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Loire-Atlantique en Bretagne : non à la réunification mais oui au référendum

Dans une ambiance surréaliste – entre un Pascal Bolo qui citait Morvan Lebesque et une Catherine Touchefeu qui citait Paul Eluard – les élus du conseil général de Loire-Atlantique ont rejeté ce matin la réunification bretonne tout en adoptant presque comme un seul homme  (55 pour, 3 contre, 3 abstentions) un vœu pour un référendum sur la même question – en espérant bien sûr que le non l’emporte. En toile de fond : la clameur, jamais autant sensible quoique absente, de la contestation des Gilets jaunes. Récit.

Peu avant 10 heures, Philippe Grosvalet (PS), président du conseil départemental, prend la parole : il se réfère directement au « contexte des Gilets jaunes qui nous oblige à nous interroger en profondeur, alerte sur notre capacité à préparer les défis de demain […] sur la nécessité d’un impôt plus juste […] sur la nécessité de tenir ensemble tous les territoires de la République. En voulant imposer le ruissellement, couper les métropoles des territoires, on prend le risque d’accentuer les fractures », explique-t-il en se livrant à un réquisitoire contre Macron.  Un élu socialiste, David Martineau, rappellera d’ailleurs plus tard que « le oui à l’aéroport en Loire-Atlantique a recueilli plus de voix que les députés LREM au second tour des législatives ». A bon entendeur…

Lire entre les lignes : s’il n’y avait pas les Gilets Jaunes, les 100.000 signatures pour l’exercice du droit d’option sur la réunification amassées par Bretagne Réunie auraient été purement et simplement ignorées. Mais là, « au cœur des revendications, il y a les changements dans les institutions. Nos concitoyens ne rejettent pas la politique, ils veulent y être plus étroitement associés ». Mais pas par une consultation, explique Philippe Grosvalet, puisque Macron s’est assis sur celle qui a voté pour l’aéroport en choisissant de l’abandonner en début d’année.

Gatien Meunier (LR) :« jamais les Pays de Loire n’accepteront de s’amputer de la Loire-Atlantique, de Nantes, capitale régionale ».

« Quand on demande d’aller voter, ce vote doit être décisionnel. Quand on vote, ce n’est pas simplement pour donner un avis mais pour décider », explique le président du conseil départemental. Qui en profite pour ouvrir le débat : « ce qui honore une assemblée, comme la nôtre, issue de la Révolution, c’est de débattre ».

On part donc sur deux bonnes heures, où des élus de toutes tendances s’expriment – principalement sur leur opinion personnelle, puisque beaucoup affirment ne pas avoir mandat de leur canton sur la question, puisqu’ils n’ont pas fait campagne à ce sujet. Gatien Meunier (LR) indique assez rapidement que « jamais les Pays de Loire n’accepteront de s’amputer de la Loire-Atlantique, de Nantes, capitale régionale ».

 C’est dit.  Et on pourrait ajouter de 55% du PIB régional, l’essentiel de la production électrique, une grande partie de l’industrie, des emplois à haute valeur ajoutée, des centres de recherche scientifique – la Loire-Atlantique est la poule aux œufs d’or des Pays de Loire comme la Catalogne est celle de l’Espagne.

Freddy Hervochon, conseiller général PS du canton de Rezé, affiche sa « conviction que le débat sur le contour des régions n’est pas prioritaire. Certains souhaitent nous embarquer à nouveau dans une consultation » qu’il qualifie de « piège. Ce n’est pas un référendum. Si  cela avait été le cas, nous décollerions de Notre-Dame-des-Landes ». La matinée a d’ailleurs été ponctuée de lourds regrets sur cet aéroport mort-né.

Personne en revanche pour remarquer que cette consultation a été délibérément prévue pour faire gagner le oui : question biaisée, arguments économiques éludés, contre-vérités flagrantes soutenues par les instances politiques… Le gouvernement, en privilégiant la solution la plus simple en termes de maintien de l’ordre, n’a fait guère que renvoyer les élus locaux à leurs responsabilités.

Jean-Yves le Drian, l’empêcheur de fusionner (La Bretagne et les PDLL) en rond

Et de plaider pour la fusion entre Bretagne et Pays de Loire – un vieux projet des élites politiques et économiques locales, que ce « Grand Ouest ». Étendu à la Normandie – comme le maire de Loirauxence Claude Gautier – ou au Poitou selon les versions. Freddy Hervochon a cependant une audace inhabituelle : « s’il y avait deux régions qui devaient fusionner au regard de nos coopérations, c’est bien la Bretagne et les Pays de Loire. Nous avons loupé une occasion historique de réunifier la Bretagne, cela a été empêché principalement par un seul homme, Jean-Yves le Drian, qui ne s’est pas embarrassé d’une consultation citoyenne ».

Superman PS et ses contradictions

Jérome Alemany (PS), le conseiller général « Superman » socialiste, a quant à lui une argumentation contrastée. « Je ne crois pas à l’intangibilité des limites », commence-t-il par dire. « Je me méfie des projets qui se constituent sur une base identitaire. Notre monde en est plein, les nationalismes, populismes ». Et d’essayer de jouer sur les peurs : « après le rattachement, l’autonomie, au risque de graves fractures ? ». Cependant il explique ensuite que « dans un cadre breton », les intérêts de la Loire-Atlantique lui semblent mieux défendus, du reste « si la Loire-Atlantique était en Bretagne, l’aéroport se serait fait ». Donc il vote pour le référendum.

Yannick Bigaud, divers droite et élu de Guéméné-Penfao, a un autre argument : sa commune est dans une communauté de communes [de Redon] à cheval sur les trois départements de Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine et Morbihan – c’est en gros le seul territoire de Loire-Atlantique où la Réunification est déjà faite. Or, « La Loire-Atlantique est la dixième destination du tourisme breton – Bretagne Loire Océan – et la marque Bretagne veut dire quelque chose, elle est reconnue internationalement ».

Bolo et Morvan Lebesque : Nantes, citadelle du surréalisme municipal

Nantes a été longtemps un bastion du socialisme municipal – et en réalité celui du réalisme socialiste, postsoviétique celui-ci. C’est maintenant celui du surréalisme municipal. Le premier adjoint Pascal Bolo (PS) est aussi, entre autres, conseiller départemental. Et il se fait remarquer… en citant Morvan Lebesque. « A chacun l’âge venu la découverte ou l’ignorance. C’est à cette époque que j’ai décidé que j’étais Breton et que j’ai manifesté – on n’est pas sérieux à 17 ans – contre les Pays de Loire ».

Mais l’eau a coulé sous les ponts. « Je suis l’élu d’une grande ville exemplaire pour la défense de la culture bretonne », ce dont une certaine plaque place du Bouffay est certainement l’exemple le plus visible. « Si Nantes est à l’évidence bretonne, elle est aussi vendéenne, ligérienne. Ceux qui se sentent bretons à Nantes ne doivent pas décréter que les Vendéens doivent se débrouiller avec la Nouvelle-Aquitaine, la Sarthe se noyer dans le Grand Paris. Nous n’avons pas le droit de disposer des autres ».

Après la session, Pascal Bolo complète son propos : « je ne vais pas suivre mes 17 ans, je vote pour la simple fusion des régions [administratives] Bretagne et Pays de Loire. Nantes a des devoirs de capitale régionale, y compris au sujet des territoires qui ne sont pas bretons ».

Quant à la capitale du nouvel ensemble ? « C’est Nantes à l’évidence. Mais on a déjà un mode de développement multipolaire où chaque métropole – non seulement Nantes, Rennes, Brest, Angers, mais aussi Saint-Nazaire ou Cholet, peut rayonner sur son territoire ». Et « le modèle lyonnais n’est pas applicable – nous n’avons pas le même mode de développement et une alliance déterminante avec Saint-Nazaire ».

Catherine Touchefeu (PS) : « la frontière est un mot borgne »

Le surréalisme municipal inspire aussi l’élue nantaise Catherine Touchefeu (PS), qui cite Paul Eluard, « la frontière est un mot borgne ». Pour l’élue du canton Nantes-7, « la frontière est un mal nécessaire, mais elle doit tenir compte des aspirations des uns et des autres ». Par exemple de tous ceux qui rejoignent Nantes ? Sujet brûlant s’il en est.

Karine Paviza : « on va enlever la locomotive des Pays de Loire et laisser les wagons tout seuls »

Maire (sans étiquette) de Geneston, au sud de Nantes, Karine Paviza fait une intervention aussi courte que sentie : « qui va payer, combien coûte une consultation ? Depuis quelques semaines des personnes bloquent les ronds-points contre les charges, on va leur mettre une charge de plus. Et ce pour enlever la locomotive des Pays de Loire et laisser les wagons tout seuls ». Pour la petite histoire, la consultation sur l’aéroport a coûté 300.000 €, rappelle Philippe Grosvalet – et des maires précisent dans l’assemblée que « cela ne couvrait pas tous les frais ».

Danielle Rival, de La baule  (LR) : « Je ne me sens pas bretonne. »

Danielle Rival (LR), élue bauloise, résume. « Je ne me sens pas bretonne. Nous n’avons pas le droit d’amputer les Pays de Loire de la Loire-Atlantique ». Après la session, elle se place sur la même ligne qu’une élue de la majorité, Françoise Haméon : « j’aime la culture bretonne, mais je ne me sens pas bretonne. Je ne sais dire que Kenavo (sic) », explique la Bauloise.

L’ex-castelbriantaise Françoise Haméon (PS) abonde : « les Pays de Loire ont 30 ans, on ne peut pas les annihiler, ce n’est pas 100.000 habitants [de Loire-Atlantique signataires de la pétition] qui peuvent convenir de la destinée de leurs 3.5 millions d’habitants ». Et de dénoncer « la loi NOTRE avec laquelle on tape dans le mur, c’est un jeu de dupes. Il faut aller vers un vrai référendum » et non le parcours semé d’embûches du droit d’option.

Danielle Cornet, maire de Pontchâteau (sans étiquette, divers gauche) ne fuit pas en revanche le débat : « oui à titre personnel pour le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne » et se prononce « en faveur de ce vœu [le réferendum] qui obligera à un vrai débat national ». Alors qu’on arrive au vote, un autre élu rappelle que les Pays de Loire « partagent un art de vivre autour du Val de Loire ». Tant pis si le gros du périmètre Unesco est en région Centre, avec la quasi-totalité des châteaux de la Loire, et que la Loire ne coule que dans deux des cinq départements des Pays de Loire.

Ronan Dantec : « les Gilets jaunes ont joué un rôle important»

Avant le vote Philippe Grosvalet adresse un dernier satisfecit : « je suis extrêmement fier de présider cette Assemblée, surtout au moment où la démocratie représentative semble vaciller. Le débat d’aujourd’hui doit redonner du sens à cette démocratie représentative. Nous sommes les héritiers de la Constituante, qui ont voulu ces départements pour rompre avec l’histoire des provinces ». Ce qui a été particulièrement raté en Loire-Atlantique : à quelques communes près, c’est la copie conforme de l’ancien pays – et diocèse – de Nantes.

Au premier vote – pour le droit d’option, quatre élus ne participent pas au vote. Sur les 58 restants, 13 sont pour, 30 contre et 15 s’abstiennent. On remarquera qu’en fin de semaine dernière, Bretagne Réunie avait identifié neuf élus susceptibles de voter pour, « principalement de droite ». Quatre de plus ont donc rejoint leurs rangs.

Au second vote, un membre de l’assemblée ne participe pas. Sur les 61 votants, 55 votent le vœu pour un référendum, trois sont contre, trois s’abstiennent. Le sénateur Ronan Dantec, qui se dit « optimiste sur l’organisation du référendum », nous précise que « c’est une étape, vraiment. Il y a un consensus sur la démocratie directe. Les Gilets Jaunes ont beaucoup joué. Il y a un alignement des planètes étonnant ».

Un vote gagné (ou perdu) d’avance ?

Les deux votes faits, tout le monde s’égaie. La discussion du budget n’intéresse pas grand monde : est-ce l’argent qui commande vraiment le monde, ou les identités ? Devant un parterre de micros, Philippe Grosvalet donne sa vision des choses : « les élus ont donné des pistes pour que le débat soit relayé au plus haut niveau de la Nation. Le seul chemin pour modifier les frontières de l’ouest de la France, c’est le référendum. Sur ce débat qui n’a pas été tranché pendant cinquante ans, nous demandons qu’il le soit par les citoyens ».

Un vote gagné (ou perdu) d’avance ? « Je ne suis sûr de rien. Croyez-vous que les Gilets jaunes sont sûrs des réponses que le président de la République va leur apporter ? » , balaie-t-il. Ces Gilets jaunes absents – il n’y avait qu’un petit rassemblement de Bretagne Réunie devant le Conseil Régional, avec drapeaux et bonnets rouges cependant – mais si présents. Sans eux, qui semblent avoir déclenché une « grande peur » des élus , les multiples verrous législatifs qui empêchent la réunification bretonne seraient probablement restés fermés à double tour.

Louis Moulin

Crédit photo : Breizh-info.com
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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