Tiers-mondisation de l’école : les concours d’enseignants bradés

Barres d’admissibilité dérisoires, fautes de base, références hasardeuses : les concours de l’Éducation nationale témoignent d’un naufrage silencieux.

Les résultats du concours de professeur des écoles 2025 confirment une tendance inquiétante : le niveau d’exigence ne cesse de chuter. Dans les académies de Créteil et Versailles, les seuils d’admissibilité ont été fixés à 6 et 7 sur 20 selon une enquête édifiante du journal Le Figaro publiée le 26 juin. À Paris et Orléans-Tours, ils n’excèdent pas 8. Seule l’académie de Rennes tire son épingle du jeu avec une barre à 13,25. Un fossé s’est creusé entre les territoires, mais le malaise est général. L’école de la République ressemble de plus en plus à un mythe.

Un effondrement du niveau écrit et culturel

Les rapports de jury dressent un constat accablant. Celui d’Amiens évoque des copies comportant « plus de dix erreurs orthographiques ou syntaxiques », avec des fautes récurrentes comme « malgrés que », « parmis », « comme même » ou « le champs lexical ». Les confusions d’homophones et l’ignorance des règles de base (sujet/verbe, nature/fonction) sont omniprésentes. Quant au style, certains candidats emploient un langage familier inadapté, comme « de base ».

Les références culturelles s’effondrent. Des candidats citent Mylène Farmer ou Disney, Germinal est attribué à Balzac, Les Fleurs du mal à Victor Hugo. À Paris, une copie affirme que 1984 est une œuvre d’Orson Welles. Comme le souligne le jury de Reims, ces références sont « en deçà des attendus à ce niveau d’étude ». L’usage d’exemples tirés de Harry Potter ou Game of Thrones remplace désormais Madame Bovary.

En mathématiques, les lacunes sont tout aussi criantes : confusion entre nombres impairs et négatifs, mauvaise maîtrise des fractions et des pourcentages, ou encore ignorance de la formule de la circonférence. À la question : « Combien y a-t-il de quarts d’heure dans ¾ d’heure ? », la moitié des élèves de CM2 donne une mauvaise réponse, selon le CSEN (2023). L’absence de formation scientifique des enseignants du primaire est largement en cause.

Une politique du recrutement au rabais

Dans les académies de Créteil et Versailles, plusieurs centaines de postes sont restés vacants malgré des concours « supplémentaires ». Le ministère baisse les seuils plutôt que d’exiger des compétences. Toujours selon Le Figaro, seuls Bordeaux et Rennes dépassent le ratio minimal de quatre candidats par poste.

En parallèle, les enseignants contractuels (souvent des recalés au concours) sont en augmentation. Moins formés, payés au rabais, ils deviennent les « chiffons de l’Éducation nationale », selon leurs propres mots. La formation dispensée dans les Inspé (instituts du professorat et de l’éducation) est jugée abstraite et déconnectée des réalités. Résultat : 15 % des jeunes professeurs quittent le métier dans les premières années.

L’école française ne forme plus. Elle se délite, gangrenée par une idéologie égalitariste qui préfère niveler par le bas. Une politique du renoncement qui pourrait bien condamner une génération entière.

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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7 réponses à “Tiers-mondisation de l’école : les concours d’enseignants bradés”

  1. Durandal dit :

    Bonjour,

    Une génération entière… vous êtes gentil. Les gens constatent que la promotion sociale ne dépend plus des études. C’est le savoir qui est dénigré. On ne se relève pas d’un tel fonctionnement comme ça.

    Cdt.

    M.D

  2. Domper dit :

    Tout est voulu, organisé et adoubé par nos politiques…La fabrique de crétins comme titrait JP Brughelli dans son excellent livre est en marche depuis longtemps déjà. Le peuple idiot est plus facile à manipuler. Regardez les élites et les écoles où ils mettent leurs enfants, futurs décideurs et détenteur du pouvoir à venir….

  3. Clémentine Ségala dit :

    Il n’ a pas que l’orthographe qui est à la dérive mais aussi la syntaxe. Les nouveaux professeurs sont majoritairement recrutés sur le terreau de l’incompétence. Il manque des professeurs? La porte est ouverte.
    Combien ne maitrisent pas l’orthographe? Il m’est arrivée de lire des copies d’étudiants en deuxième année de Droit bourrées de fautes d’orthographe et, pire, de syntaxe. Professeurs et Censeurs poussent dans ce même terreau.
    Ainsi :
    « malgrés que » est doublement INCORRECT, à la fois faute d’orthographe et de syntaxe.
    On écrit « malgré + NOM » (malgré la pluie, nous sortons).
    On écrit « bien que + VERBE au subjonctif » (bien qu’il pleuve nous sortons).
    À qui la faute ?
    L’école est en perdition depuis plus de 40 ans pour des raisons multiples liées aux programmes d’enseignement, au manque de compétences et à l’absence d’autorité. Les responsables le savent très bien et s’en félicitent en silence car une école qui forme des crétins ne produira que des citoyens malléables et incapables de réfléchir.

    Je n’évoquerai ici qu’un seul point fondamental: l’enseignement de la grammaire.
    Celle-ci a été sacrifiée, détruite jusque dans ses racines par des « penseurs » incompétents.
    Au primaire, on apprenait jadis la « grammaire traditionnelle ». Ainsi, à l’entrée en 6eme de collège, les enfants savaient construire une phrase, repérer et analyser une proposition indépendante, une principale et une subordonnée. Ce sont les bases fondamentales de la SYNTAXE, de la maîtrise de la langue. Tout cela a été aboli par des « sachants », complices du « désastre organisé », du « sabordage volontaire » du navire.
    La grammaire, c’est aussi la maîtrise de la « Nature des Mots ». Les élèves, même au lycée, ne savent pas distinguer un pronom d’un adjectif ou d’un adverbe et ne parlons pas de leur classification. Qu’est ce qu’un pronom démonstratif/personnel/possessif/indéfini? Idem pour les adjectifs. Les élèves sont dépourvus du raisonnement capable de les reconnaître et de les analyser.
    À quoi se réduit aujourd’hui l’enseignement de la grammaire au collège? Simplement à ce qu’on a convenu par idiotie « la grammaire de texte ». Elle consiste à prendre dans un texte en cours d’étude une phrase quelconque pour en extraire un point grammatical, au choix du professeur. C’est une absurdité, un non sens, un danger pour l’intelligence. L’étude de la grammaire, comme pour les mathématiques ou autre science, ne peut se faire que par étapes. Comme on n’apprend pas Thalès ou Pythagore avant de savoir compter, on ne peut apprendre la grammaire que de façon rigoureuse et suivie. Ce n’est plus le cas depuis trop longtemps.
    Or, l’école a démissionné, abandonné, sacrifié. Elle a formé des « crétins » et persévère dans cette voie.
    Il n’est pas surprenant que les élites qui nous gouvernent mettent leurs enfants dans le privé grand chic et que des parents attentifs veuillent instruire leurs enfants à la maison pour les soustraire au crétinisme, à la violence verbale et physique.
    Qui a envie, aujourd’hui, d’endosser l’habit du Maître, de celui qui était à une époque révolue chargé d’instruire, qui était respecté et aimé? Très peu en vérité. Le Maître d’aujourd’hui n’a pas forcément lu Victot Hugo ou Baudelaire et, pour certains, jamais lu un livre de leur vie.

    Nous sommes entrés de plain-pied dans une société du déclin intellectuel, prélude à la société de la sauvagerie.
    Seuls, des gens capables, instruits, honnêtes et motivés pourraient faire naître un espoir.
    Clémentine Ségala, ancienne professeur de lettres

  4. Raymond Neveu dit :

    Jadis c’était très difficile d’obtenir son CAPES et affreusement difficile d’obtenir son Agrégation! A des gamins de 12 ans portant cravate le professeur disait : « Monsieur! » En en parlant à mon père il me répondait « Mais c’est normal vous n’êtes pas n’importe qui! »

  5. Clémentine Ségala dit :

    @Raymond Neveu Je partage votre propos. À l’époque lointaine où j’ai obtenu mon CAPES de Lettres, le concours était très difficile, moins de 2% d’admis dans mon académie, et ne parlons pas de l’Agrégation quasiment inaccessible. L’enseignement était un métier où l’on entrait par conviction, par amour même. On enseignait, on n’éduquait pas. J’ai connu des élèves respectueux qui n’avaient jamais un mot de trop, qui jamais n’auraient osé contester l’autorité. Il faut dire que dans des cas très rarissimes d’indiscipline, la sanction tombait, immédiate, sévère, même pour des motifs qui aujourd’hui paraîtraient excessifs. On a supprimé la « chaire et l’estrade » pour mettre le professeur au niveau des élèves.
    On lui a demandé de se justifier et pire de s’excuser. On lui a enlevé son pouvoir essentiel: l’autorité. L’autorité qui a été remplacée par l’humiliation, l’autorité, cette vertu nécessaire quand elle est juste et sans laquelle une société, une civilisation même, s’effondre.
    Nos gouvernants qui veulent faire de l’école « un sanctuaire » sont de fieffés hypocrites. Ce ne sont pas des portiques de sécurité et des discours dont l’école a besoin mais d’actes de fermeté et d’un bouleversement en profondeur de ses méthodes éducatives et de ses contenus pédagogiques.
    Dans un monde où la morale est piétinée tous les jours, il est urgent de redonner à l’école ses valeurs perdues. Une mission qui parait impossible tant notre société est malade de ses contradictions, de ses idéologies et de son laxisme.
    Clémentine Ségala

  6. Raymond Neveu dit :

    Je souscris pleinement aux propos de Madame Segala! On trouve encore dans l’Ultra Privé un climat sain!

  7. Castel dit :

    Je plussoie les différents commentaires déjà publiés.

    Je tiens toutefois à préciser que la décadence de l’école, indépendamment de la mutation faite de « l’instruction publique » en « éducation nationale », a commencé dès 1959 et non pas « récemment » comme certains le pensent ! En revanche, il est clair qu’un fort coup d’accélérateur a été mis ces 10 dernières années, surtout avec les réformes successives du collège (Najat Vallaud-Belkacem) et du lycée (Jean-Michel Blanquer)!

    Mais l’introduction des « maths modernes » au début des années 70 a été un véritable poison détruisant les connexions logiques que les enfants établissaient dès leur plus jeune âge. Cette introduction couplée à la modification de l’enseignement de la grammaire et à l’introduction de la méthode globale pour la lecture, a généré une sorte de tenaille entre les fers de laquelle la logique a perdu progressivement ses racines et les mots leur étymologie…

    Quant aux concours d’enseignement, voici quelques données (certaines chiffrées) qui parlent d’elles-mêmes (je donne des chiffres de mémoire – ils ne sont donc peut-être pas entièrement exacts mais l’ordre de grandeur est bon) :
    – en 1992 : moyenne du dernier candidat admis au CAPES de Sciences Physiques = 5,4/20
    et pour le CAPES de Math = 3,2/20 !
    à tel point que… les candidats au CAPES de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre – anciennement appelées « Sciences Naturelles ») finissaient par se présenter au CAPES de math et le décrochaient ! Leur CAPES étant, à cette époque, extrêmement difficile à obtenir tant les candidats étaient nombreux ! L’agreg de Sciences Nat était d’ailleurs plus accessible que le CAPES de cette discipline)
    Or, c’était il y a 33 ans…

    – en 1994, une amie malvoyante, qui venait de recevoir une carte postale de sa petite fille, me demanda de lui en faire lecture. Or, dans ces quelques lignes TRUFFÉES de fautes d’orthographe, sa petite fille lui annonçait qu’elle venait de décrocher son agrégation de lettres modernes !!!!!!! (ce qui était exact) Et c’était là encore il y a plus de 30 ans !

    – en 2023, par curiosité, j’ai téléchargé 3 sujets des épreuves écrites du nouveau concours pour devenir « professeur des écoles » mis en place en 2022 : français, mathématiques et sciences physiques.
    A la lecture des énoncés (alors que je venais de découvrir les taux de « réussite » dans les différentes académies avec les seuils d’admissibilité et ceux d’admission) les bras m’en sont tombés !!!!!
    Le niveau de ces épreuves était celui du Brevet (aujourd’hui appelé DNB), un bon Brevet certes, mais seulement un Brevet !
    Je les ai d’ailleurs soumises à ma plus jeune qui venait justement de passer son DNB : elle a fait un quasi sans fautes !
    Alors découvrir le contenu des rapports de jury (notamment des académies de Créteil ou Versailles) et connaitre les seuils d’admission, permet de mesurer le gouffre abyssal dans lequel le M.E.N. plonge délibérément nos enfants !

    C’est alors que l’inquiétude me taraude : comment les gens parviendront-ils à communiquer entre eux d’ici quelques années si on laisse cette situation perdurer, l’absence de mots cédant généralement la place à la violence ?

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