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Maroc. Perquisitions massues contre le mouvement islamiste Justice et Bienfaisance

L’important mouvement islamiste Justice et Bienfaisance (Al Adl Wal Ihsane) vient de subir un nouveau coup dur de la part du gouvernement marocain treize ans après la perquisition de mai 2006 où son matériel informatique fut saisi, révélant un fichier impressionnant de membres (100 000) et sympathisants (25 000). Le mouvement revendique 200 000 membres en 2019, chiffre probablement surestimé. En février 2019, pas moins de six résidences de dirigeants du mouvement ont été perquisitionné avec mise sous scellé, endroits aménagés avec salles de réunions, estrades, centaines de chaises pour les évènements, équipements. Le mouvement a largement survécu à son fondateur Abdeslam Yassine (1928-2012) fasciné par le régime des Mollahs iraniens et façonné par la lecture de Sayyed Qutb. Ce doctrinaire illuminé croyait à une « promesse divine » de l’établissement d’un califat englobant le Maroc, supplantant le Commandeur des croyant qu’est le Roi, auquel il ne donne aucun crédit.

Le danger de l’idéologie adliste réside dans la lente maturation d’un projet deqawma-une révolution sur le modèle iranien- portée par les fidèles devant pénétrer les rouages institutionnels de l’état, et infiltrer le monde associatif, avant de la déclencher avec violence. D’ailleurs, en interne, les membres sont appelés « jounoud Allah », soit des soldats de Dieu. Dans les écrits de Yassine, « il est impératif que le groupe des moudjahidines opère un entrisme sur l’échiquier politique pour disputer le terrain aux ennemis, dans l’attente de la préparation des conditions de la vague géante » ; « dextérité, finesse et ruse » doivent être employés afin de concrétiser cette qawma. Internationaliser le jihad figure d’ailleurs en bonne place dans la littérature léguée par Abdeslam Yassine précise le journaliste Fahd Iraqi dans Jeune Afrique(n°3035), en citant le fondateur pour qui « Dieu soutiendra uniquement les fidèles armés qui combattent pour la gloire de Sa Parole ». D’ailleurs, selon des rapports sécuritaires, 200 membres du mouvement sont impliqués dans des affaires de terrorisme, ainsi que dans la cellule démantelée en mars 2018 (l’artificier en était), et plusieurs dizaines ont rejoint l’État Islamique.

Aujourd’hui, le mouvement est dirigé par la fille du fondateur, Nadia, et Mohamed Abbadi, son secrétaire général. La réaction de ce dernier aux perquisitions a été diffusée sur la webtélé du groupe : « Cette offensive ne fait que consolider nos rangs et renforce notre audience dans la perspective de la concrétisation de la promesse divine ».

La dangerosité du mouvement réside en sa masse critique et, bien que ne rentrant pas dans le jeu électoral, il se fait choyer par les dirigeants du PJD qui ont dénoncé la purge de ses membres dans la fonction publique. Aussi, le puissant Mouvement unicité et réforme (MUR, dont est issu le PJD) de tendance frériste, organise avec Justice et Bienfaisance uniftaren commun chaque année. Précisons que l’ancien président du CFCM, Anouar Kbibech, est un ancien du MUR dont il s’est éloigné pour des raisons de cohérence depuis sa carrière « républicaine » française.

Alliances tactiques et entrisme avec l’extrême gauche marocaine et française

En 2011 dans l’effervescence des Printemps arabes, le mouvement avait opté pour infiltrer le mouvement du 20 février et tenté une alliance avec des partis d’extrême gauche, mais cette deuxième initiative échoua étant donné les divergences programmatiques trop profondes. Dernièrement, le mouvement a infiltré la manifestation des enseignants contractuels, et les manifestations de Jerada fin 2017, ville frappée par la désindustrialisation qui s’est soulevée après la mort de deux ouvriers mineurs. Ce début de révolte populaire fut réprimé sévèrement avec plusieurs arrestations, la tension était à son comble avec la police, et le ministre de l’Intérieur avait insinué la présence d’éléments adlistes.

Le mouvement a totalement noyauté le plus grand syndicat étudiant : l’Union nationale des étudiants du Maroc(UNEM) qui était à l’origine un mouvement de gauche proche de l’Union socialiste des forces populaires puis des mouvements Marxistes Léninistes comme Ila Al Amame et 3 mars.

En France, le mouvement est incarné par l’association Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM) et une de ses membres les plus actives, Ismahane Chouder , lance des passerelles avec les mouvements marxistes. En mars 2015, Ismahane Chouder représente PSM à la Bourse du Travail de Saint-Denis à une conférence « contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire », au côté du Parti Communiste Français, du NPA, des Frères musulmans de l’UOIF.

Le mouvement féministe progressiste est aussi investi même si la convergence idéologique est loin de couler de source. En 2006, le Maroc réussit à empêcher la participation de Nadia Yassine à une conférence de l’UNESCO, à Paris, sur le féminisme musulman. Chouder a elle pris les devants en montant des structures, et devient coprésidente du Collectif Féministes Pour l’Égalité (CFPE), secrétaire générale de la Commission Islam et Laïcité, membre du collectif Une école pour tou-te-s (SIC), membre fondatrice du collectif Mamans Toutes Égales (MTE).

Le site de veille sur les Frères MusulmansIkwanInfo relève le rôle nocif du mouvement dans l’hexagone : «  L’association a cependant fait parler d’elle, dans quelques faits divers, comme cette arrestation, à Lunel, d’un recruteur de djihadistes pour la Syrie et l’Irak. Jawad Salih, recruteur local d’Al Adl Wal Ihsane dispensait des cours tous les vendredis dans le cadre de l’association PSM. Il milite pour un califat et dit rejeter la violence. Plus de vingt jeunes, élèves de ses cours, partironpourtant en Syrie et Irak, sept mourront, cinq seront interpellés par le Raid, fin janvier 2015[1] ».

Une source sécuritaire cité par Jeune Afrique prévient : « Ses mécanismes de conquête outre-mer ne diffèrent nullement de sa stratégie d’action au Maroc. Les structures européennes de la Jamaa ont arrêté en 2018 un plan d’action sur dix ans pour aboutir au concept d’« État dans l’État », en infiltrant les partis politiques émergents, comme Podemos en Espagne. »

Espagne, pays où le mouvement a le mieux réussi son entrisme, la Commission islamique d’Espagne, équivalent du CFCM, est dirigée par un proche, Mounir Benjelloun. La diaspora marocaine d’Andalousie est largement acquise aux associations adlistes comme la FEERI et participe aux activités de ses associations satellites œuvrant dans le social.

[1]Al Adl Wal Ihsaneet ses relayeurs français, Ikwan Info du 30 décembre 2015.

Via Observatoire de l’islamisation

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine 

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