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Notre-Dame des Landes : le grand soir raté des zadistes

Commencée en fanfare cette nuit vers trois heures du matin par la gendarmerie mobile, l’opération d’expulsion de la zone centrale de la ZAD – celle qui regroupe nombre d’« irréductibles » opposés à toute négociation avec l’État et à la réouverture de la RD281 a continué au pas de charge tout au long de la journée. Et en soirée à Nantes, la réaction des zadistes tant annoncée a manqué de mordant, tant par manque de troupes que d’un très fort encadrement policier.

Plusieurs lieux de vie au centre de la ZAD ont en effet été investis et détruits au cours de la journée, notamment le Four et les Planchettes, sur la RD281, Lama Fâché, Jessy James et Bison Futé sur le même axe plus au sud, Youpi Youpi et la Noue non plus à l’ouest, les 100 chênes plus à l’est. À l’extérieur du périmètre, comme nous avons pu nous en rendre compte en nous rendant sur place, le calme régnait. Seules les entrées de la ZAD étaient barrées, notamment au Bois Rignoux et aux Ardilières (RD281) par les gendarmes mobiles et à la Saulce (RD81, sud) par les zadistes eux-mêmes.

Une dizaine de personnes ont été arrêtées dans la journée – deux pour avoir résisté lors de leur expulsion le matin, six pour port d’arme et détention de stupéfiants sur la commune de Vigneux, sur le flanc sud de la ZAD, et une dernière pour avoir jeté un cocktail Molotov sur un policier. Selon les zadistes eux-mêmes, six occupants ont été blessés, dont une alors qu’elle jetait un cocktail Molotov sur la police.

Des affrontements ont eu lieu vers 11h aux Cent Noms et au début de l’après-midi à la Chévrerie, au sud de la ZAD. Deux engins de chantier ont été mis hors service – une pelleteuse au Bois Rignoux vers 11h30 par un cocktail Molotov et un engin de chantier qui s’est embourbé vers 17h en détruisant une cabane dans un arbre. Les zadistes ont donné rendez-vous à leurs soutiens à 3h30 : l’opération d’expulsion continue en effet toute la journée de mardi, « et probablement toute la semaine » selon un proche du dossier.

 

Les riverains : « Merci de nous débarrasser de ces abrutis »

Le climat a bien changé depuis 2012. L’abandon du projet d’aéroport a annihilé le soutien populaire aux zadistes, reste le ras-le-bol, et pas seulement par rapport aux prises de terre (lire notre enquête) et aux dissensions que cela a créées au sein des paysans. Ainsi des gendarmes mobiles postés à Vigneux, sur le parking de l’ancien Super U, ont été remerciés par un riverain sous nos yeux : « merci d’être là. Merci de nous débarrasser de ces abrutis. Six ans, c’est trop ». Pendant ce temps, un des susdits abrutis, sous couvert de faire du stop sur la place de l’Église, ne perdait rien du dispositif en contrebas.

Sur le parking du nouveau Super U, les voitures de journalistes abondent. RTL, Europe 1, France Bleu… « même BFM est passé. Mais je ne veux pas les voir, les journalistes déforment les propos », dénonce un employé de la supérette. Tenus à l’écart par les forces de l’ordre — qui ont même raccompagné hors de la ZAD ceux qui ont réussi à s’y infiltrer, à quelques exceptions près — les journalistes s’empilent près du carrefour du Bois Rignoux, devant la mairie de Notre-Dame des Landes, voire au Super U de Vigneux, « pour manger au kebab », résument, narquois, les villageois.

Un enfant du pays fait partie de l’opération. « Sa spécialité, c’est d’ouvrir les portes des cabanes. Il est passé saluer ses parents avec le gros camion » se livre un voisin. « Il est là pour la semaine au moins ». Un autre dans le bourg se confie : « Toute la semaine, ça devrait être tendu, mais ils vont y arriver, et enfin on pourra passer à autre chose. Bon débarras ». Retour au Super U : « des zadistes, il y en a de bien, mais il y en a, ce sont de vrais cas sociaux. Ils viennent ici pour voler. Du fromage, de l’alcool. Il y en a assez ».

La destruction des 100 Noms scandalise l’ACIPA, la principale organisation d’opposants

Dans le feu de l’action, les gendarmes mobiles ont détruit la bergerie des 100 Noms. La destruction de trop ? Le lieu abritait un vrai projet agricole, « mais pas déclaré sauf dans la convention d’occupation collective déposée vendredi, peut-être trop tard », souffle un membre de l’ACIPA. La destruction a réussi à ressouder des opposants pas nécessairement motivés pour défendre les « irréductibles » du centre de la ZAD, notamment à cause de leur opposition à la réouverture de la RD281 qui faisait pourtant consensus entre les riverains et une part majoritaire des soutiens à la cause anti-aéroport.

Dans la soirée, l’ACIPA, principale association des opposants à l’aéroport, a appelé ses militants à « venir en nombre » sur la ZAD dès le mardi matin pour « montrer leur désaccord » avec l’opération d’expulsion en cours. En effet, « la ferme en devenir des 100 noms portait un vrai projet agricole, un projet solide et pérenne. Son expulsion et sa destruction constituent une ligne rouge que le gouvernement a franchie. D’autres lieux de vie porteurs de projets sont aussi menacés. Ce passage en force, à l’opposé des paroles d’apaisement du gouvernement et de la Préfète, notamment de maintenir une agriculture alternative, est inacceptable et choquant », relève l’association.

Plus tôt dans la journée le collectif paysan Copain44, proche de la Confédération Paysanne, appelait dans un communiqué au « dialogue » et en disait plus sur le projet des Cent Noms : « Ce projet est réparti en 2 volets autour de l’élevage ovin : un premier en brebis laitière avec transformation fromagère. Un bâtiment de 430 m² a déjà été construit (et aujourd’hui détruit). Un 2e projet associatif de production de brebis viande destiné à la formation pour la conduite de troupeaux, l’écopaturage, le sylvopastoralisme et la valorisation des pâturages humides. Le projet s’appuie sur des terres occupées depuis 5 ans et ont la potentialité de se développer avec des fermes mitoyennes à reprendre pour atteindre 45 ha ».

Censé être protégé en effet par les négociations en cours avec les Préfectures, le lieu de vie des 100 noms avait des habitants très investis dans la préparation de l’avenir après la ZAD. Une bergerie avait été montée sous le hangar – quelques moutons, des ânes, on est loin de la ferme vraiment établie et rentable. Mais un projet agricole avait tout de même été monté, « et était bien plus réaliste que d’autres », relève un autre membre de l’association, qui trouve que « les zadistes ont mis longtemps à comprendre qu’il fallait respecter l’état de droit, et bien plus encore pour faire les démarches nécessaires, finalement faites hors délai, donc trop tard. Ils sont entièrement responsables de la situation, irréductibles ou pas ».

Le CéDPA – collectif des élus doutant de la pertinence du projet d’aéroport coprésidé par Françoise Verchère – s’est fendu dans la soirée d’un communiqué un brin équilibriste sur ce sujet, rappelant « l’urgence » d’un « dialogue constructif ». En effet, écrit leCéDPA  « nous demandons à l’État de ne pas aller au-delà de la libération de la route et de respecter les engagements pris par madame la préfète lors de précédentes rencontres d’étudier les différents projets en cours. Nous demandons par ailleurs aux nouveaux habitants d’accepter les règles minimales nécessaires à leur régularisation ». C’est-à-dire – comme l’a rappelé l’ACIPA – le dépôt de demandes de conventions individuelles d’occupation, comme l’avaient demandé les pouvoirs publics avant le 31 mars.

Nantes : le Grand Soir des zadistes a fait flop

Depuis des mois, c’était annoncé : le soir de l’expulsion des zadistes, il devait y avoir une manif à Nantes à 18 heures. L’ultra-gauche a organisé la bagatelle de 80 rassemblements – dont l’occupation brève en cours de journée de la mairie de Forcalquier (04). Lancée à19h devant la Préfecture, la manifestation – encadrée par un dispositif policier très impressionnant, tant derrière la Préfecture que dans le centre-ville (place Sainte-Croix, Bretagne, Calvaire, place du Change) que dans les rues autour du marché de Talensac – n’a jamais compté plus de 1800 personnes (1200 selon la police).

Hurlant « police nulle part zad partout » et autres slogans anarchisants, les manifestants ne se sont guère signalés que par deux poubelles brûlées place de l’Ecluse vers 19h10 et une tentative de prise à partie des policiers devant la Préfecture à 19h50 après qu’ils aient été empêchés de faire un second tour de ville. Repoussés alors qu’ils tentaient de pousser le long des quais de l’Erdre vers les Facultés, les 800 manifestants qui ont bravé l’averse ont fini par s’engouffrer dans le bas de la rue Bellamy, ont tourné dans la rue de Bel Air, puis Bodiguel d’où ils ont été empêchés de revenir dans le centre par la place Viarme. Les quelques centaines restantes se sont dispersées vers 20h40, une trentaine de manifestants restants, jeunes et habitués des désordres, ont été chassés par la BAC alors qu’ils insultaient des CRS. Trois personnes seulement ont été conduites au poste pour vérification d’identité.

L’assaut sur la Préfecture dont rêvaient les zadistes – comme en novembre 2012 – a donc été remis aux calendes grecques. « Mais on se reverra, demain, samedi sûrement, on n’a pas fini », menaçait l’un d’eux tout en insultant une rangée de CRS au bas de la place Talensac, dont – fait rare – une jeune femme, impassible sous son casque et l’averse. Deux très jeunes roumains, probablement peu concernés par l’objet de la manifestation, tentaient la menace, « bah on ira voir le juge ». Nulle réaction. Un militant professionnel tentait la culpabilisation « vous êtes payés par mon salaire [lequel ?] Vous êtes les ouvriers de la peur ».

Plus haut, tandis que les CRS se repliaient dans la nuit tombante, manoeuvrant avec leurs véhicules au milieu de la bruine, un riverain venait à la rencontre des forces de l’ordre. « Merci beaucoup d’être là. A samedi sans doute. Bon courage ! ».

Louis Moulin

Crédit photos : breizh-info.com
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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