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Cinéma. 7 films à voir ou à revoir sur le huis clos

Breizh-info vous propose désormais une chronique hebdomadaire intitulée « 7 films à voir ou à revoir » et réalisée par Virgile pour le Cercle Non Conforme, qui nous a donné son accord pour reproduire le texte.

Cette semaine, 7 films à voir ou à revoir sur le thème du huis clos.

Le huis clos est un sous-genre du cinéma qui n’est pas à négliger. Inspiré de l’art théâtral classique, le huis clos embrasse l’ensemble des genres cinématographiques, du film sentimental au film d’horreur, en passant par la comédie, le thriller ou la science-fiction. On peut le définir comme un exercice de style imposant que la totalité ou l’immense majorité de l’intrigue tienne dans une même unité de lieu, de temps et d’action. Le huis clos présente également l’avantage d’être un cinéma économe qui évite de somptueuses dépenses de multiplicité des grands espaces filmés et peut se décliner à toute échelle si l’on ne craint pas d’épouser une définition plus élargie. Aussi, un salon, une forêt, un immeuble, une automobile, une cabane, une fusée, une tranchée, un ascenseur ou même… un cercueil peuvent-ils devenir des personnages à part entière. Econome, donc très rapidement adopté par nombre de réalisateurs et producteurs qui, s’ils sont avares de leurs dépenses, ne le sont nullement en astuces scénaristiques et techniques pour que la facilité de l’unité de lieu ne se transforme pas en un cinéma ennuyeux pour qui sait maintenir un certain tempo filmique dans un espace fermé. Le huis clos possède surtout l’avantage de faire se concentrer l’attention et le regard du spectateur sur des personnages sublimant les drames de la vie, tant il est vrai que ceux-ci ne se jouent que rarement sur la place publique. Ce sous-genre ne cesse d’être réinventé par une nouvelle génération de cinéastes qui voient, à cet égard, Alfred Hitchcock ou Roman Polanski comme leurs maîtres.

 

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A UNE HEURE INCERTAINE

Titre original : A huma hora incerta

Film portugais de Carlos Saboga (2015)

L’année 1942, au Portugal sous António de Oliveira Salazar. Boris et Laura sont deux réfugiés français arrêtés après un contrôle. L’inspecteur de la police politique Vargas ne tarde pas à succomber au charme de la jolie Laura et prend la décision de cacher les réfugiés dans sa demeure, à l’insu de sa famille et de la bonne Deolinda, et en contradiction totale avec la nature de sa fonction d’inspecteur. Le grand hôtel dans lequel il vit est désert. Seules sa femme gravement malade et végétative et leur fille Ilda, dont la beauté n’a d’égale que son espièglerie, occupent les lieux. La jeune fille nourrit des sentiments étranges à l’égard de son père. L’amour incestueux n’est pas loin… De la même manière, les Français, qui entretiennent également une curieuse relation entre liberté et jalousie. La jeune fille, prise d’une terrible jalousie, ressent très vite la présence d’étrangers dans le complexe. Jasmin, le collègue de Vargas devine aussi que ce dernier n’est pas étranger à l’évaporation des deux Français…

Saboga livre un huis clos très oppressant qui a pour cadre ce grand hôtel désaffecté, qui n’est pas sans rappeler le Shining de Stanley Kubrick. Le réalisateur maîtrise remarquablement l’utilisation du clair-obscur magnifié par un décor très fantomatique avec ses pièces inoccupées dont les meubles sont intégralement recouverts de draps blancs. La petite Ilda demeure le seul être de vitalité dans cet univers feutré et évoluant au ralenti qui semble hors du temps. Ilda ambitionne de remplacer, auprès de son géniteur, sa mère inerte dans son grand lit et comme endormie dans un sommeil éternel. Tout aussi mystérieux sont les réfugiés dont on ne sait s’ils sont frères et sœurs et, ainsi, incestueux. Le film n’en indique guère plus mais on devine leur judéité qui détermine leur fuite de France. L’hôtel hors du temps constitue une métaphore du Portugal de la première moitié de la décennie 1940. Un pays isolé de l’Histoire en marche que Salazar a mis à l’abri des tumultes de la guerre et qui fut une terre d’exil pour des milliers de réfugiés. C’est bien fait mais un peu court.

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LE BATEAU PHARE

Titre original : The Lightship

Film américain de Jerzy Skolimowski (1985)

1955, la capitaine Miller est à la tête du bateau phare Hatteras mouillant au large des côtes de la Virginie. Lors de sa carrière militaire chez les Marines, le patronyme germanique du capitaine n’a jamais manqué d’attirer sur lui la méfiance de sa hiérarchie. Miller est surtout suspecté d’avoir abandonné ses hommes au feu durant une mission. La mauvaise réputation qui le poursuit le fait croupir sur le Hatteras. Son fils, Alex, qu’il ne voit presque plus, est arrêté après une bagarre dans un bar et ramené à son père par la police militaire afin que son engagement sur le navire lui fasse éviter la maison de correction. Trois nouveaux venus sont recueillis quelques jours plus tard alors qu’ils dérivaient à bord d’un canot. Très rapidement, l’équipage se rend compte que ce sont des fuyards recherchés par la police. Les gangsters prennent les marins en otage…

Contraint de s’exiler du régime communiste au milieu des années 1960, la présente œuvre est le premier film américain du réalisateur polonais Skolimowski qui n’en est pas à son coup d’essai dans sa riche filmographie. Aussi, la réalisation révèle-t-elle la parfaite maîtrise du cinéaste. Le scénario paraîtra convenu, “à l’américaine” pourrait-on dire. Mais Skolimowski applique sa patte européenne et livre un film en huis clos émouvant faisant s’entremêler deux conflits psychologiques. Celui entre le capitaine solitaire et les malfrats bien évidemment, mais surtout celui entre ce même capitaine et son délinquant de fils désinvolte en rupture avec la figure paternelle. Très beau film !

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CUISINE ET DÉPENDANCES

Film français de Philippe Muyl (1992)

Respectables bourgeois parisiens, Jacques et Martine s’apprêtent à recevoir deux convives ce soir. Cela fait dix ans qu’ils ne se seront pas revus et les retrouvailles sont déterminées par la réussite des uns et la banalité quotidienne des autres. La star de la soirée est incontestablement l’ex-petit ami de Martine devenu une vedette que se disputent les médias. Il viendra accompagné de son épouse Charlotte, talentueuse journaliste autocentrée sur sa carrière. Jacques et Martine espèrent la plus grande réussite de la soirée et ont mis les petits plats dans les grands. Mais les invités accusent deux heures de retard, ce qui a le don de faire péter les plombs de Martine. D’autant plus que certains ont le chic pour se greffer à une soirée sans y être invités. Ainsi de Georges, copain de Jacques, parfaitement misanthrope, antipathique et râleur. Ainsi également du frère de Martine, Fred, gentil mais fauché et très envahissant puisqu’il squatte l’appartement depuis des mois. Et Fred a surtout pour petite amie une certaine Marylin au décolleté ravageur. La soirée ne débute pas sous les meilleurs auspices. Et si, en plus, le plat est trop salé…

Film issu d’une pièce de théâtre écrite par Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui qui fut un grand succès et dont l’adaptation est souvent drôle. On peut d’ailleurs parler de théâtre filmé. Comme l’indique le titre, l’intrigue se passe dans intégralement dans la cuisine. Aussi, ne voit-on jamais certains invités, tels la vedette et Marylin, ce qui renforce le suspense. Dépeints de la sorte, on attend que cela et pas seulement pour la tenue vestimentaire de Marylin ! La truculence des dialogues fait mouche et offre un menu complet et raffiné de basses veulerie et de flagornerie mielleuse qui moquent ces convenances petites-bourgeoises de bienséance. Tout est suggéré en nuances et on mesure les non-dits accumulés tout au long de ces années qui masquent des fêlures enfouies prêtes à jaillir ce soir. Tous sont des médiocres bien trop occupés à scruter l’insignifiance de l’autre. Jean-Pierre Darroussin est exquis en looser. On peut ne pas aimer Bacri et Jaoui mais difficilement contester qu’ils sont de bons acteurs, au jeu certes limité. Bacri est jouissif en peau de vache qui n’a pas la langue dans sa poche et est la parole qui délivre toutes les frustrations. On voudrait tous être à sa place ce soir-là et dégueuler les mêmes vacheries. Parfait pour se détendre et se moquer !

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FURTIVOS

Film espagnol de José Luis Borau et Manuel Guttiérez Aragón (1975)

Angel est un braconnier taciturne qui vit avec Martina, sa mère tyrannique dans une ferme rustique au cœur de la forêt à proximité de Ségovie. Il occupe la curieuse profession d’alimañero, chargé d’abattre loups et autres prédateurs afin de protéger les cerfs de la réserve et en profite également pour braconner et revendre viande et peaux des animaux de la forêt. Milagros, une jeune femme, en fuite d’une maison de redressement, séduit Angel et le suit dans la ferme. La jeune fugitive est, en réalité, la petite amie d’El Cuqui, délinquant notoire des environs. L’arrivée de Santiago, gouverneur allaité au même sein qu’Angel, perturbe encore un peu plus les habitudes des lieux. Entouré de riches amis, il s’accorde une partie de chasse au chevreuil et cerf. El Cuqui, lui, est bien décidé à retrouver la trace de sa petite amie dont l’arrivée dans la ferme met Martina dans une fureur noire. Angel est bien décidé à conserver son amoureuse auprès de lui. Le drame sourd de la forêt…

Film tout simplement extraordinaire dans lequel la mort animale constitue le prélude d’un drame dont l’intensité monte crescendo tout au long du film. Une mère despotique, gardienne jalouse de la solitude de son fils, qui manifeste le furieux désir d’entraver toute liberté à celui-ci. La ferme délabrée, au sein d’une forêt humide et asphyxiante, ne comporte qu’un seul lit. Aussi, devine-t-on l’ascendant incestueux que la mère exerce sur son fils. Sorti deux mois avant la mort du général Francisco Franco, certains ont pu y voir une critique du régime en place par le truchement du gouverneur, aussi paternaliste que clair dans ses annonces de pouvoir coercitif qu’il menace d’appliquer à tout moment si ses desiderata se voyaient contrariés. Il est certain que la censure causa de nombreux problèmes aux réalisateurs.

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KEY LARGO

Film américain de John Huston (1948)

Le major Frank McCloud, ancien officier de la Seconde Guerre mondiale terminée depuis peu, arrive sur la petite île de Key Largo, en Floride, pour visiter James Temple dans l’hôtel vétuste qu’il dirige. Temple est le père de son ami et subalterne, George, tué dans les combats en Italie qui laissent Nora veuve. L’ancien soldat aspire à un repos loin du tumulte et des atrocités de la guerre. L’endroit est occupé par des hommes qui se révèlent bientôt être des gangsters dont Johnny Rocco est la tête pensante et patientant là jusqu’à une prochaine transaction de fausse monnaie. McCloud ne trouve plus la force de s’opposer aux gangsters même lorsque ceux-ci s’en prennent à la jeune veuve. Les plans de Rocco changent lorsqu’un ouragan isole complètement l’hôtel. Les malfrats tentent de fuir à Cuba à l’aide d’un bateau que McCloud se voit obligé de piloter. Rocco estime le major trop lâche pour tenter quoique que ce soit…

Voilà un scénario qui, de prime abord, laisserait plutôt indifférent. C’est un tort ! Key Largo est un huis clos magistralement mené par Huston et sublimé par deux monstres sacrés du Septième art en les personnes de Humphrey Bogart et Lauren Bacall, mythique couple à la ville comme à l’écran. Edward G. Robinson est également très à son aise dans l’un de ses derniers grands rôles. La tension nerveuse est somptueusement palpable et fait se souvenir qu’Alfred Hitchcock n’a jamais détenu le monopole du film noir. Les dialogues sont d’une violence froide inouïe. Œuvre issue de la pièce de théâtre éponyme de Maxwell Anderson dont la réalisation peut paraître un peu trop théâtrale. Mais ne faisons pas la fine bouche !

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PIONEER

Titre original : Pionér

Film norvégo-suédo-germano-français d’Erik Skjoldbjærg (2013)

Au début des années 1980, en Norvège, la découverte d’un gigantesque gisement de pétrole dans les profondeurs des fonds marins marque le début de l’exploitation off-shore de la Mer du Nord. L’Etat norvégien entame l’extraction de l’hydrocarbure avec la collaboration des Etats-Unis. Le projet commun, porteur d’enjeux économiques énormes, n’exclut nullement la plus grande méfiance entre les deux Etats. Petter et son frère Knut font partie des plongeurs envoyés dans les profondeurs pour assurer la périlleuse mission de la mise en place d’un pipeline par 500 mètres de profondeur. Lors de l’une de ces descente dans les abysses, un accident mortel aussi mystérieux qu’inexplicable survient à l’un des plongeurs norvégiens. Son frère et collègue de descente estime avoir sa part de responsabilité dans l’accident. Il ne tarde pas à découvrir que ses employeurs ne sont pas exempts de reproches et s’affairent à maquiller certaines circonstances du drame…

Film librement inspiré d’un scandale énorme en Norvège qui contraint le gouvernement à proférer des excuses et dédommager les victimes-cobayes après que l’affaire soit remontée jusqu’à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Le tout sur fond de raison d’Etat et de rivalité américano-norvégienne. Pioneer est une réalisation à l’atmosphère oppressante et anxiogène qui invite à une plongée, c’est le cas de le dire, dans le quotidien de ces ingénieurs de l’extrême. Thriller subaquatique efficace bien qu’il peine à maintenir la même intensité tout au long de la centaine de minutes, plus particulièrement après la révélation de la responsabilité étatique. Curieusement, la partie en immersion, véritable prouesse cinématographique tournée en milieu naturel, est plus réussie que la phase policière. Film intéressant mais claustrophobes et hydrophobes, abstention !

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ROOM 304

Titre original : Værelse 304

Film croato-danois de Birgitte Stærmose (2011)

A Copenhague, dans un luxueux hôtel. Un coup de feu est tiré. Trois jours durant, les vies de plusieurs personnes se croisent intentionnellement ou accidentellement. Toutes ont pour points communs fêlures, solitude, deuil et frustrations. Teresa est une hôtesse au bord du désespoir en ne parvenant pas à trouver de partenaire sexuel décent. Le blanchisseur Agim est, lui, un immigré kosovar, obsédé par la vengeance après le viol passé de sa femme. Il abandonne un pistolet que récupère une femme de ménage philippine avant de le remettre à Martin, le portier. Quant à Kasper le directeur, il entretient une relation avec Nina la réceptionniste… De nombreux autres personnages tout aussi farfelus compètent le tableau. Tout ce petit monde se rencontre et se dévoile dans l’intimité des chambres. La cause de la présence du pistolet et son cheminement de main en main demeurent plus flous et indécis qu’il n’y paraît…

Room 304, c’est un peu un Cluedo sans victime ou alors avec que des victimes. Ce film à tiroirs est sympathique mais manque pourtant cruellement d’audace scénaristique. Les personnages sont nombreux mais manquent singulièrement de profondeur malgré une belle palette d’individus paumés qui accentuent l’action principale par une forte dimension émotionnelle. Néanmoins, la trame psychologique se met en place progressivement, prend le pas sur l’action, s’essouffle et fait mouche grâce au dénouement final. La réalisation de la danoise n’est pas dénuée d’esthétisme, dans ses tons bleus et gris, et est encourageante pour un premier long-métrage. Le film ne connut qu’une diffusion en festivals en France et c’est bien dommage !

Virgile / C.N.C.

Crédit photo : DR
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