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Erik Orsenna était très mal placé pour critiquer Vincent Bolloré

Vincent Bolloré veut devenir un « grand » dans le monde de l’édition. Il pourrait également devenir un « grand » dans le secteur des batteries. Sa force de frappe financière le permet

Il y a deux manières de « s’instruire » à propos de Vincent Bolloré. La première, consiste à lire la biographie – «  Vincent Bolloré, une histoire de famille » – écrite par Jean Bothorel (Jean Picollec, avril 2008). La seconde veut que l’on se reporte à l’ouvrage de Erik Orsenna – « Histoire  d’un ogre » (Gallimard, février 2023). On peut reprocher à Bothorel de ne pas avoir cherché à en savoir davantage – il s’est fendu de ce qu’il est convenu d’appeler une « biographie autorisée » qui se termine en 2007. Mais c’est l’occasion de savoir comment la famille Bolloré a démarré dans les affaires à Ergué-Gabéric (près de Quimper) en 1820. Et le succès vient avec le papier OCB (Odet, Cascadec, Bolloré) qui sert à rouler les cigarettes. Puis avec les films plastique pour condensateurs.

Avec Orsenna, la tonalité est différente. Nous avons affaire à un conte : « soit 176 pages sur le magnat de Vivendi qu’il ne nomme jamais ; de l’enfance sur les rives de l’Odet où a prospéré la papeterie familiale à la maturité vorace décidée à peser sur la presse et l’édition, avec,son OPA sur Lagardère, détenteur des joyaux de Hachette (Grasset, Fayard, Stock…), ainsi qu’Europe 1, Paris Match, le JDD. Le récit, gorgé de petites leçons d’économie et d’anecdotes jouant avec le réel, est savoureux » (Libération, vendredi 3 mars 2023). « Et pourquoi Bolloré, plus qu’un autre Gargantua moderne, Arnault, Pinault, Niel ? », demande la journaliste Sophie des Déserts. Réponse d’Orsenna : « Parce que les autres n’ont pas de projet idéologique, qu’ils n’ont pas fabriqué Zemmour et Hanouna… ». Ce qui est tout à fait discutable si on considère l’interventionnisme de Bernard Arnault dans les deux quotidiens dont il est le propriétaire : Les Echos et Le Parisien. Lors des assemblées générales des journalistes du Parisien tenues début avril, certains « ont dénoncé la « dérive partisane de la ligne éditoriale » en faveur de l’exécutif depuis le début de la réforme des retraites. Certains, au sein de la rédaction y ont vu la main de Bernard Arnault derrière cette inflexion » (Le Monde, mercredi 10 mai 2023)

Orsenna est habitué à cirer les pompes des puissants

Mais il faut croire que Erik Orsenna a la mémoire courte. Car, avant de publier son conte au vitriol contre Bolloré, Orsenna était un fervent admirateur du milliardaire. C’est ce qui apparaît lorsque l’on se reporte à la « charte des valeurs du groupe Bolloré », document qui comprend un long texte rédigé en 2009 par le même Orsenna et intitulé « Le temps ne ment pas ». « Il y encensait « un groupe qui a traversé deux siècles et trois guerres », dont les « secrets » sont « la fidélité et la volonté d’entreprendre », le souci de « participer au progrès commun », sans oublier « une évidence : le respect, partout et toujours, des lois en vigueur ». Orsenna louait d’autres qualités bien connues de l’empire Bolloré : sa « remise en cause permanente », sa « haute attention prêtée aux hommes et aux métiers », sa « fierté [comme] mère de l’énergie », ou encore sa « reconnaissance de la Nature comme premier partenaire ». Il glissait cette citation finale magistrale : « Les gens de mer savent qu’un navire n’est que ce que fait l’équipage. » (Le Canard enchaîné, 22 février 2023). Plus courtisan – rémunéré – que Erik Orsenna, c’est dur à trouver ! Il avait déjà montré ses talents en la matière à l’époque Mitterrand. Bien entendu, avec Macron, c’est rebelote : « J’étais l’un des membres de la commission Attali. Macron était un très jeune homme, très ouvert, à la fois bienveillant, enthousiaste et écoutant. Et gourmand des gens. Une sympathie est née. […] S i je peux avoir un rôle utile, ce serait d’être le reporter de la colère. Il faut qu’il réussisse. » (L’Obs, 1er juin 2017)

Officiellement, Vincent Bolloré a pris sa retraite en 2022, ses 70 ans coïncidant avec les 200 ans du groupe familial. « Le 17 février 2022, à Ergué-Gabéric [près de Quimper], il a fêté cet anniversaire, en costume traditionnel glazic, avant la messe à Notre-Dame de Kerdévot. Il a réparti les postes entre ses héritiers : Yannick à Vivendi, donc ; Cyrille à la tête du groupe Bolloré ; l’aîné Sébastien à la direction générale déléguée de la Compagnie de l’Odet, qui abrite la holding familiale ; et Marie à la présidence de la Fondation de la deuxième chance (…) Vincent Bolloré s’est, en fait, réfugié au sommet de la pyramide, comme PDG de la Compagnie de l’Odet, qui contrôle tout… » (L’Obs, 13 avril 2023). Cette dernière possède les deux tiers du capital et les trois quarts des droits de vote du groupe Bolloré.

Europe 1, Paris Match, Le Journal du dimanche…

Un grand chambardement est en cours qui ressemble fort à un recentrage dans les médias et l’édition. Pour ce faire, des fonds sont nécessaires. C’est ce qui peut expliquer la vente d’Africa Logistics, fin 2022, au géant italo-suisse MSC (5,7 milliards d’euros) et de Bolloré Logistics à l’armateur marseillais CMA-CGM (5 milliards d’euros). Tout le monde sait que « le pilier médias du groupe redouble d’ambitions. Vivendi est en passe de prendre le conrôle du groupe Lagardère, dont les trois activités (Hachette Livre, Lagardère news et Travel retail) ont réalisé l’an passé 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le groupe espère obtenir l’aval de la Commission européenne en juin. » (Le Figaro Economie, mardi 9 mai 2023). Mais, pour réussir cette opération, le groupe devra se délester d’Editis (53 maisons d’édition, dont Julliard, Robert Laffont, Plon, Le Robert, Nathan, Pocket, etc.) ; en effet les autorités européennes de la concurrence refusent que les deux groupes d’édition Editis et Hachette Livre (Grasset, Fayard, Stock, Calmann-Lévy…) soient contrôlés par un unique propriétaire. Des négociations exclusives sont déjà engagées avec le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky qui est intéressé par Editis. Ce dernier est déjà propriétaire des magazines Elle, Marianne, Franc-Tireur, Télé 7 jours… Il est également coactionnaire du Monde, il possède 8 % de TF 1 et a récemment renfloué à Libération à hauteur de 15 millions d’euros.

Dans l’usine d’Ergué-Gabéric, il y a une vingtaine d’années, Bolloré s’est lancé dans la fabrication de batteries qui équipent des bus de la RATP et de Mercedes. « En septembre, Bolloré a annoncé qu’il allait encore investir 145 millions en recherche et développement jusqu’en 2026 pour devenir le « leader mondial » de la batterie solide. A la fin de novembre, il a passé des accords avec le CNRS et des labos universitaires à Nantes et à Grenoble. Dans trois ans, selon les résultats présentés par les chercheurs, il décidera ou pas d’investir dans une méga-usine de batteries. Pour cette mise de fonds de 4 à 6 milliards d’euros, il cherche des partenaires » (Le Canard enchaîné, 15 février 2023). Il paraît que le groupe a investi 3 milliards d’euros en vingt ans dans cette opération. Une méga-usine de batteries en Bretagne, pas forcément à Ergué-Gabéric, avec des emplois à la clé (ingénieurs et ouvriers), serait la bienvenue. La Bretagne manque en effet de grandes entreprises sur son sol. On connaît Airbus (Nantes et Saint-Nazaire), les Chantiers de l’Atlantique (Saint-Nazaire), Stellantis (Chartres-de-Bretagne), Yves Rocher (La Gacilly)… Près de Quimper, le groupe Bolloré employait 870 collaborateurs en septembre 2019 ; il y a moyen de faire mieux. D’autant plus qu’après la vente de Africa Logistics et de Bolloré Logistics, le PDG de la Compagnie de l’Odet dispose d’un important trésor de guerre.

Bernard Morvan

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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9 réponses à “Erik Orsenna était très mal placé pour critiquer Vincent Bolloré”

  1. Pschitt dit :

    Bravo pour cet article honnête et factuel. Orsenna ne sort pas grandi de cet épisode.

  2. Maury dit :

    Oui, mais quel est le projet idéologique de mr Bollore ?
    L’argent ou autre chose ?

    • Anne Gestin dit :

      Pour moi, comme M. Bollore a déjà la fortune, il défend tout simplement le projet d’une France chrétienne qui ne renie pas sa culture….

    • Kleber dit :

      Son projet est de protéger la culture et redresser la France qui décline au fil des Présidents incompétents mais bénéficiaires d’une propagande avant élections qui les fait élire par rejet des autres candidats. La France mérite mieux que Hollande puis Macron vendus par les médias aux électeurs majoritairement désinformés ou ceux lassés d’être manipulés qui vont vers l’abstention.

  3. Malhiaire Sannac dit :

    Il est de bon ton pour certains donneurs de leçons d avoir des cibles sélectives. Untel est un salaud, mais pas untel…..c est tellement malhonnête comme démarche. Un industriel qui crée des emplois a pour moi tout mon respect qu’il s’appelle Bolloré ou pas.

  4. robert chiantaretto dit :

    Orsenna est pourri regardons un peu son passé pour en être convaincu il retourne chaque fois qu’il peut ….comme Mitterand quoi!

  5. Allard dit :

    Mr Bolloré n’a qu’un seul tort c’est d’être catholique affirmé et de droite.En France si l’on ne pense pas comme la gauche on est taxé d’être d’extrême droite (et ce avec le soutien des macronistes).Laissez donc Mr Bolloré tranquille.Il crée des milliers d’emplois et est un homme honnête ,ce qui est rare aujourd’hui.Ne cédons pas à la dictature de Mr Mélenchon et de ses alliés.

  6. Anne Gestin dit :

    Pour l’avoir rencontré à plusieurs reprises, Orsenna est un imposteur prêt à tout pour quelques billets…. Honte à ce laquais du socialisme, donneur de leçons qui vend régulièrement son âme pour paraître.

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