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Géopolitique. Quelles sont les capacités aéro-navales US d’aujourd’hui, en 2024 ?

Depuis les grandes batailles du Pacifique, dont celle de Midway, qui ont permis aux USA de l’emporter sur le Japon, les groupes porte-avions sont devenus les instruments majeurs de projection de puissance des Forces Armées US sur la planète entière. Ils ont été utilisés dans tous les conflits dans lesquels les États-Unis ont été engagés. Les lecteurs reliront utilement l’étude proposée par le centre d’études supérieures de la Marine sur l’emploi de l’arme aéronavale dans la guerre du Pacifique.

Les groupes porte-avions, instruments clés des conflits mondiaux

La dernière utilisation impressionnante des groupes porte-avions occidentaux a pu être observée lors de la guerre du Golfe en 2003, dans laquelle pas moins de cinq groupes porte-avions ont été engagés simultanément dans une guerre contre un pays qui ne comptait, à l’époque, que 25 millions d’habitants.

Rappelons aux lecteurs ce que représente un groupe porte-avions US. Il est centré sur un porte-avions et une escadre de 65 à 70 avions. Ses effectifs sont d’environ 7 500 personnes. Ce porte-avions est accompagné d’au moins un croiseur, et d’au moins deux destroyers et/ou frégates ainsi que par un ou plusieurs sous-marins, des navires logistiques et un navire dit « de ravitaillement ». C’est donc une force significative qui coûte cher à déployer et à maintenir en opération.

Lorsque des bruits de bottes commencent à se faire entendre sur la planète, le positionnement et les éventuels déplacements des 11 groupes porte-avions US peuvent constituer des indices importants sur de possibles opérations militaires de grande ampleur à venir.

Avant de commencer l’analyse des capacités actuelles aéronavales de la Marine des États-Unis, il est bon de prendre en compte les éléments suivants :

  • Le déplacement d’un groupe porte-avions est relativement lent et peu discret, ce qui le rend détectable et vulnérable, notamment à l’heure des satellites, des drones et des missiles anti-navires, qui peuvent être hypersoniques pour les pays, dont l’Iran fait partie, qui disposent de cette technologie avancée. Il faut compter de 10 à 15 jours de navigation pour rejoindre la Méditerranée orientale à partir de la côte Est des États-Unis.
  • Les ports d’attache des groupes porte-avions US sont au nombre de quatre :
    • Sur l’Atlantique, cinq groupes porte-avions ont pour port d’attache Norfolk. Ce sont généralement ceux qui opèrent en Méditerranée orientale ou à proximité du Golfe.
    • Sur la côte US Pacifique, trois groupes porte-avions sont basés à San Diego (Californie), deux sont basés à Bremerton dans l’État de Washington. Ce sont généralement ceux qui opèrent dans le Pacifique.
    • Le onzième groupe est basé au Japon, à Yokosuka.

Cette relative concentration des groupes porte-avions est, selon moi, un élément de vulnérabilité, d’autant que les porte-avions en maintenance ne peuvent pas quitter leur cale sèche en quelques heures.

  • Pour des raisons de maintenance et de difficultés de recrutement des équipages, il est rare que la disponibilité opérationnelle des porte-avions US dépasse les 50%. Aujourd’hui, par exemple, cinq groupes porte-avions (sur 11) pourraient être engagés simultanément, sous réserve qu’ils puissent rejoindre leur zone d’engagement sans encombre. En temps ordinaire, un à deux groupes sont déployés en Méditerranée orientale ou à proximité du Golfe, un groupe est engagé en mer de Chine et deux groupes s’entraînent à proximité de leur port d’attache. C’est à peu près les déploiements actuels que nous verrons ci-après.
  • La situation de crise régionale actuelle au Proche et Moyen-Orient est très différente de celle de la guerre d’Irak de 2003. L’Iran de 2024, qui semble être l’ennemi potentiel d’une coalition israélo-US pouvant être élargie à certains pays de l’Occident otanien, n’a rien à voir avec l’Irak de 2003.

Attention aux erreurs d’appréciation dont les stratèges occidentaux sont coutumiers. L’Iran de 2024 est quatre fois plus peuplé et quatre fois plus vaste que l’Irak de 2003 et ce n’est plus un pays isolé. Il fait partie des BRICS 10 mais aussi de l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï). La Russie, la Chine et de nombreux pays musulmans vont prendre son parti et tout faire pour soutenir l’Iran, face à un État rejeté par la majorité planétaire tant pour le génocide qu’il conduit en Palestine que pour ses provocations et pour ses violations permanentes des résolutions de l’ONU, depuis 75 ans.

Par ailleurs, l’Iran s’est préparé à un conflit asymétrique depuis plusieurs décennies. Ce pays a acheté de nombreux matériels modernes à la Russie, notamment pour sa défense anti-aérienne (S-400), mais fabrique aussi ses propres armes (drones, missiles anti-navires, missiles balistiques). Il maîtrise la technologie hypersonique. Il a déjà prouvé sa résilience dans les domaines économique et militaire.

Tout cela, le Pentagone le sait mieux que quiconque. C’est la raison pour laquelle, il n’est pas chaud pour entrer en guerre, surtout sur plusieurs fronts (Ukraine, Proche et Moyen-Orient, Mer de Chine). Dans un Wargame de 2002, « Millenium Challenge », qui opposait l’Iran (les rouges) aux USA (les bleus), dans une guerre asymétrique, le général US Van Riper, qui dirigeait le parti iranien avec ses moyens de l’époque, a infligé une cuisante défaite au corps expéditionnaire US qui approchait de son territoire.

Lors d’une frappe préventive, il a lancé, dès le 2ème jour du conflit, une salve massive de missiles de croisière qui ont saturé les capteurs électroniques des forces US et détruit seize navires de guerre : un porte-avions, dix croiseurs et cinq des six navires amphibies. Un succès équivalent dans un véritable conflit aurait entraîné la mort de plus de 20 000 militaires US. Peu après l’offensive des missiles de croisière, une autre partie importante de la marine US était « coulée » par une armada de petits bateaux rouges, qui ont mené des attaques à la fois conventionnelles et suicides, capitalisant sur l’incapacité US à les détecter aussi bien que prévu.

Déploiements actuels des groupes porte-avions US dans le monde

Chacun peut le voir sur la carte qui précède et dans le récapitulatif qui suit : seuls trois groupes porte-avions sont en déploiement opérationnel aujourd’hui. Le CVN 71 autour du porte-avions Théodore Roosevelt navigue vers l’Est, en plein Pacifique. Il est donc fort loin et s’éloigne toujours plus des côtes iraniennes. Le CVN 75 autour du porte-avions Harry Truman a quitté Norfolk pour rejoindre, dans un premier temps, la Méditerranée orientale. On ne sait pas s’il s’agit d’un renforcement du dispositif ou d’une relève du CVN 72 (PA Abraham Lincoln) qui aujourd’hui croise au nord de l’Océan Indien et à une relative proximité du Golfe Persique et de l’Iran, après avoir quitté la Mer Rouge où la cohabitation avec les Houthis ne se passait pas bien.

Ce déploiement de trois groupes porte-avions en mission opérationnelle est une situation qui n’a rien d’extraordinaire et qui peut être qualifiée de normale.

Conclusion : Les risques d’un conflit naval face à l’Iran

Attaquer l’Iran avec un seul groupe porte-avions serait suicidaire. On se souvient que cinq groupes avaient été déployés en 2003 pour attaquer un pays beaucoup moins peuplé, beaucoup plus petit et surtout beaucoup moins bien équipé en armes anti-navires et en défense aérienne. Engager plusieurs groupes porte-avions dans une attaque contre l’Iran serait une opération à haut risque, d’autant plus visible, et surtout l’Iran d’aujourd’hui n’est plus isolé comme l’était l’Irak en 2003. C’est bien le camp occidental otanien qui l’est chaque jour davantage.

Aller titiller le Lion Perse par la mer, à proximité de ses frontières, comme on est allé titiller l’ours russe en Ukraine, ne serait donc pas une bonne idée. Espérons que les gouvernances occidentales resteront lucides et non aveuglées par la rage de perdre leur hégémonie sur le monde. Mais avec des élites dirigeantes trop sûres d’elles-mêmes, imprégnées de l’idéologie néoconservatrice et sioniste du type « Occident israélo-otanien Über Alles », on peut s’attendre à tout, et surtout au pire.

N’oublions pas que nous sommes à une époque où les États n’hésitent plus à faire « un emploi désinhibé de la Force pour faire valoir leur point de vue ou leurs intérêts », selon les mots récents du Chef d’État-Major des Armées françaises. L’Occident a largement montré l’exemple depuis 1990, avec le monopole de la force durant le moment unipolaire qui s’est achevé en 2022.

Ce que le monde entier observe en Palestine et au Liban n’est-il pas l’expression même de cet emploi désinhibé de la Force par une coalition israélo-US, en dehors de toute règle et de toute législation internationale ? Mais à chacun de se forger son opinion, bien sûr

D. Delawarde

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2024, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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5 réponses à “Géopolitique. Quelles sont les capacités aéro-navales US d’aujourd’hui, en 2024 ?”

  1. Pschitt dit :

    Article fort intéressant comme présentation générale du fonctionnement des porte-avions américains mais fort abracadabrant quand il se livre à une géopolitique de Café du Commerce. Il est absurde de se fonder aujourd’hui sur le déroulement de manoeuvres militaires qui ont eu lieu il y a plus de vingt ans, en 2002 ! Vous évoquez en outre une « cuisante défaite » américaine alors que le Millenium Challenge s’est achevé sur une victoire (théorique !) américaine. De toutes façons, il ne s’agit que de manoeuvres, destinées à faire le point en 2002 et à tirer des leçons pour l’avenir. Ces leçons garantissent qu’une guerre ne se déroulerait pas en 2024 comme en 2002, sans même parler de tous les « progrès » dans le domaine des armements accomplis depuis lors de part et d’autre.
    Par ailleurs, il est très légitime de se référer aux propos du général Burkhard, mais votre citation est biaisée. Voici ce qu’il a vraiment dit : « l’emploi désinhibé de la force est redevenu pour beaucoup le mode de règlement des conflits (…) nous constatons une désinhibition dans l’emploi de la force, l’Ukraine en étant l’exemple le plus emblématique » (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_def/l16cion_def2122006_compte-rendu).

  2. Gaï de Ropraz dit :

    Très bon commentaire et résumé Pschitt.
    Je suis peut-être Russe d’origine, vivant en Amérique du Nord, mais je compatis tout à fait à votre analyse. Grosso-modo, on sait bien que les « manoeuvres » sont une chose (Un élément du rudiment militaire), mais la réalité de la confrontation est toute autre. Et chaque décennie ramène par la force des choses et des confrontations, une image bien différente de la leçon, appliquée ou pas, basée sur des données qui n’ont plus cours. Bref, un eternel recommencement. Au plus malin de l’appliquer avant l’autre …

  3. Christian RAVIART dit :

    Le jour anniversaire du pogrom du 7 octobre, parler sans honte d’Israel comme d’un État génocidaire me paraît pour le moins scandaleux…

  4. Boutté dit :

    1°) Ce n’est guère nouveau. Relisez la Bible pour vous en convaincre : « Hommes, femmes, enfants et même animaux domestiques ». 2°) Deux mille ans après l’avoir abandonné les voilà revenus dans le territoire de leurs ancêtres avec l’aide et la bénédiction du monde anglo-saxon.Quel autre peuple pourrait prétendre à un tel retour arrière ? Verriez vous les Celtes camper sur les bords du Danube ?

  5. Eschyle 49 dit :

    Conclusion: 11 porte-avions, dont 6 opérationnels. Que la Russie tire 6 missiles Kinjal, volant à Mach 15, avec une énergie de 12 fois Hiroshima, sur une cible d’un mètre carré; et les USA se retrouvent tous nus.

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