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Congo Hold-Up. La plus grande fuite de données de l’histoire de l’Afrique révèle des millions de dollars planqués dans l’immobilier à Washington

« Un empire détourné: Des millions de dollars planqués dans l’immobilier international par le frère de Kabila », publié dans un premier temps en anglais dans le cadre de la série d’enquêtes du consortium international Congo Hold-up en novembre 2021, est désormais disponible dans une version intégrale en français. Le rapport a mis au jour un empire immobilier secret acheté avec de l’argent sale lié à l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC).

De nombreux indicateurs de risque de corruption, de blanchiment d’argent et d’autres crimes financiers ont étés ignorés pendant que des millions de dollars liés à l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC) suivaient un véritable labyrinthe de transactions commerciales, avant d’être planqués dans des quartiers résidentiels tranquilles entourant la capitale américaine de Washington, selon un nouveau rapport d’enquête publié par The Sentry, « Un empire détourné ».

Ces révélations sont publiées par The Sentry dans le cadre de la première vague de « Congo Hold-up », une série de rapports d’enquête produite par un consortium international de médias et d’organisations à but non lucratif. Les millions de opérations bancaires divulguées—obtenues par la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) et le groupe de presse français Mediapart, avant d’être partagées avec The Sentry et les autres partenaires du consortium par la PPLAAF et le réseau d’enquête European Investigative Collaborations (EIC)—représentent la plus grande fuite de données confidentielles de l’histoire de l’Afrique.

Michelle Kendler-Kretsch, enquêtrice chez The Sentry, déclare : « La fuite de Congo Hold-up est la plus flagrante indication à ce jour des outils puissants dont la famille Kabila disposait pour détourner des fonds publics, y compris une banque et un labyrinthe d’entreprises, toutes sous leur contrôle. La manière dont le frère de l’ancien président a acheté des millions de dollars de biens immobiliers aux États-Unis et en Afrique du Sud, il semblerait en partie à l’aide de fonds détournés du gouvernement congolais, n’est qu’un exemple des nombreux scandales enfin mis en lumière grâce à l’énorme trésor que représente cette fuite de relevés bancaires, de mails, de contrats, de factures et de dossiers d’entreprise. Ce niveau de détail fournit une vision inégalée du dispositif auparavant secret déployé pour piller les fonds publics congolais. »

John Prendergast, cofondateur chez The Sentry, déclare : « Le monde a rarement eu une vision aussi claire et complète des manières dont un État peut être capturé—les vols d’argent public, les accords en coulisses et les sociétés écrans, ainsi que chaque occasion manquée de mettre fin à cette chaîne de transactions illicites. Avec l’abondance de preuves contenues dans la fuite de Congo Hold-up, les protagonistes corrompus, leurs complices et les facilitateurs internationaux devraient être traduits en justice sans délai. »

Pendant une période d’instabilité politique, Francis Selemani, le frère de l’ancien président de la RDC Joseph Kabila, a progressivement canalisé des sommes de plus en plus importantes dans des investissements immobiliers à l’étranger, en particulier aux États-Unis. L’enquête publiée par The Sentry montre comment la famille Kabila et ses alliés ont pu accéder à une institution financière pour blanchir le produit de la corruption parce que M. Selemani était à la tête de la direction de la BGFIBank RDC pendant neuf ans. Le contrôle bancaire auprès de la BGFIBank RDC était très faible, comme l’a révélé l’audit interne de la banque, permettant ainsi à la famille Kabila de faire circuler des fonds de manière clandestine dans l’ensemble de son réseau commercial.

Justyna Gudzowska, Directrice de la stratégie sur le financement illicite chez The Sentry, déclare : « Lorsque le frère d’un dirigeant notoirement corrompu peut blanchir des millions de dollars dans l’immobilier à deux pas de la capitale des États-Unis, il est grand temps de combler les lacunes qui permettent à ce type d’activité de prospérer. Le secteur immobilier a été bien trop disposé à fermer les yeux sur l’argent sale volé dans les pays les plus pauvres du monde, et l’exemption pour les professionnels de l’immobilier dans le cadre américain de lutte contre le blanchiment d’argent devrait être révoquée sans délai. »

J.R. Mailey, Directeur des enquêtes chez The Sentry, déclare : « La fuite de Congo Hold-up est une trace écrite de 3,5 millions de documents qui mènent tous à la même conclusion : les banques sont les artères de la kleptocratie. Elles fournissent un lieu sûr où garder les biens publics pillés, un vecteur pour payer et recevoir des pots-de-vin, un voile pour déguiser l’origine et la destination des fonds illicites, ainsi qu’un véhicule pour cacher de l’argent dans l’immobilier à l’international. Les enquêtes publiées dans le cadre de ce consortium indiquent comment l’un des pays les plus pauvres au monde a été saigné, perdant ainsi une somme faramineuse—mais elles fournissent également aux gouvernements, aux services des forces de l’ordre et aux institutions financières les preuves dont elles ont besoin pour prendre des mesures concrètes. Les conclusions de ces enquêtes devraient déclencher des poursuites, des sanctions, des saisies d’actifs, de lourdes amendes et une réorganisation des cadres de lutte contre le blanchiment d’argent de plusieurs pays. »

Aux États-Unis, la gamme complète des exigences de lutte contre le blanchiment d’argent ne concerne que certains des professionnels impliqués dans une transaction immobilière. Les professionnels de l’immobilier sont en mesure de fournir des renseignements financiers précieux sur certaines motivations illicites potentielles, mais ils sont soumis à des exigences déclaratives gouvernementales plus faibles que les institutions financières.

Extraits du rapport publié par The Sentry :

  • Bien que le dernier mandat du président Joseph Kabila en tant que chef d’État de la République démocratique du Congo (RDC) devait s’achever en décembre 2016, il s’accrocha au pouvoir et retarda les élections pendant deux années supplémentaires. Tandis que l’attention de nombreux observateurs était focalisée sur les tactiques dilatoires visant à repousser les élections à Kinshasa, le frère de M. Kabila, Francis Selemani a acheté de nombreuses résidences de luxe aux États-Unis et en Afrique du Sud, il semblerait en utilisant au moins en partie des fonds détournés du gouvernement congolais.
  • Dans le même temps, M. Selemani était le directeur général de la BGFIBank RDC, la filiale congolaise du Groupe BGFIBank basé au Gabon.
  • M. Selemani et la famille Kabila ont utilisé un réseau de sociétés et la banque qu’ils contrôlaient pour détourner des fonds publics afin de transférer des millions de dollars hors du pays pour y acheter de l’immobilier.
  • Ayant acheté son immobilier comptant, M. Selemani a pu contourner le devoir de vigilance de norme pour les prêts immobiliers qui aurait sinon pu soulever des questions sur l’origine de sa fortune.
  • M. Selemani et la famille Kabila ont transféré des sommes importantes en toute impunité par le biais de la BGFIBank RDC. Selon un audit interne de la BGFIBank RDC, les transactions les plus préoccupantes comprennent des transferts de plusieurs millions de dollars impliquant une société obscure dénommée Sud Oil.
  • La fuite de Congo Hold-up contient des archives bancaires qui révèlent qu’entre 2015 et 2018, Sud Oil a transféré plus de 12 millions de dollars à des comptes et à des sociétés appartenant à M. Selemani ou qu’il contrôle.
  • Des enquêtes menées par The Sentry, le Groupe d’étude sur le Congo et d’autres membres du consortium Congo Hold-up démontrent que Sud Oil a reçu au moins 85 millions de dollars de fonds provenant d’une gamme d’institutions gouvernementales congolaises, y compris la Banque centrale du Congo, la mission permanente de la RDC aux Nations Unies à New York, l’entreprise publique congolaise Gécamines et la commission électorale nationale indépendante (Céni).
  • M. Selemani a acheté 17 propriétés pour un montant total s’élevant à 6,6 millions de dollars dans les banlieues aisées de Washington aux États-Unis et de Johannesbourg en Afrique du Sud.
  • The Sentry a identifié une série d’irrégularités, de fausses représentations et d’incohérences indicatrices d’un risque de blanchiment d’argent et d’autres crimes financiers dans les transactions liées aux comptes bancaires détenus par M. Selemani et ses sociétés. Les fonds reçus des institutions publiques manquaient de justification et les sources de financement de certains transferts étaient faussées.
  • M. Selemani et ses sociétés ont touché un montant total s’élevant à près de 3 millions de dollars dans des comptes bancaires aux États-Unis et en Afrique du Sud. Les libellés de compte accompagnant les virements contenaient des informations apparemment fausses.
  • M. Selemani utilisait des structures d’entreprise qui obscurcissaient son identité en tant que propriétaire pour 16 des 17 acquisitions immobilières découvertes par The Sentry. À l’origine, M. Selemani avait acquis neuf propriétés à son nom, mais il en a ensuite transféré la propriété à une société commerciale et à des fiducies sous son contrôle, y compris en les vendant à sa propre société selon une série d’opérations indicatrices d’un risque de blanchiment d’argent par le biais de l’immobilier.

Recommandations principales des émetteurs du rapport :

  • Lancer une enquête sur ces acquisitions immobilières. Les autorités aux États-Unis et en Afrique du Sud devraient enquêter sur la source des fonds utilisés par M. Selemani et sa famille pour acquérir des propriétés dans leurs pays respectifs. S’il y a lieu, les autorités devraient avoir recours à des mécanismes juridiques pour confisquer et saisir les propriétés achetées avec le produit de la corruption ou par d’autres moyens illicites.
  • Mener une enquête interne approfondie. Toute institution financière ayant entretenu une correspondance bancaire avec la BGFIBank RDC ou ayant traité des transactions impliquant la banque devrait mener une enquête interne approfondie pour déterminer si elle a enfreint la loi ou des politiques internes. L’enquête devrait inclure un examen des mesures de contrôle internes de l’institution financière en matière de conformité avec le cadre de lutte contre le blanchiment d’argent (Anti-Money Laundering – AML) et la corruption. Des mesures correctives devraient être appliquées immédiatement.
  • S’assurer que les secteurs immobiliers des États-Unis et de l’Afrique du Sud respectent le devoir de vigilance du Groupe d’action financière (GAFI) à l’égard de la clientèle. Le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN) du département du Trésor des États-Unis devrait exiger que les agents immobiliers et d’autres professionnels impliqués dans les transactions immobilières, tels que les avocats, mettent en œuvre des programmes anti-blanchiment d’argent, déclarent les activités suspectes et se conforment aux autres exigences concernant la tenue de registres et de déclarations, y compris l’identification des informations de propriété effective et la source des fonds. Le Centre de renseignement financier (Financial Intelligence Centre, ou FIC) de l’Afrique du Sud devrait mettre en œuvre vigoureusement les ajouts à la loi portant création du Centre de renseignement financier (Financial Intelligence Centre Act, ou FICA) qui appliquent ces exigences. Le FinCEN et le FIC devraient fournir une formation et réaliser des audits pour assurer le respect des normes établies.
  • Diffuser un avis public sur les risques de blanchiment d’argent dans le secteur de l’immobilier. Le FinCEN devrait diffuser un avis public mis à jour destiné aux institutions financières américaines pour les avertir des risques liés au blanchiment d’argent par le biais de l’immobilier, y compris l’implication de membres de la famille des personnes politiquement exposées (PPE) mentionnées dans ce rapport. Le FinCEN devrait également élargir et établir de manière permanente la campagne de ciblage géographique (Geographic Targeting Order, ou GTO) afin qu’il concerne toutes les acquisitions immobilières à travers les États-Unis.

Consulter la plate-forme de la coalition Congo Hold-up : https://congoholdup.com

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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2 réponses à “Congo Hold-Up. La plus grande fuite de données de l’histoire de l’Afrique révèle des millions de dollars planqués dans l’immobilier à Washington”

  1. patphil dit :

    chut ! ils le font tous dans tous les pays d’afrique mais les gens ne s’en doutent pas, les gouvernements continuent à leur verser des sous avec nos impots

  2. Erilou18000 dit :

    Bof… En France il y a 100 milliards par an de fraude sociale et fiscale, et ça fait des années que ça dure… Alors à qui profitent ces gigantesques pompes à fric ? Les Africains ne font qu’imiter les dirigeants français et leurs partis politiques, tous corrompus, qui ont mis l’argent du contribuable en coupe réglée en se vautrant dedans sans vergogne et avec delectation, n’hésitant pas à augmenter sans cesse les impôts pour leur propre profit, tandis que tous les secteurs régaliens de l’état de dégradent comme dans une république bannière.

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