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Saisie de cocaïne à Montoir-de-Bretagne : des dockers mis en cause

Suite à une nouvelle saisie de 200 kilos de cocaïne dans un conteneur tout juste déchargé, le 10 octobre dernier, dans la soirée, au port de Montoir-de-Bretagne (44), deux personnes, des dockers de 27 et 29 ans, ont été placées en garde à vue par la JIRS (juridiction interrégionale spécialisée) à Rennes. Ils ont ensuite été placés en détention provisoire. 

Le conteneur était censé transporter des déchets et avait été chargé sur un navire en provenance de Fort-de-France en Martinique. Cette saisie ressemble aux précédentes – plus de 330 kilos ont déjà été saisis dans ce port de juin 2017 à avril 2020, dans des conteneurs en provenance d’Amérique Latine transitant par la Guadeloupe et la Martinique ; la drogue était alors récupérée lors de l’ouverture des portes, selon la technique du rip-off, par les dockers, sortie du port et remise à des intermédiaires à proximité des installations portuaires. 

Une autre technique, moins usitée à Saint-Nazaire, est le switch – la drogue est sortie du chargement où elle est mise aux Antilles ou dans le pays sud-américain au départ et transférée dans un conteneur dont l’origine ou le chargement ne sont pas de nature à attirer l’attention des douaniers. Elle nécessite là encore des complicités sur le port pour déplacer la marchandise illicite, voire les conteneurs.  

Nantes : une « voie d’entrée secondaire » de plus en plus importante

En mai dernier, 364 kilos de cocaïne cachés dans deux conteneurs avaient été saisis par les douanes – sans aucune interpellation, cette fois ; les douaniers avaient eu l’information et ont fouillé des dizaines de conteneurs déchargés sur le quai. Le 4 mars 2022, ce sont 50 kilos de cocaïne dans un conteneur réfrigéré contenant des ananas, laissée sur le quai depuis plusieurs jours, qui ont été récupérés, cachés dans le moteur. Et 366 kilos de cocaïne s’étaient retrouvés dans une entreprise de logistique, le 3 février 2021, dans un conteneur de sucre en provenance du Brésil, en cours de déchargement. 

Contrairement au port du Havre, où 11 tonnes de cocaïne ont été saisies en 2021, la moitié des saisies nationales (23 T) – ou aux ports d’Anvers et de Rotterdam, très surveillés et où la police essaie de décourager les trafiquants, le port de Nantes-Saint-Nazaire est une voie secondaire d’entrée de la cocaïne en France, avec beaucoup moins de flux… mais aussi moins de surveillance. 

Au Havre, une fusillade a eu lieu en plein port le 26 avril dernier, les policiers tentant de déjouer une livraison de cocaïne. Le 20 septembre 2022, 235.2 kilos de cocaïne sont saisis et lendemain, un chauffeur interpellé au volant d’un camion volé – il venait récupérer la marchandise illicite ; fin janvier, 616 kilos de cocaïne étaient saisis et trois suspects, ainsi que deux dockers – dont un des Antilles – interpellés dans ce dossier à Gonfrefille l’Orcher (76) et aux Antilles. 

Sur tout le mois de janvier, 2.2 T de cocaïne ont été saisies dans ce port – donnant lieu à huit nouvelles enquêtes et plus d’une dizaine de mises en examen – le 31 janvier, outre les 616 kilos sortis du port, 575 kilos étaient saisis dans des sacs censés contenir de la levure de bière en provenance du Brésil et 291 kilos parmi des pneus usagés embarqués aux Antilles. En décembre,   une tonne a été saisie le 4, puis 1.5 tonnes le 22, dans des bananes colombiennes. 

En juin 2022, deux dockers chevronnés ont été acquittés aux Assises pour le rapt d’un autre docker en 2018, tandis qu’en septembre, deux autres dockers mis en cause dans un trafic découvert en 2020 ont été mis en examen et écroués. Le 11 juin 2020 un docker, Allan Affagaard, délégué syndical, est enlevé puis retrouvé mort le lendemain – des faits qui sèment la peur et le trouble chez les dockers, mais poussent aussi les trafiquants à aller voir ailleurs, dans des ports qui font moins la Une… et où les policiers ont moins connaissance des trafics. 

Marseille, la Rochelle… d’autres voies secondaires qui montent

Autre « voie secondaire » qui prend de l’ampleur – Fos-Marseille. Le 28 janvier 2022 un contrôle aléatoire de conteneurs d’un navire chilien par les douaniers locaux permet de trouver 13 sacs de sport dans un chargement de lames de parquet, et à l’intérieur, 450 pains de cocaïne pour 514 kilos au total – soit 36 millions d’euros à la revente, après avoir été coupée. 

Le 26 mai dernier, dans une cavité de la coque d’un cargo arrivé au port de la Rochelle – la Pallice, 124 kilos de cocaïne dans des sacs étanches, « conditionnés avec du néoprène et lestés par des disques en fonte » ont été trouvés et remontés par des plongeurs spécialisés, intrigués par une sangle à un endroit anormal – l’équipage, 23 marins chinois – et le commandant lui aussi chinois, ont été remis aux forces de l’ordre de l’OFAST, office français anti-stupéfiants. Le cargo était plein de pâte à papier et arrivait de Santos au Brésil. 

De lourdes peines pour un complément de revenu très lucratif

Début 2022, à Rennes, une dizaine de prévenus dont quatre dockers, avaient été jugés – deux dockers agés de 41 et 56 ans avaient écopé de 7 et 8 ans de prison ferme, ainsi que de la confiscation des biens saisis ; les dix prévenus jugés à ce procès et en octobre 2021 avaient été condamnés à une amende douanière de 8 millions d’euros. A l’époque, 690 kilos de cocaïne avaient été saisis au Brésil dans un cargo frigorifique en partance pour Saint-Nazaire, 72 kilos dans un réseau en Loire-Atlantique et 74 kilos dans un conteneur à Montoir, le 15 octobre 2017 – les douaniers avaient été pris à partie par des dockers, dont un des prévenus, armé d’une barre de fer. 

Le docker âgé de 56 ans, Thierry L. dit Youyou, fils et père de docker [son fils a d’ailleurs été condamné à 7 ans ferme dans la même affaire en octobre, après avoir été arrêté en octobre 2019 en train de remettre 140 (!) kilos de cocaïne à un intermédiaire], ex-boxeur, ex-videur, syndiqué, « gros bras », était une figure du port… et avait un casier judiciaire fourni. Violence, recel, détention d’armes, violences conjugales, association de mafaiteurs – lors de son procès il était incarcéré pour violence et blanchiment dans une autre affaire. Près de 400.000 euros en liquide sont retrouvés chez lui et des proches – il affirme au procès avoir accepté 42.000 euros des trafiquants, mais n’a pas sorti de cocaine. Douze ans de prison étaient requis – il a été condamné à sept ans ferme. 

Le second, Anthony M, avait facilité un « rip-off » en octobre 2019 en aidant un de ses collègues à déplacer un conteneur et à sortir de la drogue. Tous deux ont interdiction d’exercer la profession de docker ; l’intermédiaire, un restaurateur qui menait grand train, Stefano Carassalini, a été condamné à 8 ans de prison ferme. 

« Selon les enquêteurs, les rémunérations des dockers peuvent même aller jusqu’à 5000 euros par kilo, soit 700.000 euros pour 140 kilos [en liquide, bien sûr] Les trafiquants mettaient en concurrence les dockers, d’après les policiers », relate le Figaro, qui avait couvert le procès. 

Au Havre, les logisticiens de la cocaïne refusaient de travailler pour moins de 150 kilos

Au Havre, où le Monde avait consacré un article le 7 février dernier aux saisies, en forte hausse depuis le début de l’année 2021, « on a vu récemment aux abords des terminaux des trafiquants marseillais, des Hollandais, des gens issus de l’ex-Yougoslavie […] ces individus sont là pour suivre la amrchandise. De sources concordantes, un sud-américain, probable émissaire d’un cartel, a même été récemment identifié sur le port ». Quant aux dockers, ils peuvent toucher « de 5 à 10.000 euros pour fournir un badge d’accès au port, 50.000 euros pour déplacer un conteneur à un endroit déterminé [mais] gare à ceux qui discutent, se plaignent ou jouent aux flambeurs. Les menaces, les agressions et les séquestrations sont devenues récurrentes, si bien que six enquêteurs de la police judiciaire sont désormais occupés à plein temps par ces dossiers ». 

« Une opération s’était conclue, en décembre 2021, par les condalnations de petites mains d’une équipe spécialisée locale, originaire du quartier des Champs-Barets », pour des faits de 2017-2018, détaille le Monde. « Leurs conversations, tenues notamment dans un pavillon de Honfleur, avaient révélé leur grande connaissance du fonctionnement interne du port, autant que leur proximité avec les dockers […] les terminaux de France, de l’Atlantique, de Normandie ou d’Amérique se révélant tour à tour moins risqués pour eux selon les contacts du moment, le risque d’un transbordement ou la présence de barrières […] 

[Mis au courant] des délais d’arrivée des cargos selon chaque ligne maritime, ils avaient par ailleurs établi une véritable grille tarifaire : de 150.000 à 200.000 euros pour le recruteur docker, 50.000 euros pour le chauffeur de cavalier [portique], entre 10 et 20.000 euros pour le chauffeur routier chargé de récupérer la cargaison, plus éventuellement un entrepôt pour la stocker. L’équipe, elle, facturait aux commanditaires, le plus souvent parisiens ou marseillais, 4000 euros le kilo pour des quantités de 150 à 400 kilos et 2500 euros le kilo au-delà […] Le leader de l’équipe refusait de travailler pour moins de 150 kilos de cocaïne. Il affirmait alors vouloir réinvestir son argent dans l’immobilier en Algérie, au Maroc, ou convertir ses fonds en or à Dubaï ». 

Une source interrogée par les journalistes du Monde confiait à ce sujet « certains acteurs, déjà trop gros, sont désormais hors d’atteinte dans des pays comme l’Algérie, la Turquie ou les Emirats arabes unis, avec lesquels la coopération judiciaire est laborieuse, voire inexistante ». Et ce ne sera encore pas cet hiver, sans gaz russe, qu’on ira se fâcher avec ces pays producteurs de ressources énergétiques, et pour les Emirats, bons clients. 

Le Monde s’évite au passage une autre question dérangeante, entre les lignes : « les trafiquants étaient apparus, en outre, très au fait du déroulement des fouilles opérées par les douaniers et de leurs méthodes de ciblage des conteneurs suspects, quand ils n’étaient pas prévenus en amont d’un contrôle à venir. Et si une saisie devait arriver, charge à eux d’obtenir auprès des autorités du port, par le biais d’un docker corrompu, un « papier » le confirmant afin de prouver aux commandairaires que la drogue n’a pas été volée ». Sans oublier les « brouilleurs anti-balise, boîtes aux lettres mortes, et même faux passeport diplomatique de Guinée-Bissau » que l’un d’eux détenait. 

NL

Photo : DR
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Une réponse à “Saisie de cocaïne à Montoir-de-Bretagne : des dockers mis en cause”

  1. patphil dit :

    encore une violence policière, comment vont vivre les quartchiers si on les prive de marchandise?

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