Un homme est mort dans une mosquée, poignardé dans un lieu de prière. Il s’appelait Aboubakar Cissé. Il était jeune. Musulman. Malien. Assassiné par un Bosnien, pas franchement d’extrême droite comme l’ont pourtant indiqué certains médias. Ce drame a bouleversé ceux qui vivent dans leur bulle, celle de l’antiracisme, de la lutte contre l’islamophobie, de la peur croissante que suscitent les tensions identitaires. Jean-Luc Mélenchon, figure tutélaire de cette sphère, a pleuré dans les bras d’une femme musulmane, effondrée, appeurée. L’émotion était réelle. Profonde. Digne, peut-être. Mais elle a suscité moqueries, accusations de récupération, incompréhension ailleurs. Dans d’autres bulles.
Quelques mois plus tôt, une autre jeune personne mourait. Elle s’appelait Philippine. Elle avait 19 ans. Elle a été retrouvée massacrée dans un bois, à Paris. Son meurtrier présumé ? Un homme en situation irrégulière, sous OQTF, déjà condamné pour viol. L’émotion, là aussi, fut vive. Mais dans une tout autre France. Celle qui n’existe pas dans les journaux de 20h, dans les tribunes universitaires ou sur les plateaux de talk-shows parisiens. Une France qui pleure Philippine comme elle pleurait Thomas, Lola, Anne-Lorraine ou bien d’autres. Une France qui n’entend jamais Mélenchon s’effondrer pour ces morts-là.
C’est cela, désormais, la France : une société d’émotions fragmentées, où chaque camp a ses morts, ses icônes, ses victimes légitimes, ses récits exclusifs. Chaque drame est lu, digéré et exploité à travers le prisme d’une idéologie. L’assassinat d’un musulman est une alerte à la montée du fascisme. Celui d’une Française par un clandestin est une alerte à l’effondrement migratoire. Et chaque camp s’accuse de « récupération », tout en réclamant l’exclusivité de la douleur et du deuil.
Ce phénomène porte un nom : l’éclatement des bulles. L’archipel français, décrit il y a quelques années comme une métaphore, est devenu une réalité concrète, explosive. Il n’y a plus de récit national partagé. Il n’y a plus d’empathie transversale. Il n’y a plus de compassion universelle.
Nous sommes entrés dans une époque où l’indignation est conditionnée. Chacun choisit ses morts, ses causes, ses émotions. Chacun vit dans son couloir numérique, ses médias de confiance, ses figures de légitimité. L’autre n’est plus un concitoyen, ni même un adversaire politique. Il est un intrus, un manipulateur, un profiteur, un danger. Il est hors de la bulle. Il n’existe pas.
Comment tenir encore ensemble, comme civilisation, quand on ne pleure même plus les mêmes morts ?
Il y a dans cette situation quelque chose de profondément barbare. Un lent retour à l’état tribal. Les débats politiques ne sont plus des affrontements d’idées, mais des confrontations de sentiments irréconciliables. La violence symbolique des mots prépare celle, physique, des rues. On ne discute plus : on excommunie, on conspue, on hurle, on annule.
Et plus grave encore : on désapprend à se mettre à la place de l’autre. La gauche ne peut plus compatir à la détresse d’un grand-père dont la petite-fille a été tuée par un homme sous OQTF. La droite ne peut plus entendre la peur sincère d’une femme musulmane qui redoute, chaque jour, d’être agressée en raison de son voile. Ces deux douleurs, pourtant humaines, trop humaines, devraient au moins nous toucher si ce n’est nous rassembler. Elles ne font que nous éloigner.
La République, dit-on, est fondée sur un contrat social. Mais ce contrat suppose un minimum de valeurs communes, un récit partagé, un socle émotionnel transversal. Or, aujourd’hui, plus rien ne relie les bulles entre elles, sinon la haine réciproque. À force de vivre dans des mondes parallèles, nous avons creusé un gouffre au milieu de la place publique. Une société où les gens n’ont plus les mêmes références, ni les mêmes vérités, ni les mêmes morts… est une société au bord de la guerre civile.
Car la guerre civile ne surgit pas d’un débat sur les retraites ou l’inflation. Elle naît quand plus personne n’accorde d’importance à la douleur de l’autre. Quand chaque camp pense que l’autre est fou, dangereux, ou indigne de vivre dans le même pays. Nous n’en sommes plus très loin.
À ceux qui parlent encore de « vivre ensemble », il faut répondre ceci : il n’y a plus de société, il n’y a plus que des fragments en suspension, parfois en apesanteur, souvent en collision. À force de multiplier les peuples, les cultures, les normes et les tabous, on a créé des bulles multiples, qui tôt ou tard… exploseront.
Julien Dir
Crédit photo : DR
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11 réponses à “De Philippine à ABoubakar…Bulles sociale, larmes et aveuglements : quand un pays se désagrège totalement [L’Agora]”
un malien assassiné par un bosnien, ou ca ? en france, ca devait etre des touristes.
Excellent article de Julien Dir, comme à son habitude.
Il faudrait couper la France en deux. D’un côté la gôchiasse avec ses idéologies stupides, de l’autre les conservateurs, adeptes du réel.
Je propose le Larzac pour les premiers et le reste du pays pour nous.
Très bonne analyse Julien, mais que pensent réellement les français silencieux ? Les médias donnent sans cesse la parole à ceux qui entretiennent les fractures décrites dans l’article…Ce sont surtout les politiques qui ont des émotions variables selon la provenance des tueurs, pas obligatoirement les français. La récupération politique constitue une technique pour capturer un maximum de voix selon les quartiers géographiques. On ne connaissait pas le profil du meurtrier que déjà, les professionnels des manifs, organisaient un rassemblement et défilaient contre l’islamophobie ! Un blanc, si possible de droite aurait été le coupable idéal mais bon, on se débrouille avec un bosniaque, pas facho, faute de mieux !
Avec un peu de poivre doux pour frotter les yeux ?
« Une France qui pleure Philippine comme elle pleurait Thomas, Lola, Anne-Lorraine ou bien d’autres », cette France là, Mélenchon et sa clique ne la pleurent pas, ils ne la connaissent pas.
Les larmes de Mélenchon, sont des « larmes sélectives », une énorme Tartufferie qui ne trompe personne. On reconnait tout de même que le Comédien est très fort pour prendre les gens pour des C*** , larmoyer à la demande et à l’occasion. Peut-être avait-il dans sa poche un peu de poivre doux pour parfaire discrètement l’illusion. Ah! si Molière revenait parmi nous, quel beau spécimen il nous livrerait !
@JACQUES
Je pense que vous n’avez pas compris ce qu’a voulu dire Monsieur Dir : il regrette au contraire que la France soit coupée en deux.
Quand à la gauchiasse, c’est une engeance qu’il nous faut supporter car tout être humain est censé être sauvé. Toujours se rappeler du brigand sur la croix. Et les emmener vers le salut est notre mission, impossible sans l’aide de notre Créateur.
J’aime bien le dessin (dessein ?):presque tous prosternés devant leur smartphone !
combien y a t i, chaque jour, de femme musulmane agressée à cause de son voile ????? qui craigne « sincèrement ????? hum !
Dieu se rit des hommes qui chérissent les causes dont ils déplorent les effets. Bossuet…nous voilà revenus aux origines du mal : droit du sol, immigration débridée…. et regroupement familial…nous sommes submergés de tous les côtés…. silence, on coule.
Que sont-elles, ces « valeurs » qui nous unissaient et permettaient de vivre ensemble en paix ? Ces fameuses « valeurs de la République » laïque, mais au fond, à l’époque très influencée par celles de l’Evangile, non ? La liberté des enfants de Dieu (en vue du Bien) ; l’égalité dans le fait que Dieu nous aime chacun ; fraternité puisque Dieu est notre Père ; laicité parce que nul ne peut être obligé de croire sinon il ne poserait pas un acte libre envers son Dieu ; séparation temporel/spirituel selon le Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César de l’Evangile, etc… Autrefois l’Etat et l’Eglise étaient distingués mais pas enemis, ils agissaient pour le Bien Commun dans leurs domaines respectifs tout en s’épaulant. La vraie question est donc pour moi de savoir si les athés et les religions non-Chrétiennes peuvent adhérer en toute vérité et intégralement à ces valeurs ? Je crois que non. L’athéisme mène forcément au chacun pour soi (« L’autre c’est l’enfer » a dit Sartre) et l’Islam n’a pas intégré la liberté religieuse (la guerre sainte de la Charia est un devoir) ni celle des femmes, ni même l’autonomie du temporel et du spirituel…. Mais des spécialistes le diraient mieux que moi en détail. L’Evangile dit « A Rome fais comme les Romains », c a d en Europe/France/ Bretagne, adopte les us et coutumes, et Valeurs du pays. Mais c’est vrai que ce système ne marche plus quand les chrétiens deviennent marginaux dans la société, car derrière ces Valeurs il y avait trois vertus infuses par l’Eglise : la foi en Jésus-Christ, chemin vérité et Vérité, source de la Charité envers les autres, d’Espérance du Salut et de l’édification d’un monde sauvé ici bas avec Sa grâce. La seule solution c’est de devnir des saints et de permettre ainsi la conversion de tous les hommes à la religion catholique.
il était clandestin ? c est mieux de rester chez soi et ce pour tout le monde
les bosniaques sont en majorité musulmans, pourquoi les médias ne le disent pas?