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L’irrésistible montée des BRICS

Il y a un peu plus d’un an, à l’issue du sommet des BRICS d’août 2023, le journal Le Monde diplomatique publiait un article qui résumait assez bien la situation du dollar, et, au travers de cette monnaie, l’évolution du rapport de forces entre les Etats-Unis, puissance hégémonique depuis 1945 et un ensemble de pays qui estimaient ne plus avoir à subir cette hégémonie.

L’état des lieux

Dans cet article intitulé « Est-ce vraiment la fin du dollar? » , Renaud Lambert et Dominique Plihon se demandaient s’il suffisait de  décréter la fin du dollar pour la voir se réaliser.

Un rapide retour aux origines du rôle du dollar peut permettre de clarifier un peu les choses. Durant des siècles, les monnaies avaient une valeur « intrinsèque » et le cas le plus répandu était celui de l’or qui, en tant que métal rare avec des propriétés physiques particulières, garantissait une grande stabilité de valeur.

Il était très difficile à contrefaire car facilement identifiable et sa grande valeur sous un faible volume rendait son utilisation commode pour les échanges. Encore fallait-il que l’émetteur d’une monnaie basée sur l’or en possède suffisamment pour permettre la circulation d’une quantité  suffisante, notamment pour satisfaire les besoins de l’industrie et du commerce.

Pour imposer le dollar comme monnaie internationale en 1944 lors des « accords de Bretton-Woods », la parité or-dollar était un argument majeur. D’autant plus qu’en 1933, l’administration Roosevelt du « New Deal » avait interdit aux Américains de posséder de l’or « physique » (hormis les bijoux) et la FED avait racheté cet or au prix de 20$ l’once. Depuis, le secret du montant des réserves d’or de Fort Knox a été jalousement gardé. Personne (ou presque) ne pouvait établir une corrélation entre la quantité de dollars en circulation et la quantité d’or en réserve. Il fallait donc faire une confiance absolue. On retiendra cette phrase de de Gaulle en 1965, parlant des Etats-Unis qui « s’endettent gratuitement en payant leurs dettes, en partie, avec des dollars qu’il ne tient qu’à eux d’émettre et non pas avec de l’or qui a une valeur réelle, qu’on ne possède que pour l’avoir gagné »

Ce propos résume parfaitement les raisons qui ont conduit un certain nombre de pays à réfléchir à la façon dont ils pourraient s’affranchir du dollar. De Gaulle avait poussé son raisonnement jusqu’à mettre les Etats-Unis en demeure d’échanger les dollars en papier qui s ‘accumulaient dans les coffres de la Banque de France contre des lingots d’or. Entre 1962 et 1966, on estime à environ 900 tonnes l’or ainsi rapatrié en France. Conscient du danger d’une éventuelle contagion venant des émules de la France, les Américains ont, dans un premier temps, tenter de les dissuader avant de mettre un terme à la convertibilité en or du dollar en août 1971.

Logiquement, cette décorrélation aurait du remettre en question les accords de Bretton Woods.

Le piège de la finance se referme alors sur le monde

Comme le soulignent les auteurs de l’article, « Le système retrouve alors un potentiel de déstabilisation inédit depuis la seconde guerre mondiale, souligne un haut fonctionnaire du ministère de l’économie russe qui a accepté d’échanger avec nous sous couvert d’anonymat. Et il le fait dans un contexte où la “devise-clé” demeure une monnaie nationale, pilotée en fonction d’objectifs nationaux. » « Le dollar est notre monnaie, mais votre problème », aurait ainsi rétorqué le secrétaire au Trésor John Connally aux diplomates européens alarmés par la décision du président Nixon, en 1971 ».

Libérée de ce carcan, la finance mondialiste qui contrôlait le dollar a pu passer à la vitesse supérieure en émettant les « pétrodollars » à partir de 1973 et le premier choc pétrolier. Il s’en suivit plusieurs décennies durant lesquelles la monnaie américaine pouvait être émise quasiment sans limite, en fonction du prix du baril de pétrole. La double nature du dollar a permis aux Américains de ne jamais subir les effets d’un endettement pourtant colossal, ces dettes étant, de fait, payées par les autres pays grâce au commerce du pétrole. Pour que ce système perdure, les Etats-Unis devaient conserver leur hégémonie mondiale et la finance internationale se trouvait  dans l’obligation de mettre en place un gouvernement mondial pour assurer la pérennité de ses intérêts. Le monde « monopolaire » devenait une nécessité.

Naissance du monde « multipolaire »

Conscients qu’un seul pays, quel qu’il soit, ne disposait pas de la puissance nécessaire pour s’opposer au système financiaro-mondialiste, une stratégie à commencer à germer dans certains esprits.

La « mondialisation heureuse » ayant transféré la production des richesses industrielles vers des pays dans lesquels les coûts de main-d’œuvre étaient plus faibles, il en résulterait un développement économique important de ces derniers. Après avoir analysé les processus d’acheminement des marchandises et des ressources, un plan se fit jour, qui consistait non pas à globaliser le monde, mais au contraire à le fractionner en un certain nombre de pôles. Reprenant la théorie du géographe anglais John Mackinder sur le bloc continental qu’il appelait « l’ile du monde » qui avait jusqu’alors permis l’établissement des puissances maritimes successives, ils se convaincquirent de la nécessité de développer les échanges à l’intérieur des continents de façon à ne plus dépendre du transport maritime.

Dans ce but, il fallait mettre en place d’autres moyens de transports terrestres. Ces quinze dernières années ont vu éclore ces grandes infrastructures infra-continentales, sous forme de gazoducs, d’oléoducs et de voies ferrées rapides. Simultanément, les premiers regroupements de pays tels que les BRICS ou l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) se mirent en place dès le début des années 2000.

Le succès des BRICS , que les Occidentaux ont préféré ignorer, est principalement dû au fait qu’ils apportent une alternative à l’hégémonie du dollar dans les échanges commerciaux. Pouvoir payer dans une autre monnaie conduit mécaniquement à une utilisation moindre du dollar. Cela ne peut que se traduire par une baisse d’émission du dollar. Ceci est extrêmement important si on se rappelle qu’au départ, le dollar est la monnaie domestique américaine et qu’il est uniquement émis à partir des « US bonds » qui sont de la dette publique américaine. Les BRICS ont compris que c’était le point faible du SMI (Système Monétaire International)

La réunion de Kazan d’octobre 2024 a démontré l’importance planétaire prise par les BRICS+. Désormais, ces pays représentent environ 50% de la population mondiale, contre moins de 10% pour l’Occident élargi au G7. Sur le plan économique, cela se traduit par un PIB (pondéré en pouvoir d’achat) des BRICS+ nettement supérieur à celui de l’Occident et les tendances lourdes montrent que l’écart va se creuser de plus en plus. Car si les Etats-Unis ont encore une certaine croissance, le reste de l’Occident, et notamment l’Union Européenne, montre les premiers signes d’une récession en partie due aux sanctions dirigées contre la Russie qui se sont traduites par un renchérissement considérable du coût de l’énergie. Or, ce paramètre est essentiel pour le secteur industriel car il influe directement sur la compétitivité des entreprises. Vue par certains comme une démarche anti-occident, les objectifs des BRICS+ doivent être plus nuancés. Il ne s’agit pas, d’après Vladimir Poutine, de détruire l’Occident, mais de mettre un terme à sa domination sur la planète. Un des premiers objectifs déclarés est de diminuer la part du dollar, symbole de l’hégémonie occidentale, dans les transactions internationales. Cela va se faire en deux temps: d’abord les échanges internes aux BRICS+ vont généraliser l’emploi de leurs propres monnaies et, à terme, une nouvelle monnaie commune aux BRICS sera créée et aura une valeur intrinsèque (or et matières premières)

Les perspectives de développement de ces échanges ne sont pas de bon augure pour le dollar, qui risque de voir son utilisation de plus en plus réduite.

Quelles perspectives ?

L’idée d’un monde multipolaire semble faire de plus en plus d’adeptes. Les continents en seront les pivots naturels et les souverainetés nationales seront vraisemblablement conservées. C’est un des points d’opposition majeurs entre le monde « monopolaire » qui veut faire disparaître ces souverainetés nationales de façon à pouvoir installer un pouvoir mondial et le monde « multipolaire » qui entend les conserver. Ces deux visions du monde sont exclusives l’une de l’autre

et il apparaît aujourd’hui que ce monde multipolaire correspond à une demande d’une majorité très importante de la population terrestre. Nous sommes en train de vivre un véritable bouleversement de la géopolitique mondiale et nous ne pouvons que regretter que la France ne prenne pas sa part dans ce concert des nations alors que tout, jusqu’à un passé récent, la prédisposait à y jouer un rôle important.

Jean Goychman

Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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7 réponses à “L’irrésistible montée des BRICS”

  1. Laurent Spada dit :

    Et oui, la France a joué sur le mauvais cheval en soutenant l’Ukraine ultra-corrompue. Ca va faire tomber la France dans la pauvreté généralisée. Sans énergie (gaz, pétrole), sans matière premières, la France est condamnée à faire un bond….en arrière considérable ! Avec en plus une montagne de dettes et une immigration massive imposée par Bruxelles ou clandestine. bonjour les dégâts ! Il faut remercier nos vaillants responsables politiques toujours prompts à prendre les bonnes décisions comme Nicolas Sarkozy qui en 2004 vendait plus de 500 tonnes de l’or de la Banque de France, au prix de 420 $ l’once….Or qui vaut aujourd’hui 2740 $ l’once ! Un sacré visionnaire qui, comme ses disciples fossoyeurs, a mis la France dans la mouise ! Et il pavane encore, le bougre, pendant qu’une majorité de français n’arrivent même plus (ou à peine) à joindre les deux bouts !

  2. Christine dit :

    Un peu spécieux quand même : 36% du PIB mondial pour 50% de la population (BRICS) ça ne rend pas les 50% de population en question plus riches et avantagées que 30% du PIB mondial pour 10% de la population (G7). Quant à l’avenir, avec un croissance mondiale très en berne depuis une quinzaine d’années, y compris en Chine qui a du mal malgré de nombreuses mesures économiques à relancer la machine, et vu que la population mondiale de miséreux va encore bien augmenter dans les prochaines décennies ça ne laisse pas forcément augurer d’un enrichissement mondial phénoménal, enfin il me semble.

  3. Gaï de Ropraz dit :

    Je suis totalement en osmose avec Laurent Spada qui a tout -et bien- dit.
    Et totalement d’accord avec lui concernant le cancre politique (Pour ne pas dire aut’choz) Nicolas Sarkozy, un empafré sans la moindre vision politique.

  4. Jean Goychman dit :

    Chère Christine, au delà des chiffres, ce qui est important est de savoir à quoi correspond le PIB américain. depuis des années, la croissance US se fait sur la dette, dette qui est réexportée ensuite vers les autres pays du monde qui utilisent le dollar.On cite souvent le budget militaire américain qui est certes conséquent, mais que le « complexe militaro industriel » se vote à lui même. C’est très commode pour eux car le Trésor créée de la dette pour le financer et le complexe s’enrichit avec une politique de prix très généreuse sur les produits qu’il vend à l’armée américaine.
    La dédollarisation va remettre les choses en ordre…

  5. mouchet dit :

    Excellent article économique financier de Jean Goychman sur l’avènement du dollar et sa fin de suprématie que nous vivons en direct. Bien sûr l’économie nationale des PME artisans sociétés moyennes vivent du commerce interne et local de la France comme en Europe. Mais dès que vous importer les matières premières et dès que vous élargissez votre commerce à l’international, vous vous heurter à la concurrence de la productivité, des prix et surtout des monnaies euro dollar yuan roubles et roupies donc toute l’Asie. Les BRICS des grands pays producteurs ont décidé d’échanger dans leur monnaie réciproques et faire de la compensation. Ceci sur la base de la dédollarisation, la fin des petrodollars et le contournement du dollars. Donc la diminution de la masse monétaire du dollars qui permettait aux USA d’avoir une immense réserve monétaire virtuelle ou pas. Donc de vivre grand train de vie sur la différence de change avec l’étalon dollars une sorte de holdup permanent puisque les cotations de monnaies et matières premières se référencent au dollars monnaie toxique de guerre an cas de refus du système. On a tous connu les changes des monnaies européennes et la joie des tradeurs spéculant à tout va. L’Euro a été fait en partie pour cela avec l’autorisation hypocrite des USA.
    La Russie par exemple au lendemain de l’ex URSS, avec des réserves énergétiques colossales exploitées qu’à 40% des ressources connues, a constaté qu’être payée en dollars subventionné par les dettes des USA était une pure arnaque. Alors que la Russie elle même souscrivait, comme beaucoup d’autres pays dont la Chine, la France avec 320,milliards de dettes irremboursables des USA sur les bras, aux dettes globales des USA, en alimentant en fait un système De Ponzi une super arnaque monétaire de monnaie de cavalerie. L’épilogue est maintenant aujourd’hui une monstre inflation dû au dollars sur virtuellement imprimé avec des dettes de 46’000 à 52’000 milliards. Plus des hors bilans d’engagements et de sur crédits aux entreprises 3 fois plus. Le monthly report adressé à la FED par toutes les banques américaines mentionne bien les milliers de milliards de ces hors bilans bancaires. Nous sommes donc assis sur un volcan financier dont la masse monétaire hégémonique dollars toxique comme le cite Xavier Moreau risque d’exploser d’un mois à l’autre. La France et notre président apprenti sorcier de la finance internationale, une demi instruction financière qui rend furieux les incompétents, a donc mis la France en faillite. Nous avons une dettes colossale de 3400 milliards à fin 2024 et 3800 autres milliards d’engagements de l’état. Montants faramineux impensables mensongers en plumant toutes les économies des françaises et français. Diminuant de fait 50 % de pouvoir d’achat par les hausses de partout. Etre au bord du gouffre, effondrés dans nos perspectives de croissance de dettes, de déficits et de budget, d’innombrables faillites plus de 70’000 fin 2024. Nous dirigeants apprentis sorcier sans de solides études financières, n’ayant pas vu et pas compris l’explosion monétaire arriver comme un tsunami, afin de se voiler la face des réalités avec des mensonges, pourtant le tout bien annoncée par les pays des BRICS. Le sommet de Kazan persiste et signe bien la fin d’une monde bipolaire il faudra que les USA l’admettent sans nous faire une troisième guerre mondiale. Il faut l’espérer car les faucons américains nous l’ont déjà prouvé avec le mensonge de la guerre en Irak, Lybie, Syrie, qui a fait 2,4 millions de morts. Pas rien tout de même, car ces 3 pays refusaient de vendre gaz et pétrole en dollars mais contre un ensemble de 5 à 6 monnaies en équivalence yen yuan euros dollars roubles livre sterling. Mal leur en pris avec l’outrecuidance envers les Etats Unis , ils ont étés décimées par méthode guerre des USA.

  6. Eschyle 49 dit :

    L’équation est simplissime: dette des USA: 350 billions de $ , soit 350.000 milliards de $ ; montant de l’or stocké à Fort Knox en pleine propriété: zéro gramme (certifié par DSK, alors président du FMI); stratégie des membres des BRICS: ignorer le $ dans leurs transactions, avec un système de clearing, dénommé  » BRICS pay « .

  7. patphil dit :

    brics = respect des autres et discussions ; usa= satellites au pied et taisez vous

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