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Philadelphie. L’unité dans l’adversité chez les Démocrates

28/07/2016 – 20H45 France (Breizh-info.com) – Pendant les conventions républicaines et démocrates du mois de juillet 2016 aux Etats-Unis, Pierre Toullec vous présente chaque jour un résumé de la journée précédente, en exclusivité pour Breizh Info. Au tour de la convention démocrate !

Suivez en direct les événements sur https://www.facebook.com/pierretoullec et https://twitter.com/PierreToullec

Mercredi 27 juillet – L’unité dans l’adversité

La troisième journée de la convention démocrate de 2016 a débuté particulièrement lentement. Pendant plus de trois heures, des orateurs peu motivants et peu charismatiques se sont suivis pour dire plus ou moins la même chose et sans parler réellement de projet pour une nouvelle présidence démocrate. Cette longue période s’est déroulée dans une salle plus qu’à moitié vide dans laquelle pratiquement personne n’écoutait : il était clair sur les vidéos en direct de la salle que le peu de délégués présents étaient rivés sur leurs téléphones ou étaient en train de discuter avec leurs voisins.

Les deux premiers jours de la convention étant passés, il ne restait en effet plus grand-chose à faire pour les démocrates. En réalité, ce sont les discours du candidat à la vice-présidence Tim Kaine, du vice-président Joe Biden et du président Obama qui étaient attendus.

Une élection en faveur de Hillary Clinton ou contre Donald Trump ?

A partir de l’intervention du sénateur Tim Kaine, la convention a commencé à bouger. La salle s’est remplie et des orateurs de talent sont intervenus. Contrairement aux conventions démocrates du passé (en particulier celles de 2008 et 2012), cette journée n’a pas été dédiée à la philosophie de la « gauche américaine ». Le thème du mercredi était « Travailler ensemble ». Pourtant, la question de « l’ensemble » a peu été traité : le ton donné était plutôt « Travailler contre ».

L’absence de discours idéologique était particulièrement surprenant. Généralement, en particulier aux Etats-Unis, les progressistes insistent davantage sur les idées et les bons sentiments alors que les conservateurs défendent plutôt leur programme sur la question de l’efficacité et de la preuve de la réussite de leurs idées par le résultat. Ce mercredi, la situation a semblé entièrement inversée.

A l’exception du président Obama qui a expliqué pendant une dizaine de minutes les raisons pour lesquelles Hillary Clinton est une femme compétente (il est allé jusqu’à affirmer qu’elle était une candidate plus compétente pour prendre la présidence des Etats-Unis que lui-même et que Bill Clinton), l’ex-première dame a semblé étrangement absente des discours. Son nom était bien cité pour lui faire des compliments et parler de son expérience, mais le cœur des discours était centré sur Donald Trump.

Après deux jours de division et d’une convention qui a mal débuté, les démocrates ont choisi de cesser de promouvoir directement leur candidate pour faire l’unité dans l’adversité en attaquant massivement et violemment le candidat républicain.

Peu d’idées de gauche mais feu nourri contre Donald Trump

A écouter les interventions de ces orateurs, il semblait presque que le parti démocrate avait décidé de ne plus parler de ses propres idées. Ils ont abordé certains thèmes et le président Obama a rappelé son bilan en affirmant que grâce à ses politiques, les Etats-Unis allaient mieux (ce sont ses mots, mais bien entendu beaucoup d’américains ne pensent pas forcément la même chose). Mais en réalité l’objectif était d’attirer les électeurs conservateurs et néo-conservateurs dans le camp démocrate en profitant de l’existence continuelle du mouvement #NeverTrump.

Le florilège d’attaques contre Donald Trump n’a pas cessé avant la fin de la nuit. Les attaques habituelles, faciles et d’ordinaires criées par les manifestants tels que « raciste » ou « fasciste » n’ont pas été entendues. Les attaques furent beaucoup plus précises. De discours parlant de ses échecs économiques, des accusations de tromperies dans plusieurs des entreprises qu’il a fondé en passant par la dénonciation de son absence de connaissances de l’international et des questions géopolitiques, il semble que tout y soit passé.

Les attaques ad hominem ont aussi fusé : l’ex-maire de New York Michael Bloomberg l’a accusé d’être un hypocrite, un démagogue ignare et un escroc.

Joe Biden a affirmé que Trump est un menteur.

Le sénateur Chris Murphy a accusé le candidat républicain de voir des opportunités plutôt que des tragédies lors des événements de violence (un argument particulièrement de mauvaise foi sachant que les démocrates utilisent très largement ces événements pour faire avancer leur programme anti-droit de port d’arme).

Le député Ruben Gallego a affirmé que Donald Trump est l’argument idéal pour ISIS et leur recrutement de nouveaux terroristes.

Une unité au-delà du parti démocrate

L’absence de défense solide d’idées classiques du parti a étonné les analystes dans les premières heures. En réalité, la stratégie était claire : les démocrates ont ouvertement appelé les conservateurs et les républicains à voter pour Hillary Clinton, ou plutôt contre Donald Trump. De nombreux ex-républicains sont venus à la tribune. Des dirigeants de services secrets et des militaires de haut rang sont aussi intervenus. Ce genre de démonstration est, en particulier depuis le début des années 2000, plutôt habituel dans les conventions républicaines, pas chez les démocrates.

Barack Obama, qui s’est battu toute sa vie contre les idées libérales et conservatrices, est même allé jusqu’à prôner la politique de Ronald Reagan, l’importance de l’OTAN et affirmé que Donald Trump n’est ni républicain ni conservateur. Le sénateur Tim Kaine a cité Barbara Bush, ex-première dame des Etats-Unis, et John Kasich pour démontrer que Trump n’est pas un représentant de la droite américaine.

Pire, les démocrates ont utilisé l’argument des libertarians (libéraux) et de Ron Paul contre la banque centrale américaine et l’impression massive de monnaie pour attaquer Donald Trump alors que ce fut l’un des cœurs économiques de la politique du président Obama.

Enfin, il semble que le virage de la candidature Obama de 2008 ne fut qu’une parenthèse. Les thèmes néo-conservateurs, qui étaient davantage défendus par les démocrates avant 2004, sont revenus sur le devant de la scène, avec un discours anti-Russe (l’ex-directeur de la CIA Leon Panetta a accusé Donald Trump de vouloir travailler avec les Russes et en particulier Vladimir Poutine), en dénonçant le fait que le républicain souhaite travailler avec certaines dictatures plutôt que d’imposer la démocratie pendant que la foule chantait « USA, USA, USA », une marque de patriotisme devenue particulièrement rare chez la gauche américaine depuis la candidature du sénateur Obama.

2004 – 2016 : l’inversement des rôles

2004 fut une année historique dans l’histoire des conventions politique et des programmes internationaux. En 2000, le gouverneur George W Bush avait fait campagne contre les interventions militaires continuelles des Etats-Unis sur un programme très similaire à celui de Ron Paul en 2008 et 2012 (ce dernier fut alors accusé d’être isolationniste). Son adversaire, Al Gore, faisait au contraire la promotion de l’extension de la démocratie par les interventions militaires sous la présidence de Bill Clinton (notamment en Europe de l’Est et dans les Balkans). Cette année-là, les néo-conservateurs étaient toujours démocrates.

2004 fut une année historique. De nombreux élus démocrates ont changé de bord, condamnant les politiques prônées par John Kerry. Les néo-conservateurs ont quitté la gauche américaine et le président Bush a ouvertement fait campagne sur un programme opposé à celui qu’il défendait en 2000, prônant l’interventionnisme et l’expansion de la puissance militaire américaine.

2016 nous montre l’inverse, ou plus précisément un retour à la division politique pré-intervention en Irak de 2003. De nombreux néo-conservateurs sont retournés chez les démocrates. Certaines élites militaires soutiennent Hillary Clinton pour son discours pro-démocratie, anti-Russe et pro-interventions militaires à travers le monde.

Hier soir, devant des journalistes médusés, le parti démocrate semblait être redevenu le parti militariste et interventionniste, partisan de la sécurité contre Donald Trump qui, selon eux, serait le candidat du retrait et un danger pour le monde car il ne serait pas suffisamment volontaire dans son intention de projeter la puissance militaire américaine sur l’ensemble de la planète…

Pendant ce temps, les délégués démocrates étaient en délire, applaudissant massivement un discours qu’ils ont rejeté au cours des quinze dernières années. Seuls quelques rares soutiens de Bernie Sanders étaient à peine audibles, huant le président Obama.

Le « Tout Sauf Trump », une erreur de stratégie ?

Le ton de cette journée était particulièrement surprenant mais il rappelle surtout de nombreux exemples passés de campagnes électorales. En parlant peu de leur candidate et de leur programme, les démocrates ont clairement orienté leur discours dans le « tout sauf Trump ».

Cette stratégie n’est pas nouvelle et a été souvent utilisée mais l’histoire montre qu’elle est risquée. En France, le « tout sauf Sarkozy » de François Hollande a fonctionné en 2012 mais a complètement échoué en 2007 lors de la candidature de Ségolène Royal. Aux Etats-Unis, cette orientation a aussi été prise en 2004 par le démocrate John Kerry avec une campagne très négative contre le président Bush, conduisant finalement à la réélection du républicain. En 2008, John McCain a fait la même erreur : candidat d’un parti devenu très impopulaire et « héritier » du président Bush, sa campagne fut davantage orientée sur les faiblesses du sénateur Obama. Encore un échec.

Cette stratégie va-t-elle fonctionner en 2016 ? De longs mois vont encore s’écouler avant que nous n’ayons la réponse. Il est clair, ce jeudi, que les démocrates ont décidé de passer à l’offensive. Leur stratégie est de détruire la candidature de Donald Trump plutôt que de promouvoir celle de Hillary Clinton.

Hier soir, cette campagne 2016, déjà très négative depuis des mois, a pris un tournant particulièrement déprimant pour les électeurs américains. Le « Hope and Change » de 2008 semble un lointain souvenir. 

Retrouvez le résumé de la dernière journée de la convention démocrate demain sur Breizh Info !

Crédit photo : DR
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