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Débâcle FN : les fruits amers de la ligne Marine/Philippot

Par Jean-Yves Le Gallou, fondateur et président de la Fondation Polémia

Avec 13,20% des suffrages, le FN ne retrouve pas son résultat législatif de 1997 (15%) et dépasse à peine celui de 1993 (12,4%). C’est dire l’ampleur de la régression. Une régression considérable aussi par rapport aux dernières élections régionales de 2015 (28%).

Certes, les élections législatives amplifient souvent les résultats de l’élection présidentielle au bénéfice de son vainqueur. Mais le recul du FN – moins 8 points par rapport à l’élection présidentielle – est là aussi sans précédent à l’exception de 2002, chant du cygne de Jean-Marie Le Pen. Cette débâcle a une cause : la ligne Marine/Philippot.

1-Une campagne présidentielle désaxée

Alors que le ressort électoral premier du vote FN est la question identitaire et la lutte contre l’immigration, c’est la souveraineté abstraite et désincarnée qui a été placée au cœur de la campagne. Pire : les propositions sur l’immigration ont été « pasteurisées »  dans l’espoir, comblé d’ailleurs, de les faire échapper aux radars médiatiques. Marine Le Pen a même commis de graves dénis de réalité en condamnant l’expression « Grand Remplacement » et en prétendant que « l’islam était compatible avec la République » (sic). Résultat : le FN n’a pas été « accroché » par les critiques sur l’immigration mais sur les « affaires » et l’économie, ce qui était beaucoup moins porteur électoralement pour lui.

2-Une campagne présidentielle sur le terrain de l’adversaire

Marine Le Pen a choisi d’insister sur les aspects économiques et sociaux de son programme là où elle intéressait le moins les électeurs et les inquiétait le plus… Pourtant, dès janvier 2012 la journaliste Anne–Sophie Lapix avait théorisé, avec succès, l’angle économique comme voie la plus performante d’attaque du FN. Cinq ans plus tard, la direction du FN n’avait toujours pas compris…

3-Une campagne présidentielle polluée par la question de l’euro

Malgré tous les conseils donnés à Marine Le Pen (par les Horaces notamment) de se sortir du piège de l’euro, Marine Le Pen a cédé aux pressions de Philippot et continué à faire de la « souveraineté monétaire » l’alpha et l’oméga de son programme. Dans cette campagne l’euro a été comme le sparadrap du capitaine Haddock dans Vol 717 pour Sydney : impossible de s’en débarrasser. Jusqu’à la chute finale.

4-Plus généralement une candidature sans souffle et sans espérance

Bien sûr, c’est un leurre mais Macron (et Mélenchon) ont su faire passer un souffle d’espérance dans leur campagne. Marine Le Pen, jamais. Le négatif, l’étriqué, le vindicatif l’ont toujours emporté dans son discours.

5-Les limites du populisme

Marine Le Pen a fait fond sur le populisme : en théorie, les élites face au peuple, c’est le peuple qui a le nombre et qui doit gagner. Ce n’est pas ce qui s’est passé. Parce qu’on ne peut pas gouverner un pays uniquement avec les vaincus de la vie. Il faut aussi un discours pour les élites. Et ceux qui s’y identifient par souci de se placer symboliquement dans le camp des vainqueurs. Marine Le Pen n’a pas eu de discours adapté. Surtout le populisme ne peut pas gagner car les voix des populistes de gauche et de droite ne sont pas additionnables. Les appels du pied appuyés à l’électorat de Mélenchon ont juste servi à faire fuir les électeurs de droite… Ajoutons que c’est une erreur de fonder une stratégie sur le seul « vote populaire » car c’est le plus… abstentionniste.

6-Une candidate atteinte par le principe de Peter

Marine Le Pen a montré à trois reprises la faiblesse de son niveau personnel dans les trois débats qui l’ont opposée à ses concurrents. Avant le premier tour, elle s’est laissé dominer par Mélenchon et est restée sans voix face à… Poutou. Et elle s’est littéralement effondrée face à Macron le 3 mai. Un débat qui a sonné le glas définitif de ses espérances présidentielles d’hier et… de demain.

7-Une campagne législative aux accents mélenchonnistes

Sans tirer la moindre conséquence du résultat présidentiel la direction communicante du FN s’est lancée dans la législative en appelant les électeurs « patriotes » (ah ! la belle langue de bois !) à empêcher la « casse sociale ». Oubliant que les électeurs préfèrent l’original à la copie, Le Pen et Philippot ont fait la campagne de la France insoumise (qui avec le PC dépasse le résultat du FN avec 13,74% des voix !). Candidat dans une des meilleures circonscriptions de France, l’histrion philippotiste Franck de Lapersonne annonce qu’il est là « pour casser du facho » et « lutter contre la casse sociale ». Les électeurs l’entendent et l’éliminent dès le premier tour avec 15%… au profit du candidat de la France insoumise.

8-L’absence de campagne législative nationale

Pour la première fois de son histoire le FN n’a pas fait de campagne nationale pour les législatives. Marine Le Pen et Florian Philippot viennent soutenir leurs hommes dans le quart nord-est de la France. Au sud, Marion Maréchal assure seule le soutien des meilleurs candidats. Ailleurs, les candidats sont laissés à eux-mêmes.

9-Des candidats déracinés et sans expérience

Les candidats qui tirent le mieux leur épingle du jeu sont les plus enracinés, comme Alliot à Perpignan, Eymery à Dunkerque, Emmanuelle Ménard à Béziers, Gilbert Collard, dans le Gard, Gillet à Beaucaire, Laupies dans les Bouches-du-Rhône et les candidats du Vaucluse. Mais dans beaucoup d’endroits les meilleures investitures ont bénéficié à des parachutés, déplacés parfois de 1000 kilomètres, comme Damien Philippot (de Fréjus à Laon…) pour se trouver en ballotage très défavorable… dès le premier tour.

Des parachutés sans expérience électorale et n’ayant souvent jamais vu d’électeur de leur vie… Des parachutés faisant campagne entre eux… sur Twitter sur le thème « tu feras un adorable (sic) député patriote ». Pas grave quand on a un puissant courant derrière soi, catastrophique par vent contraire.

10-Macron est le seul qui puisse sauver le FN

Le FN va connaître une crise. Ceux qui subissent depuis des années une ligne politique qu’ils désapprouvent et les pratiques népotiques de la coterie Philippot vont hausser le ton. Ils se heurteront sans doute à Marine Le Pen dont le soutien à Florian Philippot n’a jusqu’ici jamais failli. Sans doute le choix pour les opposants sera-t-il : se soumettre ou se démettre. Bref, une « scission blanche » en perspective sur fond d’épuration et de découragement, une scission blanche qui pourrait alors permettre à Philippot d’abattre sa carte ultime : le débarquement de Marine Le Pen, avec deux arguments forts dans la manche : en finir avec un nom en lui seul diabolisant, avoir un candidat plus compétent.

Mais pour assurer l’avenir du FN, c’est encore Emmanuel Macron qui a les meilleures cartes en main : le rétablissement de la proportionnelle pourrait faire espérer des « débouchés » toujours susceptibles de calmer les ardeurs de changement. Et maintenir une structure d’autant plus utile que sa stratégie est une impasse.

Jean-Yves Le Gallou
12/06/2017

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4 réponses à “Débâcle FN : les fruits amers de la ligne Marine/Philippot”

  1. PL44 dit :

    C’est très secondaire par rapport à l’analyse pertinente de JY Le Gallou, mais c’est dans “L’affaire Tournesol” que le capitaine Haddock est aux prises avec un sparadrap et non dans “Vol 714 (et non 717) pour Sidney”.

  2. Mort de rire dit :

    JY Le Gallou a encore raison, il serait bon que MLP prenne sa retraite politique et laisse sa place à quelqu’un de plus compétent et que Phillipot dégage, non seulement ce dernier est responsable de la dérive jacobini- socialisante du FN mais en plus il agit en véritable repoussoir à électeurs tant il transpire le gauchisme.

    Il serait temps que le FN arrête avec l’obsession de l’euro ainsi qu’avec les foutaises assimilationnistes et revienne à ses fondamentaux à savoir la lutte contre le grand remplacement, l’insécurité, les idéologies progressistes ainsi que le mondialisme.

    • Jerem' dit :

      Ouvrez les yeux. L’assimilationnisme est le fondamental inamovible du FN, depuis toujours. Cela va de pair avec le combat de ce parti pour détruire les peuples blancs autochtones, surtout les Bretons. Rien ne fait plus plaisir au FN qu’un Africain fier d’être français écrasant des Bretons, qu’il soit devenu juge, avocat, professeur ou journaliste. Pourquoi croyez vous que JMLP torturait en Algérie ? Pour qu’ils ne deviennent pas tous français peut-être ? L’insulte favorite de JMLP est “sale rouquin”, et c’est une formule qu’il se délecte à employer en public pour faire marrer ses amis harkis.

  3. Nomizoé dit :

    Le Gallou a l’air de dire que le mouvement anti-remplaciste devrait essayer de recruter un peu plus à droite, et arrêter de vouloir séduire les abrutis de merluchonistes. Car en dehors des ouvriers, c’est chez les électeurs de droite que l’opposition à l’immigration et le désir de sauver la civilisation sont les plus forts.

    Mais il ne précise pas ce qu’il faut faire pour plaire aux électeurs de droite:
    – leur proposer des diminutions d’impôts ?
    – Dénoncer la propagande homosexuelle que le gouvernement organise dans les écoles?
    – Dénoncer la drogue et la prostitution ?

    Est-ce qu’il est contre l’idée d’imposer des mesures économiques protectionnistes ? C’est un des trucs qui m’avait bien plus chez Donald Trump: son refus des délocalisations.

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