pas résoluble par une loi. En effet, même si toute immigration extra-européenne était stoppée nette avec l’arrivée de gouvernements conservateurs au pouvoir, il resterait le problème des immigrés qui sont déjà là, pour certains ont des nationalités de pays européens, et doubleront ou tripleront à chaque génération.
Le problème de l’immigration est donc, en Corse comme à Brest comme au-delà du cercle polaire, un problème qui est amené à durer et à polariser des sociétés et des classes politiques pendant encore des centaines d’années.
En restant bloqué sur le logiciel nationaliste corse des années 70 qui s’est construit sur les conséquences de la guerre d’Algérie et l’identification au FLN (d’où le nom FLNC), Nazione risque donc un lent déclin, coincé entre des héritiers de ces années tiers-mondiste (Core in Fronte, même si certaines déclarations laissent entrevoir un début de prise de conscience), un nationalisme gestionnaire bon teint (Femu a Corsica) et un nationalisme identitaire (Palatinu) correspondant à une réelle montée de la question sur l’île.
Illustration : DR
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