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Première découverte d’art rupestre préhistorique au charbon de bois en Dordogne

Une nouvelle étude vient de mettre en évidence, pour la première fois, au cœur des galeries de la grotte de Font-de-Gaume, en Dordogne, des réalisations d’art rupestre préhistorique à base de charbon de bois. De plus, cette étude a permis de faire progresser les techniques d’analyses sans altérer ni endommager les peintures. Ces résultats contribuent à une meilleure compréhension de l’organisation de l’ornementation de la grotte et, par conséquent, du langage imaginaire de nos ancêtres préhistoriques.

Une équipe de chercheurs de l’Institut de Recherche de Chimie Paris et du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) a mené une recherche au cœur des galeries de la grotte de Font-de-Gaume, en Dordogne. Antoine Trosseau, aujourd’hui enseignant à l’IUT et chercheur au laboratoire ABTE de l’université de Caen, a participé à cette étude dont les résultats viennent d’être publiés dans Nature Scientific Reports (First discovery of charcoal-based prehistoric cave art in Dordogne https://www.nature.com/articles/s41598-023-47652-1.)

« Cette étude a permis d’identifier, pour la première fois, des réalisations d’art rupestre préhistorique à base de charbon de bois en Dordogne, une région connue pour ses nombreuses grottes ornées, dont la plus célèbre est Lascaux. Cette découverte ouvre donc la possibilité d’une datation directe de ces mystérieuses peintures par radiocarbone. En effet, la datation radiocarbone « Carbone 14 » ne peut être appliquée qu’à des matières organiques, telles que le charbon, que l’on pensait absent des peintures de Dordogne. Jusqu’à maintenant, seuls des critères stylistiques permettaient de situer ces peintures dans le temps. En outre, ces nouveaux résultats contribuent à mieux comprendre l’organisation de l’ornementation de la grotte et donc le langage imaginaire de nos ancêtres préhistoriques. La découverte fait aussi avancer les stratégies d’analyses non-invasives, c’est-à-dire sans prélèvement, des peintures préhistoriques et soulignent leur intérêt », explique Antoine Trosseau enseignant à l’IUT et chercheur au laboratoire ABTE de l’université de Caen.

Étude : caractériser les matériaux employés par nos ancêtres préhistoriques

Cette découverte intervient au cours d’une campagne d’analyses des peintures de Font-de-Gaume, dirigée par Ina Reiche, directrice de l’UAR Lab-BC basé au C2RMF, visant à caractériser les matériaux employés par nos ancêtres préhistoriques. La connaissance de ces matières colorantes permet en effet d’établir des liens entre les différentes entités graphiques pour discuter de leur contexte de création et questionner les techniques et les savoir-faire. Avec des données suffisamment précises, il est même possible de relier les peintures avec du mobilier coloré ou des sources géologiques.

Toutefois, la qualité des données recueillies est très dépendante des techniques et méthodes mises en œuvre. En particulier, depuis plusieurs décennies les politiques de conservation des patrimoines préhistoriques tendent à écarter le recours aux prélèvements, qui sont les seules permettant de réaliser des analyses poussées à l’heure actuelle. C’est pourquoi de nouvelles stratégies d’analyses non-invasives sont actuellement développées, ce qui permet de relancer des campagnes d’analyses. A Font-de-Gaume, une seule étude physicochimique des matériaux avait eu lieu auparavant, menée peu de temps après la découverte des peintures rupestres de la grotte en 1902, par le chimiste nobelisé Henri Moissan.

Méthodes utilisées

Ici, l’utilisation complémentaire de techniques de terrain telles que l’imagerie infrarouge, la spectroscopie Raman in situ et la spectroscopie de fluorescence X portable a permis d’identifier un nombre significatif de figures paléolithiques réalisées à partir de charbon de bois, parmi d’autres réalisations à base de matières colorantes minérales dans les galeries principales de la grotte. Notamment, les peintures constituées de poudres de roches naturelles à base d’oxydes de manganèse aux teintes noires ne pouvaient être distinguées à l’œil nu des figures au charbon, tandis que celles à base d’oxydes de fer donnent des teintes rouges, jaunes ou ocre.

La spectroscopie Raman permet d’identifier les molécules selon leurs liaisons chimiques, tandis que la spectrométrie de fluorescence X détecte les éléments chimiques non légers comme le calcium, le fer ou le titane mais pas le carbone. La première est donc bien adaptée pour identifier directement les minéraux et les molécules organiques comme le charbon, la seconde pour analyser des matières minérales et les différencier selon les différentes proportions d’éléments. Dans ce cas, c’est l’absence de signal lors de l’analyse d’une matière noire qui indique la présence très probable de charbon. Enfin, les tracés au charbon absorbent différemment le rayonnement infrarouge que les autres matières minérales noires, ainsi ils peuvent être facilement distingués avec de l’imagerie infrarouge.

Un éclairage original sur les peintures de Font-de-Gaume

Ces nouveaux résultats apportent un éclairage original sur les peintures de Font-de-Gaume. Ils soutiennent l’hypothèse d’au moins deux phases distinctes de création, comme cela avait pu être proposé par les lectures de précédentes générations d’archéologues. On discernerait donc d’une part, des bisons peints de manière réaliste, avec une palette de couleurs variées, allant du noir au marron, du rouge au jaune, et où peinture et gravure se conjuguent pour créer des effets de relief saisissants sur les parois. Certains bisons naturalistes sont simplement dessinés avec des traits noirs, offrant une variante stylistique. D’autre part, on observe également des représentations plus schématiques d’animaux variés tels que des bisons, des chevaux et des cerfs. Ces représentations présentent un style plus simplifié, moins détaillé. On retrouve les figures tracées au charbon plutôt dans cette catégorie. Le radiocarbone pourra donc bientôt nous dire quand ont été réalisées ces figures, ce qui permettra d’identifier plus précisément qui les a réalisées.

Crédit photo : DR
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2 réponses à “Première découverte d’art rupestre préhistorique au charbon de bois en Dordogne”

  1. gérard fresser dit :

    Ne pas oublier ceci:
    Découverte le 30 septembre 2000 par Marc Delluc dans la vallée de la Dordogne, la grotte de Cussac abrite des centaines de gravures paléolithiques et des restes humains de plus de 29 000 ans. Elle peut être considérée par son importance comme un “Lascaux de la gravure”, en référence à la plus célèbre grotte ornée de France.

  2. mouchet dit :

    Magnifiques fresques qui n’ont rien à envier à l’art moderne vendu des millions. Fresques avec une composition remarquable et un dessin simplifié laissant sur la touche nos artistes en quête d’interprétation qui va nul part.

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